Christophe De Caevel

L’hécatombe sociale est à nos portes

Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Cent mille entreprises auront sans doute fermé leurs portes en cette année 2022. Une vague qui ne semble pas inquiéter outre mesure les décideurs politiques.

Cette vague, on la voit venir depuis des mois. Aujourd’hui, elle est là, juste devant nous. Cent mille entreprises auront fermé leurs portes en cette année 2022, selon les données récoltées par Trends Business Information. Ce cap symbolique risque d’exploser l’an prochain, quand les derniers contrats fixes en énergie arriveront à échéance et que l’indexation des salaires sera devenue effective pour toutes les entreprises.

Pour l’heure, cette vague de cessations d’activité touche surtout de très petites entreprises, des commerces de détail, des artisans ou des exploitations agricoles. Elle ne semble dès lors pas inquiéter outre mesure les décideurs politiques, en tout cas pas au-delà d’un discours empathique de circonstance. A tort car cette vague est désormais suffisamment forte pour en entraîner d’autres. Ces 100.000 entreprises à l’arrêt, ce sont en effet des marchés perdus pour les fournisseurs et une consommation rabotée pour les personnes qui ont perdu leur job.

Le monde patronal a maintes fois alerté sur l’imminence d’un tel emballement. En vain. Les dirigeants politiques préfèrent regarder les chiffres macroéconomiques sur les marges conséquentes de certaines entreprises ou les profits croissants d’autres pour se persuader que la situation n’ést pas aussi grave que cela. Le gouvernement fédéral vient de confirmer ce lundi le principe général de l’indexation automatique des salaires, sans plafonnement ou autre modulation. Et tant pis si des entreprises ne peuvent pas toutes assumer ces hausses et se retrouvent contraintes de restructurer, voire d’arrêter.

L’hécatombe sociale est à nos portes

Le monde politique peut agir de manière plutôt efficace dans l’extrême urgence, en distribuant des aides ou en activant des moratoires. Mais quand il faut anticiper les défis à venir, les blocages idéologiques prennent le dessus et paralysent la prise de décision. Nous le voyons cruellement avec la manière dont les dossiers des pensions ou de l’énergie sont restés en rade pendant des années. Ou comme on tourne autour des enjeux climatiques, Cop après Cop.

Dans notre dossier paru ce 1er décembre dans Trends-Tendances, la directrice des études de l’UCM Caroline Cleppert tente un parallèle avec la crise du covid. “Nous étions alors tenus en haleine par l’avancée des recherches sur le vaccin, par des campagnes de sensibilisation, dit-elle. Mais ici, qui comprend ce qui bloque dans la politique énergétique de l’Europe ou de la Belgique, qui s’y retrouve entre le tout à l’électrique et les paris sur l’hydrogène?”

L’inertie politique, l’incapacité chronique à s’entendre sur des défis socioéconomiques et environnementaux de plus en plus urgents renforcent l’inquiétude des chefs d’entreprise. Ils n’entrevoient pas la moindre amélioration et mettent dès lors au frigo ces investissements qui devraient pourtant préparer l’économie de demain.

Sans une stratégie claire et comprise pas tous, vous n’obtenez jamais cette foi qui porte vos ambitions. C’est vrai en économie… comme en football.

Caroline Cleppert plaide résolument pour une communication et une transparence plus franches afin de donner aux entreprises, mais aussi aux ménages qui freinent leur consommation par crainte des turbulences à venir, des armes pour retrouver foi en l’avenir. En ce sens, on saluera la transparence du secrétaire d’Etat Thomas Dermine qui publie régulièrement l’état d’avancement des différents projets retenus dans le cadre des plans de relance, même quand certains patinent au démarrage. Ou les initiatives prises en Wallonie pour inviter les entreprises aéronautiques, petites et grandes, à travailler ensemble sur l’avion décarboné de demain.

C’est ce que l’on appelle parfois un peu pompeusement l’Etat stratège. Sans une stratégie claire et comprise pas tous, vous n’obtenez jamais cette foi qui porte vos ambitions. C’est vrai en économie… comme en football.

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