Les Wallons créent de nombreuses petites et très petites entreprises

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Camille Delannois Journaliste Trends-Tendances  

Contrairement aux clichés, les Wallons sont productifs, créent des entreprises et innovent tant et plus. Dans certains domaines, ils supportent même la comparaison avec le nord du pays. Des raisons d’espérer, même si les problèmes structurels restent criants. Tour d’horizon en neuf affirmations.

“Cette affirmation est clairement vraie, entame David Van Den Abbeel, coordinateur économique du Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp). En revanche, en comparaison avec la Flandre, il me semble compliqué de montrer que la Wallonie fait mieux. Pendant quelques années, le Brabant wallon était la province belge qui affichait les meilleures statistiques de création d’entreprises. Ce n’est plus le cas en 2022. Une nuance toutefois: on mesure les entreprises créées selon le lieu de leur siège social, pas selon le domicile de leurs actionnaires.”

Selon Stabel, en Wallonie, on reste en effet loin de la vigueur flamande. En Flandre, 69.630 entreprises avec aucun employé ont été créées en 2021 (soit 12,3 entreprises sur 100 entreprises de la même taille en fin d’année), 3.184 entreprises avec 1 à 4 employés (soit 4,4 entreprises sur 100 entreprises de la même taille en fin d’année) et 503 entreprises avec 5 à 9 employés (soit 2,7 entreprises sur 100 entreprises de la même taille en fin d’année). Dans la Région wallonne, 24.018 entreprises avec aucun employé ont été créées en 2021 (soit 10,7 entreprises sur 100 entreprises de la même taille en fin d’année), 1.870 entreprises avec 1 à 4 employés (soit 5 entreprises sur 100 entreprises de la même taille en fin d’année) et 255 entreprises avec 5 à 9 employés (soit 2,9 entreprises sur 100 entreprises de la même taille en fin d’année).

“Parmi les atouts de la Wallonie, il y a le fait que nous avons de super entreprises qui font partie des leaders mondiaux grâce à des entrepreneurs ambitieux, insiste Olivier de Wasseige. Nous avons une création nette chaque année. En termes de création d’emplois également, il y a une dynamique. Chaque année en Wallonie, même les mauvaises années, on a une création nette d’emplois allant jusqu’à 15.000 emplois nets pour les bons crus.”

Selon les chiffres de l’Iweps: “Entre 2007 et 2021, le taux moyen de création nette d’entreprises est de 1,9% en Wallonie, 2,8% en Flandre et 3,3% dans la Région de Bruxelles-Capitale. En 2021, le taux de création nette a connu une augmentation et a même dépassé le taux de 2016. Cette évolution haussière constatée en Wallonie en 2021 est le résultat à la fois d’une augmentation des disparitions d’entreprises (8,4%), mais également une augmentation plus forte des créations (11,7%) conduisant à une augmentation de la population totale des assujettis”.

“Une des difficultés, poursuit l’administrateur délégué de l’UWE, c’est que le taux de survie après cinq ans est plus faible en Wallonie que dans d’autres Régions. C’est notamment dû à un sous-financement et à un manque de capital à risque dans notre Région. Notre leitmotiv, depuis longtemps, consiste à dire que nous n’avons pas assez d’entreprises et qu’elles restent de trop petite taille: nous avons une taille moyenne de 9,1 personnes en Wallonie contre plus de 11 en Flandre. Cela fait une différence énorme.”

En Wallonie, sur un nombre total de 80.000 entreprises environ, il n’y a que 349 entreprises de plus 250 employés. “Mais elles génèrent 23% de l’emploi privé: elles sont hyper-structurantes. Là où le bât blesse, c’est auprès de la grande majorité des entreprises de moins de cinq personnes.”

“Il convient d’être attentif au fait que pour approcher ces réalités socioéconomiques, on tient généralement compte du territoire, précise David Van Den Abbeel. Or, celui-ci n’est pas nécessairement le reflet de sa population. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre l’exemple des communes du sud-est du Luxembourg qui présentent notamment des chiffres de création d’entreprises extrêmement faibles, couplés à des indicateurs sociaux (salaires, diplômes, etc.) élevés. Le Grand-Duché, par sa législation particulièrement favorable à la création d’entreprises, aspire en fait non seulement les travailleurs mais aussi les entrepreneurs wallons des communes voisines. En conclure que ces communes sont peu créatrices d’emplois et défavorisées serait donc évidemment une erreur. C’est notamment ce qui explique que, en comparaison, le PIB par habitant (mesure de l’économie du territoire) de la Wallonie est significativement inférieur à la moyenne wallonne en comparaison au revenu par habitant (mesure du niveau de vie réel).”

Laurent Riche (CEO de Stabilame): “En Wallonie, nous ne sommes pas assez démonstratifs”

Laurent Riche “Dans la botte du Hainaut, il y a un potentiel de gens qui veulent travailler et s’investir dans une structure.” © PG

“Regardez les bâtiments de nos zones d’activité économique. En Flandre, ils sont plus fastueux qu’en Wallonie où les murs des entreprises ont parfois un aspect un peu triste. Mais derrière ces murs, il y a de la technologie.” Laurent Riche, CEO de Stabilame (Mariembourg), une société familiale active dans la menuiserie et la construction en bois, voit là une belle illustration de la modestie des entrepreneurs wallons. “Nous avons plein de sociétés créatives, innovantes mais elles ne le montrent pas beaucoup, dit-il. Le vieux proverbe ‘ vivons heureux, vivons cachés ’ influence encore bien des comportements. Dans les métiers de la construction, nous sommes à la pointe de la technologie mais qui le sait? Notre culture ne nous incite pas à être démonstratifs.”

Le groupe Riche fut l’une des premières menuiseries à miser résolument sur le numérique pour développer ses activités. Sans cela, il n’emploierait sans doute pas 200 personnes aujourd’hui. “Nous avons des systèmes de fours micro-ondes pour sécher la peinture des châssis ou pour coller le bois, poursuit Laurent Riche. Nous sommes les seuls en Belgique à utiliser ces technologies mais cela nous semble normal, nous n’en faisons pas tout un tralala.” Cette modestie s’explique peut-être par la crainte des retours de bâton. “Chez nous, celui qui réussit est dans le viseur, souligne le CEO du groupe Riche. Faire une mauvaise affaire et se retrouver en difficulté, voire aller jusqu’à la faillite, ça peut arriver. Tout le monde peut se tromper, on met un peu vite les gens à l’échafaud, je trouve.”

Laurent Riche bat en brèche un cliché récurrent sur le manque de motivation et de qualification de la main-d’œuvre, qui freinerait la croissance des entreprises. “La botte du Hainaut est une région économiquement sinistrée, conclut-il. Il y a un potentiel de gens qui veulent travailler et s’investir dans une structure. Nous les formons alors en interne.” Et cela le réjouit d’autant plus d’entendre ensuite les remerciements de ses nombreux clients néerlandophones qui construisent dans le sud du pays et lui disent: “Chez vous, il y a encore des gens qui savent travailler”.

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