Les remèdes de l’UWE à la mal gouvernance wallonne

Olivier de Wasseige © Isopix
Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

La Wallonie n’a plus les moyens de financer une administration pléthorique, estime l’Union wallonne des entreprises. Elle propose une série de mesures pour aménager une fonction publique réduite mais aussi plus efficace et même plus puissante.

Chiffre l’importance de l’emploi public en Wallonie relève, selon l’Union wallonne des entreprises, de “l’exploit intellectuel”. “J’y ai perdu mes derniers cheveux”, concède l’économiste Jean-Christophe Dehalu, qui s’est plongé dans ces “statistiques obscures”, en comparant les données de la Banque nationale, de l’Iweps ou de l’Institut des comptes nationaux. Sa conclusion : avec 36% d’emplois publics, la Wallonie se classe dans le top mondial, aux côtés de pays très riches comme la Norvège. “Il y a une générosité singulière en Wallonie mais sans aucune marge budgétaire pour la financer”, résume l’économiste de l’UWE.

Le budget base zéro porté en début de législature par le ministre Jean-Luc Crucke devait apporter une première réponse à cela. “Il n’aura malheureusement pas les effets escomptés à cause d’un manque de courage politique”, regrette Olivier de Wasseige, le CEO de l’UWE. Il n’est guère plus enthousiaste à l’égard d’un plan de relance qui n’aura, dit-il, pas d’impact structurant ou de l’engagement de réduire les dépenses de 150 millions par an, qui lui paraît très aléatoire et de toute façon insuffisant.

Ne remplacer que 2 départs sur 3

L’Union wallonne des entreprises a donc décidé de déposer une série de propositions, en vue d’alléger la structure administrative wallonne et de la rendre plus efficace. Parmi celles-ci, on retrouve la limitation du remplacement des départs naturels (deux sur trois), une mesure que la pyramide des âges rend très impactante à brève échéance. En corollaire, le service public se concentrerait sur les missions essentielles et déléguerait toute une série de service à des opérateurs privés, après appel d’offres. On cite les lignes de bus (certaines sont déjà concédées), la collecte et le traitement des déchets, la maintenance des infrastructures ou l’organisation de formations. “L’externalisation de services apporte de l’agilité à la structure, beaucoup d’entreprises le font, commente Olivier de Wasseige. En faisant jouer la concurrence, on peut obtenir un meilleur service à un moindre coût. Et si, on n’est pas satisfait, on peut toujours le rapatrier dans le service public.”

Externaliser, le Service public de Wallonie le fait déjà, en confiant de plus en plus de missions à des organismes d’intérêt public (l’UWE en recense 39). L’Union wallonne des entreprises suggère de réintégrer une partie de ces OIP au sein de l’administration, pour rendre la structure plus lisible pour les citoyens et les entreprises, tout en étant moins coûteuse grâce aux économies d’échelle. “Nous voulons renforcer l’administration centrale, qu’elle soit le véritable bras armé du gouvernement et puisse veiller à la cohérence à long terme des politiques menées, poursuit Olivier de Wasseige. Aujourd’hui, le SPW ne représente que la moitié des emplois publics en Wallonie. L’autre moitié est logée dans des OIP, parfois créés, je le crains, pour être sous un contrôle politique plus direct.”

Un maximum de 5 collaborateurs par ministre

L’UWE plaide pour des relations administration-cabinets ministériels sur base du modèle nordique : les ministres n’auraient que cinq collaborateurs mais s’appuieraient sur l’expertise d’une administration centrale forte et dépolitisée. Chaque direction du SPW fonctionnerait sous la tutelle d’un seul ministre, au lieu du saucissonnage actuel, source de blocages politiques. Un ministre ne pourrait par ailleurs exercer que deux mandats, afin de garantir une dynamique de renouvellement.

Les entreprises wallonnes plaident donc pour une administration (un peu) allégée mais aussi plus puissante. “La motivation du personnel est une donnée essentielle, insiste le président de l’UWE Pierre Mottet. J’ai vu trop de fonctionnaires en burn out. Au départ, ils étaient portés par le sens de l’intérêt général et se sont retrouvés coincés, laminés par la structure.” L’UWE préconise un assouplissement de la ligne hiérarchique parfois encore très pesante dans l’administration, l’implémentation de “laboratoires d’innovation” au sein du SPW, le développement d’outils d’évaluation de la satisfaction des usagers (entreprises et citoyens) … Tout cela doit concourir à “une transformation qualitative de l’administration”. Ce SPW du futur serait également plus ouvert vers le privé, en favorisant les carrières mixtes (avec portabilité de l’ancienneté et des droits sociaux). “Les statutaires doit devenir l’exception, justifiée pour des raisons d’indépendance dans une série de fonction, conclut Olivier de Wasseige. Nous plaidons pour la co-construction d’un véritable “Pacte d’excellence” du service public, qui passera notamment par l’indispensable modernisation de la gestion des ressources humaines qui dépasse le sacro-saint “statut” et les clivages privé/public qui y sont attachés”.

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