Trends Tendances

Les employeurs procurent du travail adapté et je peux le prouver…

“La politique de réintégration est un échec. Les employeurs offrent trop peu d’opportunités de travail adapté ! Ils sont uniquement intéressés par le licenciement pour force majeure médicale et les médecins du travail marchent dans la combine !”

Ces derniers temps, les affirmations de la sorte fleurissent dans les médias. Elles semblent bel et bien reposer sur des données objectives. Toutefois, c’est leur interprétation qui, à mes yeux, continue de poser problème.

Besoin d’interprétation correcte des chiffres

Les plus pessimistes d’entre nous s’empresseront de tirer des conclusions négatives des chiffres récemment publiés par le syndicat chrétien CSC-ACV. Ces chiffres donnent un aperçu de l’ensemble des décisions prises par les médecins du travail durant le premier semestre de l’année 2017. Il en ressort que dans sept cas sur dix, le trajet de réintégration officiel se solde par l’option D, un licenciement immédiat pour raisons médicales. Cette option permet à l’employeur de mettre un terme au contrat de travail sans accorder de délai de préavis ni d’indemnité de rupture.

Pourtant, ces chiffres ne reflètent pas la réalité. Il serait erroné de dire que les employeurs n’offrent pas assez d’opportunités de travail adapté ou qu’ils sont uniquement intéressés par le licenciement pour force majeure médicale. D’un point de vue purement statistique, il est erroné de se concentrer uniquement sur les trajets de réintégration officiel à propos desquels le médecin du travail est amené à prendre une décision. Afin d’obtenir une vision correcte de la situation, il est nécessaire d’analyser tous les avis émis au cours de cette période.

Tenir compte des “simplesexamens de reprise du travail

Prenons un exemple concret. Au cours du premier trimestre de l’année 2017, la chaîne de magasins Carrefour a dû traiter huit dossiers de réintégration “officielle”. Pour six d’entre eux, la conclusion du formulaire d’évaluation de la réintégration mentionnait la fameuse option D, à savoir le licenciement pour force majeure médicale.

Néanmoins, durant cette même période, 234 “simples” examens de reprise du travail ont également été effectués chez Carrefour pour des travailleurs ayant été en congé maladie pendant un mois ou plus. Ces examens émettaient tous des avis favorables pour une reprise progressive du travail sous forme d’un travail adapté, de manière temporaire ou définitive.

Un travail adapté dans 75 % des cas

En traduisant le sens de ces avis à la lumière des catégories du formulaire d’évaluation de la réintégration, on en arrive à des conclusions qui diffèrent substantiellement des affirmations qu’on a pu lire dans la presse. Dans 75 % des cas, le médecin du travail a recommandé la reprise du travail sous forme adaptée ou sous une autre forme, de manière temporaire ou définitive. Quant au licenciement pour raisons médicales, il n’est envisagé que dans 3 % des cas.

A 136 (temporairement inapte, travail adapté possible)

B 38 (temporairement inapte, travail adapté impossible)

C 46 (définitivement inapte, travail adapté possible)

D 6 (définitivement inapte, travail adapté impossible = force majeure médicale)

E 14 (aucun trajet de réintégration possible pour le moment)

Les employeurs procurent du travail adapté et je peux le prouver...
© dr

La conclusion que j’en tire est claire : les employeurs offrent bel et bien sa chance au travail adapté et les médecins du travail (ou d’autres conseillers en prévention) jouent un rôle crucial dans cette démarche. Dès lors, il est important que les partenaires sociaux ne soient pas induits en erreur par cette image déformée de la réalité.

Par Edelhart Kempeneers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content