Les clés du sommet qui doit refonder l’Europe

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Les dirigeants européens se rassemblent jeudi et vendredi pour refonder le pacte européen sur les bases d’une discipline budgétaire renforcée. Voici les enjeux d’un sommet qui sera une fois de plus scruté par les marchés.

Le plan franco-allemand sera-t-il au coeur des décisions ?

Les propositions du couple franco-allemand sont incontournables. L’objectif affiché de refonder le pacte européen en renforçant la discipline budgétaire des Etats et les moyens proposés pour y arriver ont été plutôt bien accueillis. Le seul bémol vient du fait que les dirigeants hors de la zone euro souhaitent que ce traité intègre l’ensemble des Etats de l’UE et ne crée pas de “fragmentation” de l’Europe, comme l’a rappelé ce mercredi le Premier ministre tchèque Petr Necas. La Pologne, qui préside l’Union européenne et aspire à rejoindre la zone euro, souhaite que “le renforcement de la convergence économique au sein de la zone euro ne se fasse pas au détriment de la cohésion de l’Union à 27”.

Le plan Merkel-Sarkozy – qui prévoit également un renforcement de la croissance et de la compétitivité des politiques économiques en zone euro – ne sera toutefois pas le seul sur la table des dirigeants européens. Le président du Conseil européen Herman Van Rompuy a également présenté un projet qui prévoit la même discipline budgétaire mais va plus loin, en proposant de renforcer le droit d’ingérence de l’UE dans le contrôle des budgets nationaux y compris très en amont, au stade de la préparation.

Un plan pour quelle Europe ?

Va-t-on voter un texte à 17 ou à 27? Paris et Berlin envisagent d’appliquer la réforme des traités à l’échelle de toute la zone euro et aux seuls Etats volontaires en dehors de la zone. Car comme l’affirment les deux leaders dans leur lettre remise ce mercredi à Herman Van Rompuy “les Etats dont la monnaie est l’euro devront aller de l’avant”, étant donnée l’urgence de la crise. Et ce alors que le Premier ministre britannique David Cameron menace d’opposer un véto sur le plan qui réduirait à néant les objectifs de modification du traité. “Je ne signerai pas un traité qui ne contient pas des garde-fous comme bien entendu l’importance du marché unique et des services financiers”. Cette réforme devra en effet être adoptée à la majorité absolue.

Le “plan Rompuy” met l’accent sur un accord entre les vingt-sept. Il précise deux possibilités pour y parvenir: la première n’impliquerait qu’un accord des chefs d’Etats et de gouvernements sans ratification par les Parlements. Problème, cela ne permettrait pas de rendre les sanctions plus automatiques qu’aujourd’hui pour les pays laxistes. La seconde nécessiterait une ratification des vingt-sept, ce qui est évidemment plus difficile à obtenir pour l’ensemble des pays membres.

Comment les Etats trop dépensiers seront-ils sanctionnés ?

Les deux plans prévoient des sanctions automatiques si la trajectoire de réduction des déficits ne tend pas vers les objectifs du Pacte de stabilité (3% de déficit et 60% de dette publique). Dans les faits, un ensemble de lois a été adopté fin septembre par le Parlement européen pour sanctionner les Etats fautifs, ce que met en avant le plan Rompuy. Les sanctions iraient ainsi jusqu’à une amende de 0,2% du PIB. Par ailleurs, les deux textes prévoient la mise en place d’une règle d’or budgétaire dans la Constitution des Etats pour que l’objectif de tendre vers l’équilibre devienne une obligation pour tous les Etats. La Cour européenne de justice serait ici chargée de vérifier que les règles d’or nationales correspondent à un véritable engagement de retour à l’équilibre budgétaire.

Quels moyens pour aider les Etats en difficulté?

Pour Merkel et Sarkozy, le mécanisme européen de stabilité (MES) qui doit prendre la place du Fonds européen de stabilité financière (FESF) entrerait en vigueur en 2012 et non en 2013. Le Financial Times croit également savoir que des négociations sont en cours entre les diplomates pour combiner les moyens de prêts du FESF – qui culminerait autour de 750 milliards d’euros une fois l’effet de levier appliqué – avec celles du MES qui disposerait de 500 milliards d’euros. On s’approcherait ainsi du “pare-feu” massif contre les défaillances d’Etats, réclamé notamment par les Etats-Unis. Egalement sur la table, l’idée de donner une licence bancaire au MES, un projet soutenu par Herman Von Rompuy. Il pourrait ainsi se financer auprès de la Banque centrale européenne pour prêter aux Etats. Cette idée avait été soutenue par la France lors du dernier sommet européen du 26 octobre pour maximiser la force du FESF. Mais l’Allemagne avait refusé, et elle semble suivre le même chemin pour le MES selon une source allemande proche du pouvoir. Ce point n’est d’ailleurs pas le seul blocage de Berlin.

Sur quoi bloque l’Allemagne?

D’abord sur les euro-obligations. Berlin ne veut pas en entendre parler et a convaincu Paris d’en faire autant. Le plan Von Rompuy évoque pourtant “la possibilité, dans une perspective de long terme, d’évoluer vers l’émission en commun de dette”, donc un système d’euro-obligations, en échange d’un net renforcement de la discipline budgétaire.

Le second point concerne l’intervention de la BCE. Berlin ne veut toujours pas voir la banque centrale jouer le rôle de prêteur en dernier ressort en proposant de racheter massivement de la dette des Etats en difficultés. La question est désormais de savoir si Angela Merkel assouplira sa position, alors que l’agence de notation Standard and Poor’s vient de menacer l’ensemble des Etats de la zone euro de dégradation. Or le chef économiste de celle-ci a ouvertement réclamé, dans une interview au Monde, que la BCE fasse preuve de “plus de flexibilité monétaire”, à l’instar de ses homologues en Angleterre et aux Etats-Unis.

Cela suffira-t-il à calmer les marchés?

C’est l’interrogation majeure de ce sommet. L’objectif de la réunion des chefs d’Etats et de gouvernements est de présenter un plan global susceptible de “créer un choc de confiance” sur les marchés, comme l’a affirmé le ministre de l’Economie François Baroin ce mercredi. Le plan franco-allemand comprend de fait un message censé les rassurer: il ne sera plus fait appel au secteur privé pour résoudre les problèmes de la zone euro. Mais les mesures de discipline budgétaire qu’il prévoit prendront vraisemblablement plusieurs mois avant d’être avalisées. Et il n’auront des effets qu’à moyen terme. Or les marchés attendent des réponses immédiates à la crise, comme pourrait l’être une intervention massive de la banque centrale pour acheter ou racheter de la dette publique. Faute de leur offrir cette solution miracle, l’Europe devra être capable de parler enfin d’une même voix et d’afficher une solidarité sans faille. Apparemment, c’est mal parti. Une source proche du pouvoir allemand a indiqué ce mercredi que Berlin était “plus pessimiste que la semaine dernière” sur la perspective d’un accord à l’issue de ce sommet.

Trends.be, avec Lexpension.com

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