Amid Faljaoui

“La vraie crainte pour l’économie, c’est cette deuxième vague d’épargne”

L’épargne des Belges est un bon baromètre de l’état d’esprit de nos entrepreneurs et de nos compatriotes. Un seul mot le résume : l’attentisme.

La Banque nationale a évalué cette forme de grève de la consommation à 291 milliards d’euros, soit le montant total “placé” sur les livrets d’épargne à la fin juin 2020. C’est un record historique. Il démontre que face à la peur du chômage et d’une nouvelle vague de contamination, nos compatriotes épargnent l’équivalent de 19% de leur revenu disponible. Au pire de la crise de 2008, ce taux n’était “que” de 12%.

C’est étonnant, mais la vraie crainte pour l’économie, c’est cette deuxième vague d’épargne ! La première était normale, les économistes parlaient d’une épargne forcée. Parce que lorsqu’on est confiné, les possibilités de consommation sont limitées au strict minimum. Mais aujourd’hui, malgré le déconfinement, la consommation ne repart pas comme attendu et les dirigeants d’entreprises sont nombreux à reconnaître qu’ils font face à un problème de demande.

Car aujourd’hui, l’épargne forcée du confinement a cédé la place à l’épargne de précaution du déconfinement. Autrement dit, les ménages épargnent davantage de manière délibérée pour faire face aux jours qui s’annoncent incertains. La clé du rebond économique dépend donc du retour de la confiance des consommateurs. Seul hic, cette confiance est aux abonnés absents et malgré les déclarations et plans des gouvernements pour relancer l’économie, le rebond se fait attendre. Normal, il est impossible de faire boire un âne qui n’a pas soif, dit l’adage populaire. La faute à qui ? A l’incertitude.

Comme le résumait joliment Jean-Marc Vittori, l’éditorialiste du quotidien français Les Echos, ce virus est celui de l’ignorance. Et donc, cinq mois après le confinement et huit mois après les premières inquiétudes en Chine, nous ignorons encore son réel mode de circulation. Bref, nous sommes comme les citoyens français du mois d’août 1914, juste à l’entame de la Première Guerre mondiale. A l’époque, les dirigeants politiques nous disaient que le combat serait dur, qu’il y aurait des victimes, mais que tout serait fini dans les trois mois. Le conflit dura hélas quatre ans et servit surtout à préparer la Deuxième Guerre mondiale.

Il est impossible de faire boire un âne qui n’a pas soif, dit l’adage populaire. La faute à qui ? A l’incertitude.

En mars 2020, nous avions eu droit aux même discours (plus martial en France et plus maternel en Belgique), mais cinq mois après le confinement, qui oserait dire que l’épidémie de Covid-19 est derrière nous ? Jean-Marc Vittori a raison de rappeler que si le virus a la forme d’une couronne (d’où son nom de corona), en réalité, il ressemble plus à un labyrinthe. Et le chef d’entreprise qui lit ce modeste éditorial n’a pas besoin que je lui rappelle qu’il doit agir en plein brouillard. Il le sait et il navigue déjà à vue depuis des mois. Résultat : il reste scotché au temps court (gestion de la trésorerie) et réduit la voilure (gel des investissements) en raison de l’incertitude ambiante.

Les seuls à être heureux de cette situation d’attentisme mortifère sont les tenants de la décroissance. Car l’économie se résumerait pour eux à cette maxime connue : “nous achetons des biens dont nous n’avons pas besoin avec de l’argent emprunté pour impressionner des personnes que nous n’aimons pas”.

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