Jeremy Corbyn a-t-il trouvé la clé pour séduire des Britanniques désabusés par le Brexit ?

Jeremy Corbyn, chef de file du Labour
Maxime Defays Journaliste

Travailler moins sans perte de salaire ? Le “four-day-week”, voilà l’idée proposée par Jeremy Corbyn. Et elle plaît à la majorité des Britanniques. Dans un pays profondément marqué par les divergences de points de vue sur l’épineux dossier du Brexit, le leader du parti travailliste tente de reconquérir le coeur de ses concitoyens avec une proposition forte.

Après la démission de Theresa May, le 7 juin dernier, de son poste de leader du parti conservateur, et par conséquent, de son statut de Premier ministre (bien qu’elle le reste officiellement jusqu’à la désignation de son successeur), les candidatures pour lui succéder se multiplient. Si Boris Johnson, grand partisan d’un Brexit dur, semble tenir la corde, le pays reste cependant plongé dans un avenir incertain, alors que la date butoir de sortie de l’Union européenne est toujours fixée au 31 octobre prochain.

De son côté, l’opposition travailliste tente de reconquérir le coeur des Britanniques, explique un article de Bloomberg. Son leader, Jeremy Corbyn, souhaite mettre en place un “four-day-week” (comprenez, une semaine de travail de 4 jours). Et cette idée semble plaire à la majorité de ses concitoyens : selon un article de The Independent, trois quarts des Britanniques seraient favorables à cette politique.

Corbyn veut mettre sur la table un thème qui revient de plus en plus souvent ces dernières années dans le débat public : la réduction du temps de travail. Si plusieurs formes sont possibles, le leader du parti travailliste, appuyé dans son projet par l’économiste britannique Robert Skidelsky, connu pour ses biographies de Keynes, notamment, semble se diriger vers un projet de diminution des heures de travail par semaine, sans perte de salaire.

Dégager du temps pour ses loisirs

Mais le chef de l’opposition n’entend pas seulement vendre une proposition aux Britanniques, sans que celle-ci ne repose sur une réalité. Bien que le taux de chômage ait atteint son taux le plus bas depuis 1975 (3,8%), le recours au travail précaire et à temps partiel est important.

Dans sa volonté de lutter contre cette précarité croissante, Corbyn et Skidelsky souhaitent que les entreprises britanniques engagent davantage à temps plein. L’économiste, qui constate que ses concitoyens travaillent trop, encourage les entreprises à investir plus abondamment dans la mécanisation et la robotisation. Le but : soulager les travailleurs mais aussi diminuer le temps de travail et ainsi dégager plus de temps à consacrer aux loisirs,aux leurs amis et à la famille.

Bloomberg explique que le Royaume-Uni figure en dernière position des pays du Groupe des dix en termes de nombre de robots pour 10.000 travailleurs. Si l’Allemagne en compte 322 pour 10.000 travailleurs (première position), la Belgique 192 (5e position), les Britanniques ferment la marche, avec à peine 85 robots pour 10.000 travailleurs, largement en dessous de ses alliés.

France, Allemagne, Suède… La RTT à différentes sauces

En Suède, la ville de Göteborg a décidé de réduire le temps de travail à 30h par semaine, réparties sur 4 jours. Une nouvelle fois sans perte de rémunération. L’opposition libérale du pays a jugé le “coût de l’opération très élevé”, mais les résultats ont été clairs : les salariés se sont montrés plus productifs, mieux dans leur peau et dans leur vie personnelle. De plus, les “arrêts maladie” ont drastiquement baissé.

Les avis sur les 35h, grande politique française de réduction du temps de travail pour un salarié à temps plein, fixée par le gouvernement Jospin en 2000, ont toujours divergé selon les économistes. Cette politique, instaurée pour lutter contre le chômage de masse et pour améliorer les conditions générales de travail, a soufflé le chaud et le froid. Pour les uns, elle a permis de créer des centaines de milliers d’emplois. Pour les autres, elle fut néfaste pour la compétitivité nationale et donc pour l’emploi.

Un article de korii. (Slate) explique pourtant que, selon un rapport parlementaire datant de 2014, la politique des 35h “aurait été la moins coûteuse depuis les années 1970.”

Selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales française, la réduction du temps du travail pourrait réduire le taux de chômage et améliorer les conditions de travail. “Evidemment, il faudrait que les entreprises soient aidées et accompagnées”, explique Christophe Ramaux, économiste et maître de Conférences à la Sorbonne, toujours à korii.

En Allemagne, les syndicats du secteur de la métallurgie et le patronat se sont mis d’accord pour une réduction du temps de travail à 28h par semaine (ce métier étant considéré comme pénible). Cependant, il n’y eut ici aucune compensation salariale et cet aménagement fut limité dans le temps : seuls les salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté dans leur entreprise pourront bénéficier de cette réduction, mais uniquement pour une durée comprise entre 6 mois et deux ans.

L’idée a ses détracteurs

La durée du temps de travail n’a cessé de décroître depuis la révolution industrielle au Royaume-Uni, c’est une évidence. Mais celle-ci a tendance à se stabiliser depuis les années 1980. Skidelsky explique que les salariés devraient aujourd’hui travailler entre 33 et 34 heures par semaine, alors que la très grande majorité des Britanniques travaillent environ 40h par semaine. Selon lui, ceci s’explique par le manque d’investissement et surtout par le déclin des accords commerciaux.

Quand on leur expose l’idée des 4 jours par semaine, trois quarts des Britanniques disent qu’ils seraient capables d’effectuer le travail qu’ils font généralement en 5 jours, en 4 jours.

Mais réduire le temps de travail en laisse beaucoup sceptiques. Un lobby très puissant au Royaume-Uni explique que rendre obligatoire la semaine de 4 jours à certaines entreprises lui imposerait des normes beaucoup plus strictes, alors que de nombreuses sociétés britanniques pratiquent de plus en plus un modèle basé sur des horaires flexibles.

D’autres pensent que les employeurs vont accroître la pression sur leurs salariés s’ils sont forcés de réduire le temps global de travail.

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