Eddy Caekelberghs

Guerre en Ukraine: la sanction indo-chinoise

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

La guerre en Ukraine est perçue dorénavant comme un fardeau croissant pour l’économie indienne et le ton des commentaires officiels devient moins conciliant.

Le conflit en Ukraine révèle nos fragilités respectives. La planète-monde ne tourne pas selon nos desiderata occidentaux. Il faut s’en faire une raison. Et la guerre dessine les puissances à venir.

L’Iran, suspect atomique secoué par sa rue et sa jeunesse, conforte ses partenariats stratégiques avec Moscou en fournissant des drones (peu précis) aux troupes russes mal outillées. L’industrie russe est handicapée, sans composants électroniques suffisants. Etonnante inversion des flux Iran-Russie.

Mais les points d’appui les plus courtisés par Moscou se situent incontestablement à Pékin, en Chine populaire, et à New Delhi, dans l’Union indienne. Et là, depuis le récent sommet du groupe de Shanghai à Samarcande, Moscou engrange sans aucun doute son plus cruel (et décisif? ) revers!

A Delhi, le Premier ministre Modi s’en prend presque ouvertement aux erreurs stratégiques de l’allié russe historique. Parce que groupe de Shanghai ou pas, en diplomatie et en géostratégie, de telles alliances sont opportunistes! Comme le rappelle l’excellente lettre d’information Diploweb: “Les importations [indiennes] liées à la défense restent extrêmement importantes et vitales pour ses armées. L’Inde ne s’en sert pas seulement pour équiper ses armées mais utilise aussi celles-ci pour affermir ses partenariats stratégiques avec la Russie, les Etats-Unis, Israël, la France et le Royaume-Uni. Cet Etat émergent cherche par une politique de compensations industrielles à obliger ces grandes puissances à investir en Inde pour développer ses productions nationales et acquérir des savoir-faire et des technologies.”

A Samarcande, Modi à mis en garde son “allié” Poutine: “l’heure n’est pas à la guerre”. Le message est clair: l’Inde est officiellement inquiète et, étant un des gros clients de la Russie, son marché des échanges avec Moscou ne saurait être négligé. Or, il l’est! La Russie n’est plus en mesure d’assurer pleinement les fournitures d’armement à une Inde perpétuellement sur la défensive.

L’Inde n’a pas condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Elle a même intensifié ses achats en passant, au sein du continent asiatique, de la quatrième à la deuxième place des clients de la Russie. Pour autant, la guerre en Ukraine est perçue dorénavant comme un fardeau croissant pour l’économie indienne et le ton des commentaires officiels devient moins conciliant. En janvier 2022, le FMI prévoyait une croissance de 9% pour l’année, ce qui plaçait l’Inde au premier rang des pays émergents avec un rythme de croissance presque deux fois supérieur à celui de la Chine. Le déclenchement de la guerre en Ukraine a provoqué une révision à la baisse de ces anticipations. Le FMI n’annonce plus qu’une croissance de 7,4% pour l’Inde en 2022. Et l’Inde entend par ailleurs maintenir sa place dans la coopération indo-pacifique initiée par les Etats-Unis pour contrer les ambitions chinoises.

Et la Chine? A Pékin, Xi s’écarte implicitement de ce Poutine encombrant avec ses échecs militaires. Même si la Chine de Xi a toujours le même but hégémonique… déjà moqué par cette plaisanterie de la grande époque qui racontait une entrevue imaginaire entre Khrouchtchev et Mao: Khrouchtchev ayant abreuvé le “Grand Timonier” d’images triomphales soviétiques, Mao lui confie avoir fait le rêve de voir la place Rouge remplie de drapeaux rouges ; Khrouchtchev réplique “Normal, non?” et Mao de conclure “Oui, mais c’étaient des drapeaux chinois”. Rappel utile: l’hégémonie du 21e siècle se forge aussi en Ukraine et la Chine souhaite toujours déclasser Moscou … et Washington!

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