Fisc : vers l’impôt à taux zéro ?

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L’accord sur la nouvelle tuyauterie fiscale des Régions ouvre la porte à une concurrence encadrée, mais réelle.

Sujet délicat, le projet de loi spéciale de financement, qui revoit les flux des revenus fiscaux vers les Régions et Communautés, est examiné à la loupe par les spécialistes. Les chiffres précis ne sont pas encore connus ; il est donc encore difficile d’évaluer l’équilibre général du nouveau dispositif. En revanche, l’impact pour le citoyen apparaît plus clairement.

Un des sujets sensibles pointés dans le projet de loi porte sur la concurrence fiscale. Les politiques du nord du pays ont obtenu une plus grande autonomie des recettes fiscales à travers un mécanisme d’additionnels sur l’impôt sur le revenu, qui représentera le tiers de ces recettes. Chaque Région sera libre de fixer les taux qu’elle souhaite appliquer, tout en respectant une limite.

Un taux zéro est possible

“Cette limite porte sur les taux appliqués au sein d’une même Région, pas entre différentes Régions, soulève Giuseppe Pagano, professeur de Finances publiques à l’Université de Mons. En théorie, si la Wallonie, Bruxelles ou la Flandre décident d’appliquer un taux zéro, ce sera possible. Si l’on trouve du pétrole dans les Ardennes, on pourrait même imaginer un additionnel négatif !”

Les Régions pourront appliquer des taux différents selon les tranches de revenus. “Cela répond à un souhait du côté flamand, où l’on aimerait retoucher la progressivité de l’impôt pour alléger le prélèvement pour la classe moyenne supérieure. Cela revient à réduire le taux appliqué à une tranche de revenus sans le faire avec une autre tranche.” Mais cette variation est encadrée : le “cadeau” fiscal obtenu en retouchant la progressivité de l’impôt ne peut dépasser 1.000 euros.

L’additionnel régional sur l’IPP (impôt sur les personnes physiques) n’est pas une nouveauté. Le mécanisme était déjà prévu, à titre optionnel, par la loi spéciale de financement de 2001. “Les Régions peuvent instaurer un additionnel positif ou négatif jusqu’à 6,75 %” continue Giuseppe Pagano. Mais n’y ont pas eu recours, hormis brièvement, en Flandre, où la Région a réduit l’impôt des personnes actives (jobkorting) avec des additionnels négatifs de 250 ou 300 euros, selon la catégorie de revenus. La mesure a été annulée à la fois en raison de son coût pour la Région (au moins 500 millions d’euros par an) et des objections de la Commission européenne, qui contestait la limitation de la mesure aux travailleurs domiciliés en Flandre, excluant les travailleurs habitant dans les Régions et Etats voisins.

L’écart se creuse par petites touches

Les déséquilibres fiscaux existent aussi dans notre pays à travers les centimes additionnels communaux et les droits de succession distincts entre les Régions. La régionalisation des allocations familiales – incluse dans les négociations actuelles – pourrait encore accentuer la tentation du déménagement. “Je songe surtout à Bruxelles, où il suffit de traverser la rue pour se retrouver en Flandre, plutôt qu’à une concurrence Wallonie-Flandre” pense tout haut Christian Valenduc, vice-président de l’Institut belge des Finances publiques, qui rappelle que l’accord BHV inclut tout de même une mesure générale de non- concurrence fiscale ; “mais il n’y a pas de critère fixé”.

Les écarts se creusent, et cela devrait continuer. Seul frein : la pression budgétaire actuelle, qui se prête mal à des rabotages de taux, même en Flandre. Pour une augmentation, la manoeuvre est délicate. “Les exécutifs devront les obtenir au parlement régional, et l’expliquer. Il y aura un débat public” conclut Giuseppe Pagano.

Robert van Apeldoorn

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