Rudy Aernoudt

Factures et responsabilité sociale

Les grandes entreprises ont l’occasion d’assumer leur responsabilité sociale en payant leurs fournisseurs à temps et à court terme de préférence.

La responsabilité socialedes entreprises ne se limite pas à des investissements verts et une politique sociale responsable. Elle implique aussi que les entreprises, et surtout les grandes, paient leurs fournisseurs à temps, surtout en cette période post-corona. La crise du covid a en effet entraîné des problèmes de liquidités pour de nombreuses sociétés. Au cours de l’année 2020, seules deux factures sur trois ont été payées dans le délai convenu et 15% des factures sont restées impayées 90 jours après l’échéance. On estime que 43% des factures payées en retard le sont intentionnellement, comme mesure de gestion financière. Le taux de défaut (factures jamais payées et passées en pertes) a atteint 3,5% de l’ensemble des factures. Un pourcentage énorme qui grève la rentabilité des entreprises.

Les grandes entreprises ont l’occasion d’assumer leur responsabilité sociale en payant leurs fournisseurs à temps et à court terme de préférence.

Quand on sait que les créances représentent en moyenne 25% du total du bilan et peuvent atteindre 40% dans certains secteurs comme le commerce de gros, on mesure l’ampleur du problème. Il n’est pas surprenant que des études européennes montrent que pour 36% des entreprises, les paiements en retard constituent un problème majeur. Dans le rapport Intrum 2021, par exemple, la moitié des répondants affirment que les retards de paiement ont réduit leurs liquidités pendant la crise du covid, contre 35% avant… et pas moins de 38% y voient une menace pour leur survie. Une faillite sur quatre est directement liée à de tels retards. Il va sans dire que certains secteurs ont plus de problèmes que d’autres. La construction, par exemple, où les délais sont souvent longs, connaît en outre de fréquentes contestations de facture. La durée moyenne des litiges dans ce secteur atteint 20 mois.

La solidarité qui s’est manifestée – notamment à la suite des inondations – serait aussi la bienvenue entre les entreprises. Pour chaque jour gagné sur les délais de paiement, la Commission européenne estime qu’on économiserait 158 millions d’euros en coûts de financement. Les grandes entreprises ont ici l’occasion d’assumer leur responsabilité sociale en payant leurs fournisseurs, souvent des PME, à temps et à court terme de préférence. La législation (loi du 29 avril 2020) stipule que les grandes entreprises doivent payer dans les 60 jours. Elle a été récemment renforcée (loi du 15 juillet 2021) par l’inclusion dans ce délai de l’éventuelle période de vérification, comblant ainsi une faille qui permettait de contourner la loi.

Ce n’est cependant pas de la loi qu’il est ici question, mais bien de comportements. Les grandes entreprises ont intérêt à ce que leurs fournisseurs ne se noient pas dans les problèmes d’encaissement. Elles pourraient inscrire dans leur code de conduite qu’elles paient leurs fournisseurs à temps. Aux Pays-Bas, 63 grandes entreprises ont déjà signé la charte Betaalme.nu par laquelle elles s’engagent à payer dans les 30 jours. Les investisseurs en capital-risque qui, à leur entrée dans l’entreprise, allongent souvent les délais de paiement pour réduire le besoin en fonds de roulement, pourraient également signer une telle charte. Les exemples abondent où leur arrivée s’accompagne de délais doublés contre lesquels les PME, vu leur position, n’ont aucun recours.

Les pouvoirs publics sont également de grands acheteurs de biens et de services. On estime que 18% de tous les achats sont des commandes publiques. Il serait donc bon que les administrations locales, régionales et fédérales adoptent aussi un comportement de paiement respectueux. Espérons que la crise du corona suscite, dans ce domaine également, un changement de mentalité.

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