Etienne de Callataÿ: “Les économistes voient dans l’inflation des vertus que l’homme de la rue ne voit pas”

Trends Talk avec Etienne de Callataÿ 24/12/22
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le chief economist d’Orcadia Asset Management dresse le bilan d’une année 2022 dantesque dans notre Trends Talk. “L’inflation fait des dégâts, dit-il, mais elle a une vertu redistributive.” Il clame son inquiétude pour la Wallonie.

L’année 2022 a été fortement chahutée sur le plan économique. Etienne de Callataÿ, cofondateur et chief economist d’Orcadia Asset Management, en dresse le bilan dans notre Trends Talk hebdomadaire, qui passe en boucle ce week-end sur Canal Z. Une année par le retour d’un taux d’inflation à deux chiffres, comme la Belgique et l’Europe n’en avait plus connu depuis les années 1970-80. “L’année économique a été marquée par un triplé: Ukraine, taux d’inflation, taux d’intérêt”, résume l’économiste.

Des gagnants et des perdants

L’inflation est-elle désastreuse pour nos économies ? “En réalité, les économistes sont plutôt complaisants par rapport à l’inflation, ils ne s’en inquiètent pas trop, souligne Etienne de Callataÿ. Ils voient dans l’inflation des vertus que l’homme de la rue ne voit pas. Il y a une phrase célèbre d’un économiste financier, Robert Shiller, disant en substance, il y a vingt-cinq ans, que les élections se gagnent ou se perdent avec l’inflation. L’inflation peut avoir un impact fort sur le pouvoir d’achat des gens et aussi sur leur manière de voter. Mais d’un point de vue économique, l’inflation est redistributive, il y a des gagnants et des perdants.

Il prolonge : “Quand le prix d’e l’énergie augmente, ceux qui la vendent y gagnent et eux qui l’achètent y perdent. Il n’y a pas que ça. Certaines entreprises vont pouvoir répercuter la hausse des coûts, voire un peu plus, et d’autres qui ne pourront pas le faire. Il y a des travailleurs qui vont voir leur rémunération augmenter de l’inflation, voire un petit peu plus, et d’autres pas.”

Cela rebat les cartes… “Avec des problèmes sociaux, bien entendu, souligne le chief economist. Mais aussi avec des vertus. Sans paraître hors-sol, sans être cynique, sans paraître déconnecté des souffrances que bon nombre de ménages peuvent rencontrer, ce rabattage des cartes peut avoir des effets, notamment lorsque, j’invente, un certain nombre de restaurateurs ou de bouchers ne sont pas à même de répercuter les hausses de prix, hé bien il y aura peut-être moins de bouchers ou de restaurants. C’est triste pour un boucher ou un restaurateur à titre individuel, mais la collectivité ne va pas nécessairement moins bien se porter. Cela fait des dégâts, mais le pire serait de vivre dans une économie sclérosée, dans une économie où il n’y aura jamais de changement, jamais de réallocations.”

Ce sont de tels changements rapides qui permettent de modifier les contours de l’économie, souligne-t-il, et incitent notamment les gens à réduire leur consommation d’énergie. L’économie voit d’ailleurs dans la transition énergétique un des leviers majeurs de notre époque et s’en explique longuement. De même qu’il se montre plus optimiste que d’autres au sujet de l’avenir européen.

“La Wallonie donne le bâton pour se faire battre”

La Belgique, fortement endettée, le préoccupe davantage. “Vous faites bien de mettre le doigt là-dessus. Si vous pouvez emprunter à un taux d’intérêt de 0%, je suis prête à emprunter 3000 milliards, il n’y a pas de souci. Le taux d’intérêt est une variable clé dans la soutenabilité des finances publiques. Si les taux d’intérêt remontent comme ils l’ont fait, cela devient plus difficile. Etre endetté, c’est se mettre entre les griffes de vos créanciers.”

Quant à la situation de la Wallonie, elle l’inquiète davantage encore, elle qui termine l’année avec un scandale du parlement wallon dont on se serait bien passé. “Il n’y a évidemment aucune raison de faire du Wallonie bashing, dit Etienne de Callataÿ, mais pendant trop longtemps, un certain nombre de politiques se sont dit que cela ne servait à rien de peindre une situation trop noire parce que cela allait déprimer tout le monde. Il y a eu une volonté de dire que la Wallonie se redresse, que l’on est en train de rattraper la Flandre, ce qui est tout à fait faux. Il y a un petit indicateur pour lequel il y a un rattrapage, c’est la qualité de l’enseignement, mais c’est parce que c’est en train de baisser en Flandre.”

Il prolonge: “Nous avons à voir que la situation économique et sociale de la Wallonie n’autorise aucune complaisance à cet égard. Or, nous donnons tous les bâtons pour nous faire battre. Le problème du parlement wallon est un problème, mais il faut s’intéresser au nombre d’élus wallons, au staff qui est au parlement wallon… La Wallonie est dans un triste état et elle pourrait se retrouver dans une situation encore plus délicate.”

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