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En finir avec le cliché de l’écolo-bobo

Dimanche dernier avait lieu la grande manifestation pour le climat, ou plutôt 2.700 manifestations pour le climat organisées un peu partout dans le monde (c’est ce qui avait été annoncé), en marge de la réunion des Nations Unies prévue à New York le lendemain et rassemblant 193 pays autour de la problématique du réchauffement climatique.

New York fut évidemment le point d’orgue de cet engouement planétaire, avec 310.000 manifestants déambulant dans les rues de Manhattan, soit trois fois plus qu’attendu par les organisateurs. Dans les rangs des marcheurs, Leonardo DiCaprio, Ban Ki-moon, Al Gore ou encore Sting jouaient les figures de proue. Mais ils étaient aussi 40.000 à Londres, 10.000 à Melbourne, et… 1.500 à Bruxelles. Un peu chiche, pour la capitale de l’Europe supposée abriter l’un des gouvernements les plus influents en ce qui concerne la question climatique.

Ce manque de ferveur n’est pas imputable seulement au crachin bien belge qui mouillait notre capitale ce matin-là, pas plus qu’il ne peut l’être à une inconscience de nos concitoyens face aux dangers du réchauffement climatique ; il traduit plutôt un perte de confiance dans la capacité des gouvernements, belge et européen, à agir pour limiter le recours aux énergies fossiles et réduire ainsi les émissions de CO2. Il faut dire que jusqu’ici les tentatives politiques pour forcer le renouvelable n’ont pas été très fructueuses, le cadre réglementaire n’ayant cessé d’être modifié, pour l’éolien comme pour le photovoltaïque. Et il ne faut pas non plus compter sur les grands énergéticiens pour jouer cette carte-là : pas rentable et pas dans leur coeur de métier, le renouvelable est loin de leurs priorités. Exemple en Allemagne, où les trois plus grands groupes énergétiques ne possèdent que 0,003 % des 37 GW de capacité solaire installée, l’une des plus importantes au monde.

En finir avec le cliché de l’écolo-bobo, sauver le climat ne veut pas nécessairement dire stop à la croissance.

Face à cet immobilisme collectif, le Belge (et probablement certains de ses voisins) semble jouer la carte de l’individualisme. Quand c’est possible, il achète plus local et plus vert ; il veille à consommer moins d’énergie ; s’il en a les moyens, il pourrait se laisser tenter par une installation photovoltaïque ; bref, il est séduit par les offres de produits et de services durables. Commercialement donc, il y a une opportunité à saisir et un terrain à occuper, que ce soit dans le secteur de l’énergie, de l’agroalimentaire, des transports, ou même du textile. Sur le plan de la productivité aussi, certains commencent à voir un avantage dans le renouvelable. Ainsi mardi, plusieurs grands noms de l’industrie comme Ikea, Mars, H&M, KPN ou encore Nestlé annonçaient joindre le mouvement RE100, avec pour objectif qu’en 2020, 100 des plus grandes entreprises du monde se soient engagées dans la voie du 100 % renouvelable. Pour l’image seulement ? On en doute. En prenant l’avantage en termes d’efficacité énergétique, ces acteurs estiment indubitablement pouvoir disposer à terme d’un important levier de croissance.

Croissance, vous dites ? Oui : sauver le climat ne veut pas nécessairement dire stop à la croissance. Le cliché de l’écologiste altermondialiste a vécu. Anticiper et prévenir le réchauffement de la planète engendrera certainement un surcoût pour toute une série d’agents économiques et pour les gouvernements, s’ils se décident enfin à mener des politiques de long terme en la matière. Mais heureusement pour nous tous, ce surcoût devrait être payable – c’est la conclusion du rapport de la Commission mondiale sur l’économie et le climat publié la semaine dernière – et surtout, rentable : la ville de Stockholm est, par exemple, parvenue à réduire de 35 % ses émissions de gaz à effet de serre entre 1993 et 2010, avec une croissance économique de 41 %…

CAMILLE VAN VYVE

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