Criminalité financière: “le nouveau gouvernement a du pain sur la planche”

Le président de la Cellule de traitement des informations financières, Jean-Claude Delepière en 2006. © Belga

Le président de la Cellule de traitement des informations financières, Jean-Claude Delepière, a critiqué, lors de la présentation du 20e rapport d’activités du CTIF, l’absence de suivi par le précédent gouvernement en affaires courantes dans le domaine de la criminalité financière et plus particulièrement du financement du terrorisme.

Le Collège de coordination de la lutte contre le blanchiment de capitaux d’origine illicite et le Collège du renseignement et de la sécurité ont établi respectivement, fin décembre 2013, deux évaluations spécifiques, l’une relative aux risques et à la menace en matière de blanchiment, l’autre aux risques et à la menace en matière de financement du terrorisme. Ces deux évaluations ont été adressées respectivement aux deux Comités ministériels concernés.

“La ministre de la Justice du gouvernement démissionnaire, qui préside le Comité ministériel de coordination de la lutte contre le blanchiment de capitaux d’origine illicite, a (…) signalé qu’il ne serait pas possible avant la fin de la législature de réunir le comité ad hoc, en raison de la fin de la législature. Elle a demandé de présenter au prochain gouvernement une liste des points précis et des propositions concrètes, par exemple de modifications législatives, que le Comité devrait examiner lors de sa première réunion”, épingle le rapport d’activités 2013 de la CTIF. Jean-Claude Delepière compare cette situation à celle d’une maison en construction dépourvue de toit pendant plusieurs mois. “Les matières étant complexes, cela nécessite du temps. Le nouveau gouvernement a du pain sur la planche”, estime le président de la CTIF. Si ce dernier salue la qualité du travail mené ces dernières années par le parquet fédéral en matière de terrorisme, il regrette l’absence de vision au niveau belge mais aussi européen quant au financement des organisations terroristes. Le travail de la CTIF se limite à l’analyse de flux dans des dossiers concrets sur base de soupçons de déclarants et ne porte pas sur le financement structurel d’organisations terroristes, signale Jean-Claude Delepière.

En 2013, la CTIF a transmis 25 dossiers aux autorités judiciaires sur base d’indices ‘sérieux’ de financement du terrorisme, portant sur un montant total de 2,57 millions d’euros. Le nombre de dossiers transmis et les montants en jeu qui en découlent sont en progression en 2013 par rapport à l’année précédente. La part du financement du terrorisme dans les criminalités identifiées par la CTIF en 2013 reste toutefois limitée puisqu’elle s’établit à 2,14 % du nombre total de dossiers transmis et à 0,32 % du montant total découlant de l’ensemble des dossiers transmis, précise le rapport du CTIF.

Autre tâche à laquelle le gouvernement Michel devra s’atteler en priorité selon la CTIF: améliorer la lutte contre la criminalité financière par le biais de la Justice. “Le précédent gouvernement n’a pas marqué beaucoup de points dans cette lutte mais le retard est plus ancien”, considère M. Delepière, qui renvoie aux conclusions en la matière du récent rapport du Groupe d’Etats contre la corruption (Greco). Le président de la CTIF épingle le manque de moyens, la qualité des formations ou encore le non-respect du délai raisonnable pour traiter les dossiers. Il considère que la situation est particulièrement préoccupante au parquet de Bruxelles.

La Belgique, avec la Norvège, l’Espagne et l’Australie, figure parmi les quatre premiers pays membres du Groupe d’Action financière (GAFI) à être soumis à un examen international de l’effectivité des politiques mises en place contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le rapport final concernant la Belgique sera rendu public à Paris, en février 2015. Le GAFI est un groupe intergouvernemental indépendant créé en 1989 par le G7 pour faire face au blanchiment de l’argent de la drogue. Son mandat a été étendu en 1996 au blanchiment des produits tirés de tout délit, puis en 2001 au financement du terrorisme.

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