Coronavirus/La question du jour: La fin de l’économie de l’encombrement?

La Grand-Place de Bruxelles © Belga

François Levêque, professeur d’économie à l’Ecole des Mines, à Paris (voir son interview dans Trends tendances du 25 octobre 2018 sur “les habits neuf de la concurrence”), a sorti ce matin un article dans lequel il se demande si le covid-19 n’a pas sonné le glas de ce qu’il appelle “l’économie de l’encombrement” (1).

Oui, les images de Venise déserte, des énormes navires de croisière mis en quarantaine, de la Grand-Place de Bruxelles vide et triste comme un jour sans pain… nous ont évidemment frappés. Sans compter les statistiques délivrées par les organisateurs des JO de Tokyo avant l’annonce de leur report : près de 5 millions de tickets avaient déjà été vendus, la capitale nipponne s’attendait à recevoir 10 millions de spectateurs, et le village olympique avait déjà mis en place 26.000 lits…

La ville idéale : 200.000 habitants

Certes, le fait de rassembler dans des endroits précis une offre et une demande n’est pas que négatif. Cela génère des activités qui profitent à de nombreuses personnes. Cela permet, en réduisant les prix, de profiter de services ou de biens auxquels beaucoup n’auraient pas pu eux accès sans ces économies d’échelles.

“Il s’agit donc de mettre en regard les coûts de l’encombrement et ses bénéfices concomitants, note François Levêque. Le niveau d’encombrement optimal n’est pas égal à zéro. Sur le papier (…) la taille économiquement idéale d’une ville ou le nombre de voitures économiquement optimal sur une autoroute sont calculables. Et l’ont été.”

Ainsi, certains économistes se sont demandé quelle devrait être la taille d’une ville en fonction de sa population totale et des “économie d’échelle” que la taille pouvait engendrer dans une série de domaine (offre de biens et de services, environnement, sécurité etc..). Résultat : la taille optimale des villes allemandes est d’environ 200.000 habitants.

La fin du tourisme de masse ?

C’est bien évidemment dans le secteur touristique que cette économie de l’encombrement est le plus visible. Barcelone, Budapest, Venise… souffrent d’un afflux de touristes qui provoquent des problèmes environnementaux, sociaux, économiques. Et il n’est pas sûr que des politiques fiscales, telles celle adoptée par Venise imposant une taxe de 2 à 10 euros environ par touriste et par jour (le tarif varie en fonction de la saison), soit la bonne approche. Cette taxe vénitienne finance à peine le ramassage quotidien des ordures dans la cité.

Un dossier très intéressant sur le futur du tourisme publié par le GEAB, le bulletin du Laboratoire Européen d’Anticipation Politique (2), pointe le fait qu’en Europe, nous arrivons doucement, dans le tourisme, à un plafond de capacité. “Si l’Europe a encore accueilli en 2018 plus de la moitié du tourisme mondial (713 millions de touristes en Europe sur 1,4 milliard dans le monde), ce n’est pas seulement en raison de la richesse de son patrimoine et de la beauté de ses sites, écrit le Leap. C’est avant tout parce qu’elle a la capacité d’accueillir ces 713 millions de personnes – grâce à sa densité de restaurants, d’hôtels, d’aéroports, de gares, de musées aménagés de manière moderne, etc. Mais désormais, le monde entier travaille à capter une part de ces immenses flux de voyageurs”, ajoute le Leap qui note que “la petite Europe ne saurait continuer à accueillir 51% des touristes mondiaux dans le cadre de l’augmentation de la population touristique mondiale qui était en tout cas prévue avant la crise. Cela donnerait, en 2030 selon les estimations, entre 1,4 et 1,9 milliard de touristes (au lieu des 710 millions actuels) sur le vieux continent. Plusieurs tendances se dégageraient de cette explosion touristique attendue : les sites exceptionnels seraient de plus en plus réservés à la clientèle la plus fortunée ou, comme à Lascaux, la plus experte. Parallèlement, les commerces de tourisme de masse (fast food, etc..) céderaient la place à des commerces plus luxueux.

Et pour ceux désireux de voir ces sites sans casser leur tirelire, les expériences de visites virtuelles se multiplieront.

Le coronavirus accélèrera les changements. Alors que les compagnies aériennes low cost auront du mal à survivre, on voit que de nombreux sites touristiques s’ouvrent aux visites virtuelles. Aujourd’hui, en restant confinés dans votre salon, le Louvre, le Musée d’Orsay, le Centre Pompidou, le Grand Palais à Paris vous ouvrent leurs portes virtuelles…

Partner Content