Eddy Caekelberghs

Bruits de Chine

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

La croissance de la Chine pourrait se situer au niveau, voire en dessous, du taux des pays occidentaux, ce qui serait une “gifle” pour Xi Jinping.

“C‘est une révolte? Non, c’est une révolution!” Ce dialogue que l’on prête à Louis XVI et son valet de chambre après la prise de la Bastille, on pourrait l’imaginer à Pékin où Xi Jinping, encore auréolé de son coup au récent Congrès du parti communiste chinois, apprend que les foules manifestent dans plusieurs grandes villes aux cris de “Xi et PCC démission!”

Ni le parti, ni le nouveau Grand Timonier ne démissionneront mais les inflexions dans la rigueur “zéro covid” sont déjà présentes, tentant ainsi de désarmer (momentanément? ) la tentation d’un Tian’anmen bis. Surtout que dans la rue, on entend des “Nous voulons plus de liberté!” traduisant un ras-le-bol généralisé de la population chinoise.

Et tout cela sur fond de ralentissement économique, dû certes à la politique “zéro covid” mais aussi au ralentissement du volume des exportations chinoises. Enfin, la Chine n’a pas été épargnée par les pénuries, notamment dans les composants électriques. Et n’a pas échappé non plus à la hausse du prix des matières premières. Le pays ne réalisera évidemment pas son objectif de 5,5% de croissance cette année, malgré la multiplication des plans de relance. Pour la première fois, cette croissance pourrait même se situer au niveau, voire en dessous, du taux des pays occidentaux, ce qui serait une “gifle” pour Xi.

Le ralentissement de l’économie chinoise, en contribuant à modérer l’inflation, permet à la Banque centrale européenne de limiter la hausse des taux d’intérêt

Et son commerce international ne va pas se rétablir de sitôt, en témoigne la chute actuelle du prix du transport maritime qui est un bon indicateur… Les pays industrialisés retrouvent les chemins du protectionnisme et le modèle qui a fait le succès de la Chine tend à s’épuiser au profit d’autres pays asiatiques, comme nous le commentions récemment. Sans compter la mauvaise évaluation du coût pharaonique des Routes de la soie et de l’objectif “Made in China 2025” qui n’aboutit à rien. Rajoutons à cela un vieillissement de la population qui pèsera très vite sur les performances économiques de Pékin.

Cette mauvaise conjoncture économique et sociale a joué un rôle clé dans le déclenchement du mouvement de contestation. Et l’avoir censuré au congrès du parti n’y change rien. Les jeunes actifs n’ont plus guère de perspectives d’emploi, mise à part la fonction publique qui recrute dans des proportions sans précédent depuis plusieurs décennies. Ce sont avant tout des hommes et des femmes de moins de 35 ans que l’on retrouve aujourd’hui dans les manifestations. Des gens qui, depuis des années, peinent à s’insérer sur le marché du travail et ont en outre subi – merci “zéro covid” – de fortes perturbations dans leur vie privée et leur équilibre psychique.

Cette jeunesse déclassée s’en prend au régime tant dans la rue que sur les réseaux sociaux, ce qui est inédit pour le gouvernement chinois. Et tout cela alors qu’en mars, Xi, fort de sa réélection triomphale à la tête du parti, doit se faire désigner à nouveau président de la Chine.

Est-ce pour autant une mauvaise nouvelle pour tout le monde? Certainement pas si cela amène la Chine à assouplir sa démocrature! Sans compter, plus prosaïquement, que le ralentissement de l’économie chinoise, en contribuant à modérer l’inflation, permet à la Banque centrale européenne de limiter la hausse des taux d’intérêt et donc les risques de crise économique, sociale et financière qu’elle pourrait provoquer chez nous.

Alors, répression sanguinaire ou accommodements raisonnables? Si l’inflation est plus faible en Chine qu’ailleurs, le prix de biens alimentaires explose, ce qui ne va pas apaiser le climat social. Les prochaines semaines seront donc cruciales. Ici aussi.

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