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A Davos, milliardaires brocardés et chiffres tronqués d’OXFAM

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Hier encore, je vous parlais de l’utilité discutable du Forum de Davos, la réunion des hommes et des femmes les plus puissants de la Terre. Ce n’est pas une raison pour aussi questionner l’attitude d’OXFAM, une ONG britannique que tout le monde connait.

Beaucoup d’économistes ont un souci avec OXFAM. Non pas sur son boulot ou ses objectifs mais sur cette manie de sortir des chiffres chocs en même temps que l’ouverture de Davos. En fait, en bon communicants, les dirigeants d’OXFAM profitent de la notoriété de Davos pour jouer à la “stratégie du coucou”: comme ce sont les puissants et les riches qui se réunissent, eh bien, nous, OXFAM, on sort systématiquement des chiffres qui montrent que ces riches sont “nuisibles”, qu’ils sont à l’origine de tous nos soucis ou presque. Et que pour rétablir l’équilibre, il faut (devinez quoi, je vous le donne en mille ?), oui, il faut les taxer.

Pour cette édition 2023, OXFAM a davantage ciblé les milliardaires. En gros, ces vilains cocos se sont enrichis pendant que le citoyen lambda se serait appauvri. Donc sur les 61 pages du rapport d’OXFAM, les mots impôts ou imposition reviennent 350 fois. Ce n’est pas mal et cela marche ce genre de communication que fait OXFAM. Elle brandit des chiffres faramineux représentant la fortune des ultra riches et puis de l’autre, elle les compare à nos modestes revenus, et comme le gouffre est flagrant, l’émotion suit et malheureusement le raisonnement s’effondre.

Je vous rassure, je ne suis pas milliardaire, mais le raisonnement d’OXFAM est vicié et cela fait des années que les économistes le disent mais en vain. Il est vicié car OXFAM montre les chiffres de la fortune de ces milliardaires, mais cette fortune est basée sur le cours de bourse de leurs actions. Je ne vous donne qu’un seul exemple : OXFAM avait fustigé le fait que les milliardaires se sont enrichis pendant la pandémie. Oui, c’est vrai, mais grâce à qui ? Grâce aux gouvernements qui nous ont assignés à demeure pour ne pas attraper le COVID. Résultat : toutes les actions comme Facebook, Netflix ou Zoom ont crevé les plafonds pour la simple raison que sans le e-commerce et les divertissements à domicile, la période du COVID aurait été plus compliquée à gérer. Autre exemple : OXFAM fustige la fortune indécente de ces milliardaires et propose de les taxer. OK, pourquoi pas, mais à nouveau, cette fortune est virtuelle. Prenez le cas de Elon Musk, il a été pendant des mois et des mois l’homme le plus riche du monde, mais aujourd’hui comme le cours de l’action Tesla s’est effondré, pas de 2 ou 5% mais de plus de 70%, sa fortune – virtuelle, j’insiste – a été divisée par deux, et ce n’est pas le fisc belge ou français qui est passé par là, c’est juste la loi du capitalisme boursier. C’est d’ailleurs plus cette raison que la bonne tenue du secteur du “Luxe” qui explique que le Français Bernard Arnault, le PDG de LVMH, le géant mondial du luxe, soit devenu l’homme le plus riche du monde à la place de Elon Musk.

Donc, oui, OXFAM brouille les pistes volontairement ou involontairement car elle compare des pommes et des poires. Comme l’écrit mon excellent confrère Pierre Bentata : OXFAM compare un stock à un flux (OXFAM compare une valeur fictive à un revenu réel) et OXFAM compare des ménages avec des capitalisations boursières d’entreprises. N’importe quel comptable serait recalé à son examen s’il sortait des comparaisons pareilles.

Mais c’est malin, hier encore, j’écoutais l’historien Fabrice d’Almedia, l’auteur d’un livre consacré à l’histoire mondiale des riches. C’était dans le cadre de l’excellente programmation du club d’affaires WTC, et cet historien nous rappelait en creux qu’au fond, dans toutes les crises, les peuples ont besoin d’un bouc émissaire, quelqu’un sur lequel ils peuvent assouvir leur frustration. Et c’est bien souvent le riche. Bien entendu, ne me faites pas dire, ce que je n’ai pas dit, il y a des choses à changer, des inégalités qui croissent et auxquelles il faut remédier. Mais faut-il pour faire passer son message tronquer les chiffres et biaiser leur interprétation ? Mon ancien prof de philosophie disait, je le cite : “il faut souvent simplifier pour être compris et en simplifiant on réduit la portée de ce qui est vrai. Or, le vrai est subtil” – fin de citation, mais pas celle de la polémique qui ne manquera pas après ce billet économique. N’hésitez pas à me faire part de votre accord ou désaccord.

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