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Plus de choix nous rend-il plus heureux ?

Aujourd’hui, il y a nettement plus de choix de transport et des dizaines de canaux (en particulier via Internet). Mais sommes-nous réellement plus heureux pour autant ?

Dans de nombreux domaines de notre vie quotidienne, la palette de choix disponibles pour le consommateur s’est beaucoup élargie au fil des dernières décennies. On peut penser à la télévision par exemple, dont l’offre est passée d’une chaîne unique dans les années 1960 à une pléthore de chaînes câblées ou par satellite. Le cas des voyages est aussi symptomatique : il y a 20 ans, on achetait des billets d’avion dans une agence de voyages pour une compagnie unique.

Aujourd’hui, il y a nettement plus de choix de transport et des dizaines de canaux (en particulier via Internet). Mais sommes-nous réellement plus heureux pour autant ?

Plus de choix = baisse des prix

Dans un livre paru en 2004, The Paradox of Choice : Why More Is Less, le psychologue américain Barry Schwartz a mis en évidence le fait que, paradoxalement, l’accroissement du choix dans nos sociétés n’a pas rendu les citoyens plus heureux, que du contraire.

La thèse est particulièrement dérangeante pour les économistes : plus de choix implique plus de concurrence, et qui dit plus de concurrence dit baisse des prix (c’est d’ailleurs vrai pour notre exemple des billets d’avion). Et, en économie classique, qui dit baisse des prix dit augmentation de la satisfaction. Mais la thèse est également dérangeante pour les philosophes : la liberté n’ouvre-t-elle pas le champ des possibles, contribuant ainsi à l’épanouissement de l’homme ? Si c’est le cas, comment expliquer que plus de liberté puisse rendre l’homme moins heureux ? Deux grandes explications viennent étayer la thèse de Schwartz.

Le choix implique le regret potentiel

La première est psychologique : choisir est un processus mental complexe. Il faut traiter un grand nombre d’informations : les avoir d’abord à disposition (pas toujours évident quand on choisit un billet d’avion…) puis pouvoir les interpréter (qui peut dire qu’il a choisi son plan tarifaire de gaz et d’électricité en toute connaissance de cause ?). Il faut ensuite faire les choix, ce qui signifie avant toute chose renoncer.

Cette problématique a été vécue de manière très intense par des habitants du bloc de l’Est visitant les pays occidentaux : face à la multitude des produits disponibles, ils n’arrivaient pas à choisir non seulement parce que leur cerveau n’était pas à habituer à tant d’information de ce type mais surtout parce qu’ils n’avaient pas envie de renoncer à ce qu’ils ne choisiraient pas. De plus, le choix implique le regret potentiel : on n’est jamais tout à fait sûr d’avoir bien choisi (dans un avion Ryanair, par exemple, vous savez que d’autres gens ont probablement payé moins que vous).

Les causes de ce phénomène ont été très bien montrées par les initiateurs de la finance comportementale, Kahneman et Tversky : nos choix ne sont pas aussi rationnels que les théories économiques parfois simplistes sur ce plan semblent le suggérer. On a par exemple tendance à surestimer les dernières informations reçues, ou à accorder plus d’importance aux informations qui nous donnent raison.

La seconde explication au paradoxe du choix de Schwartz est économique : lorsque l’offre disponible est pléthorique, le temps ou l’énergie passée à choisir ne justifient plus forcément l’économie faite. Reprenons notre exemple des low-cost : s’il faut chercher deux heures de plus pour gagner 10 euros, est-ce que ça en vaut vraiment la peine ?

Une nouvelle donne pour les entreprises

Les conséquences du paradoxe de Schwartz sont une nouvelle donne pour les entreprises. Ce paradoxe implique entre autres que les consommateurs souhaitent être mieux assistés dans leur choix. Le succès de plates-formes d’aide à la décision, tels que les comparateurs en ligne, repose en grande partie sur ce souhait. Souhait que certains opérateurs ont d’ailleurs très bien compris, puisqu’ils n’ont pas hésité à faire le choix (discutable par ailleurs, ne fût-ce que d’un point de vue éthique) d’acquérir ce genre de comparateurs pour mieux placer leurs produits. Ou en simplifiant drastiquement la gamme de leurs produits ou des caractéristiques de ceux-ci.

Pour le citoyen aussi, ce paradoxe est une donne nouvelle : il pousse à la naissance de nouveaux comportements, dits de “renoncement ou de simplicité volontaire”. On comprend mieux ainsi que ces nouvelles approches telles la “sobriété heureuse” chère à Patrick Viveret, dont nous vous avions parlé dans un article précédent (Trends-Tendances du 18 février 2010), ne sont pas seulement l’apanage de militants alternatifs mais probablement aussi, quoique souvent inconsciemment, de bon nombre de citoyens et consommateurs moins vocaux. L’évolution de vos produits et services répondent-ils effectivement à cette “évolution” ? Avez-vous encore vraiment le luxe ou le choix d’ignorer cette question ?

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