Plaisir des yeux et des oreilles

La marque A. Lange & Söhne n’aborde jamais une complication horlogère de façon classique. La Zeitwerk Répétition Minutes en est une nouvelle preuve : ici, l’on entend ce que l’on voit.

Depuis sa renaissance il y a 20 ans, la manufacture saxonne A. Lange & Söhne n’a cessé d’apporter un ton nouveau dans l’horlogerie, qu’il s’agisse de la grande date, du tourbillon, du quantième perpétuel, du chronographe à flyback et rattrapante, ou encore des multiples interprétations du mécanisme de phases de lune le plus précis du monde. Dans ce florilège de prouesses horlogères, la Grande Complication représente un summum associant, entre autres, une répétition minutes ainsi qu’une grande et petite Sonnerie. Malheureusement, ce chef-d’oeuvre absolu n’a été réalisé qu’en 6 exemplaires, et en dehors de lui, la collection de la maison allemande ne comportait jusqu’à présent qu’une seule montre dotée d’une fonction sonore : la Zeitwerk avec sonnerie.

Lors de l’activation de la sonnerie, il ralentit l’avancée des disques.

Depuis trois ans, Anthony De Haas, directeur du développement de produit chez A. Lange & Söhne, promettait qu’elle serait rejointe par une répétition minutes qu’il a enfin dévoilée lors du SIHH 2015. A l’évidence, cela valait la peine de patienter. Celle que beaucoup considèrent comme la ‘reine des complications’ apparaît ici sous un jour totalement nouveau, en parfaite concordance avec l’affichage numérique de l’heure et des minutes de la Zeitwerk à laquelle elle a été intégrée.

Dans une répétition minutes classique, l’heure est indiquée par un son grave, les quarts par une séquence grave-aigu, et les minutes par un son aigu. Ce n’est pas le cas de celle-ci qui fonctionne sur le même registre que l’indication présente sur le cadran. Si celui-ci marque 7 h 52, cela se traduit par sept coups graves (heure), cinq doubles coups (dizaine) et deux tons aigus (minute). A la fois magique et évident.

Plaisir des yeux et des oreilles

La répétition minutes décimale utilise le fondamental principal du mécanisme par chiffres sautants tel qu’on le connaît depuis le lancement de la Zeitwerk en 2009. Les aiguilles traditionnelles sont remplacées par trois disques : un pour les heures, un pour les dizaines, un pour les minutes. Lorsqu’on sollicite la sonnerie, le mécanisme de répétition détecte l’heure à indiquer grâce à trois capteurs (limaçons) liés aux disques d’affichage. Le dispositif est si intelligent que, lors de l’activation de la sonnerie, il ralentit l’avancée des disques jusqu’à la fin du processus de répétition. Résultat : l’heure que l’on entend correspond toujours à celle que l’on voit. Pour en faire la démonstration, Anthony De Haas a choisi de déclencher la répétition au moment qui correspond à la suite de sons maximale – elle dure 20 secondes – soit à 12 h59. A peine le signal sonore s’était-il tu, que les chiffres du cadran sautaient à 1 h00.

Compte tenu de la grandeur exceptionnelle des disques et de l’énergie nécessaire à leur fonctionnement simultané, l’intégration du mécanisme de base au sein d’une

montre-bracelet relevait déjà de l’exploit. On imagine donc aisément le défi auquel ont été confrontés les ingénieurs et horlogers de A. Lange & Söhne lorsqu’il s’est agi d’intégrer aussi la répétition minutes dans un boîtier à peine agrandi (44,2 mm au lieu de 42,6 mm), le nombre de composants du mouvement ayant pratiquement doublé, passant de 388 pour une Zeitwerk ‘simple’ à 711 pour la répétition minutes.

Plaisir des yeux et des oreilles

PAS DE CONFLITS MÉCANIQUES

Les constructeurs ont également mis en place une sécurité permettant d’écarter toute erreur de manipulation. Vouloir régler la montre au moment où elle sonne entraînerait des conflits mécaniques. La couronne ne peut donc être tirée lorsque le mécanisme de sonnerie est actif. A l’instant même où la montre se met à sonner, le rouage de remontage est désengrené de la roue à rochet qui actionne la sonnerie. Ce découplage permet d’éviter que le rouage du remontage tourne avec la couronne lors du processus de répétition, ce qui entraînerait une perte d’énergie importante.

La répétition et la réserve de marchetirent leur énergie dumême ressort de barillet.

Autre particularité de la Zeitwerk Répétition Minutes qui n’échappera pas à un oeil aguerri : l’absence de l’habituel levier d’armement de la sonnerie, remplacé par un simple poussoir. La répétition et le mouvement tirent leur énergie du même ressort de barillet, spécialement développé pour cette montre. Entièrement remonté (manuellement), il se révèle capable de tenir la note, tout en assurant au mouvement 36 heures de réserve de marche – d’une égale régularité grâce à son échappement à force constante.

Pour garantir tant l’autonomie de la montre que la qualité du son, la sonnerie ne peut s’enclencher si la réserve de marche est inférieure à douze heures – ce qui est signalé sur son indicateur par un point rouge et dépend, en toute logique, du nombre et de la durée des activations de la sonnerie.

Comme on peut s’y attendre de la part de A. Lange & Söhne, le plaisir des oreilles est associé à celui des yeux. Le travail des marteaux de la sonnerie est admirablement mis en scène de part et d’autre du cadran. Et côté verso, on retrouve la décoration de mouvement raffinée dont la manufacture saxonne est coutumière. Bien sûr, ce nouveau concert du temps donné par la Zeitwerk Répétition Minutes a un prix d’accès, à savoir 440.000 euros environ… (Good) Time is Money.

TEXTE PATRICK DELAROCHE

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