Jonathan Toro

Peut-on obtenir le paiement d’heures supplémentaires après un licenciement ?

Jonathan Toro Avocat chez Law & More, spécialisé en droit commercial.

Un travailleur a été occupé par une grande brasserie bruxelloise pendant plus de vingt ans. Suite à son licenciement, il réclame à son ancien employeur le paiement de plus de 5.000 heures supplémentaires qu’il aurait effectuées pendant son contrat. Y-a-t-il droit ?

De manière générale, chaque personne est tenue de prouver les faits qu’elle allègue en vertu des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire. Ce principe général a été appliqué par les juridictions du travail dans le domaine des heures supplémentaires. La charge de la preuve repose donc sur les épaules du travailleur.

Plus particulièrement, le travailleur qui réclame le paiement d’heures supplémentaire doit prouver :

=> d’une part, leur réalité et leur nombre [1] ;

=> d’autre part, qu’elles ont été accomplies à la demande ou, tout au moins, avec l’approbation tacite de son employeur. (C. trav. Mons (2e ch.) n° 2013/AM/350, 2 juin 2014, J.T.T. 2014, liv. 1194, 317) ;

En l’espèce, le Tribunal du Travail de Bruxelles (27 avril 2017, inédit, RG 16/3451/A 2) a estimé que le travailleur n’apportait pas la preuve des heures supplémentaires accomplies depuis la date de son engagement après avoir relevé les éléments suivants :

Des horaires contestés…

Le Tribunal constate que le travailleur avait procédé à un calcul réalisé à partir d’horaires contestés. En effet, selon l’employeur, il s’agissait d’horaires prévisionnels remis aux travailleurs au début du mois, par opposition aux horaires effectifs qui étaient communiqués aux travailleurs cinq jours avant le début de leurs prestations, conformément au règlement de travail. La valeur des horaires produits par le travailleur ne pouvait donc être qu’indicative.

L’employeur produisait pour sa part des horaires effectifs relatifs à quelques mois de prestations et prouvait que les heures mentionnées sur ces horaires correspondaient à celles reprises sur les fiches de paie du travailleur.

… à partir de documents incomplets…

De plus, le juge relève que le décompte unilatéral produit par le travailleur n’était pas suffisamment étayé et corroboré. En effet, ce décompte était le produit d’une extrapolation réalisée à partir de documents couvrant une période de travail de 8 mois d’occupation sur une période totale de 23 ans.

…et réclamés tardivement

Le travailleur n’avait jamais réclamé le paiement d’une seule heure supplémentaire pendant la relation de travail. À suivre la thèse du travailleur, celui-ci aurait presté un total de 5.274,12 heures supplémentaires sur une période de 23 ans et attendu la naissance du litige pour en réclamer pour la première fois le paiement à l’employeur.

Le juge rejette également la demande subsidiaire de production de documents formulée par le travailleur au regard de la tardiveté de sa réclamation.

Conclusion

La demande de paiement d’heures supplémentaires doit donc, pour être accueillie en justice, être formulée en temps opportun et être dûment étayée par des documents probants. Par ailleurs, si le travailleur attend trop longtemps, ses chances d’obtenir en justice une décision de production de documents contre l’employeur pour compléter son dossier risquent d’être compromises.

[1] La durée totale des prestations supplémentaires peut être établie par présomptions concordantes et précises. L’existence et l’importance des heures supplémentaires constituent des faits qui peuvent être prouvés par toute voie de droit et notamment par la production de documents. Il est toutefois exigé que la durée totale des prestations hebdomadaires ou mensuelles soit démontrée avec suffisamment de précisions notamment par des documents afférents à la période concernée (C. trav. Mons (2e ch.) n° 2013/AM/350, 2 juin 2014, J.T.T. 2014, liv. 1194, 317).

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