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Ne revenons pas sur notre parole

Même si cela choque, ce serait tout à fait préjudiciable pour la Belgique de supprimer purement et simplement le mécanisme des intérêts notionnels. Certainement dans le contexte actuel.

496 euros. C’est le montant des impôts payés par ArcelorMittal Finance and Service Belgium, filiale financière du géant mondial de la sidérurgie, en 2009, alors que la société a enregistré un bénéfice de plus de 1 milliard d’euros. On est bien loin du taux nominal de l’impôt des sociétés, qui s’élève à 33,99 % ! Même choquante, cette réalité est tout à fait légale grâce aux intérêts notionnels. Pour rappel, cet avantage fiscal permet aux sociétés de déduire de leur base imposable un certain pourcentage de leurs fonds propres.

ArcelorMittal n’est évidemment pas le seul groupe international à en bénéficier. La société française LVMH joue également cette carte, comme KBC Credit Invest, Dexia Investment Company, Janssen Pharmaceutica, ExxonMobil Belgium Finance ou encore EDF Investissements Groupe et BASF Coordination Center.

Même si cela choque, ce serait tout à fait préjudiciable pour la Belgique de supprimer purement et simplement le mécanisme des intérêts notionnels. Certainement dans le contexte actuel. En effet, l’objectif de cette mesure est de permettre à la Belgique de séduire les investisseurs étrangers avec un profil fiscal plus favorable. Avec un taux nominal de 33,99 %, la Belgique est souvent exclue de la short list des grands groupes étrangers. Si l’on considère les investissements réalisés par Google, Microsoft ou encore Baxter, GSK et Johnson&Johnson, on peut considérer que le but des intérêts est, partiellement, atteint.

De plus, il serait réellement dommageable de se passer de cet outil alors que nos voisins d’outre-Moerdijk prévoient d’appliquer un système similaire. Si nous renonçons à offrir ces avantages fiscaux, nous n’aurons plus beaucoup d’arguments de poids pour attirer les investisseurs étrangers, qui préféreront s’installer chez nos voisins.

Enfin, nos entreprises – et les investisseurs étrangers – plaident pour un contexte légal et fiscal stable. La suppression des intérêts notionnels ferait perdre à la Belgique toute sa crédibilité face aux actuels et futurs investisseurs étrangers. Cette perte de confiance condamnerait également les futures initiatives fiscales attrayantes car un chat échaudé craint l’eau froide…

Le maintien de ce mécanisme fiscal ne nous empêche cependant pas de recadrer ces mesures fiscales. Même le père spirituel des intérêts notionnels, Bruno Colmant, a proposé, dans nos colonnes, de prendre en compte trois mesures concrètes pour réduire jusqu’à 50 % le coût de ces mesures pour l’Etat. Il faudrait ainsi limiter le taux de déduction au taux d’intérêt sans risque européen, mettre en £uvre une consolidation fiscale et circonscrire les intérêts notionnels aux bénéfices mis en réserve. On réduirait ainsi la facture pour l’Etat sans pour autant reprendre notre parole face aux investisseurs étrangers.

Ces ajustements, indispensables vu l’état des finances publiques, ne devraient pas nous faire oublier un objectif plus fondamental : la nécessité de diminuer le taux nominal d’imposition des sociétés. Plutôt que d’avoir recours à des mesures comme les intérêts notionnels – profitant davantage aux grands groupes financiers qu’aux PME – un taux nominal plus attrayant nous permettrait de revenir sur la short list des investisseurs, d’offrir un vrai bol d’air à nos entreprises – grandes et petites – et de déboucher, via les nouveaux investissements, sur des créations d’emplois. Ce dernier élément semble particulièrement difficile à lier à l’octroi des intérêts notionnels. Malheureusement, la crise politique actuelle risque de remettre à plus tard ce chantier nécessaire.

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