“Rock & Rolls” sur glace

Rolls-Royce Phantom Dans les virages en épingle, une Rolls n’a rien d’une ballerine, mais elle ne tient pas non plus de la bête pataude. © photos: pg

Les Rolls-Royce ne sont pas juste bonnes à parader sur les avenues chics. On peut aussi prendre plaisir à les conduire. Pour jauger leur équilibre sur le verglas, le constructeur britannique en a envoyé quelques exemplaires danser sur un lac gelé. On y était, on a testé.

Aéroport d’Oslo. Le thermomètre affiche -5 °C. Un épais duvet blanc recouvre la chaussée. Trois Rolls-Royce, soit un exemplaire de chaque modèle actuel du constructeur britannique, nous attendent sur le parking. Il y a la majestueuse Phantom (5,76 mètres ou 5,98 en version “Extended”), la plus “compacte” Ghost (5,55 ou 5,72 mètres) et le SUV Cullinan.

Ce dernier est le plus petit de la famille (5,34 mètres) mais c’est lui qui tire les ventes de la marque vers le haut depuis son arrivée il y a cinq ans. L’année 2022 fut même la plus lucrative de son histoire, avec plus de 6.000 voitures vendues (dont 19 en Belgique) en un seul exercice, soit une croissance de 8% par rapport à 2021.

Et le prix des Rolls ne cesse d’augmenter, grâce au succès des exemplaires personnalisés du département “Bespoke”. Désormais, le prix moyen des voitures vendues est de 500.000 euros l’unité. Pas de quoi effrayer le client type de la marque qui possède en moyenne deux résidences et huit voitures. Des acheteurs plutôt jeunes: l’âge moyen du client Rolls-Royce est aujourd’hui de… 42 ans! C’est moins que chez Mini, une marque qui, tout comme Rolls, appartient aussi au groupe BMW.

Reines des neiges

D’ailleurs, contrairement à un certaine imagerie, les Rolls ne se vivent pas que depuis les sièges arrière. On peut aussi prendre plaisir à les conduire, ou carrément les piloter. Pour jauger leur équilibre sur le verglas et voir comment elles résistent au froid, le constructeur britannique en a donc envoyé quelques exemplaires dans le Grand Nord.

Première impression: quel que soit le modèle, les portières motorisées nous font entrer dans un autre monde. Les passagers sont posés dans de larges canapés, les pieds enfoncés dans une épaisse moquette. Ce lieu de vie somptueux se tapisse d’une vingtaine de peaux de vache et d’une forêt de bois nobles. Ce cocon se dote aussi d’un double vitrage qui isole du monde extérieur. Quant à la suspension à coussins d’air, elle gomme tous les trous creusés dans le revêtement. Au démarrage, on a vraiment l’impression d’être à bord d’une voiture électrique: pas un bruit ni une vibration! Pourtant, le V12 turbine en continu, sans assistance électrique et sans couper la moindre de ses bougies au feu rouge. Mais les 100 kilos d’isolants étouffent totalement le pouls du moteur.

On met le cap à l’ouest d’Oslo. Après 200 kilomètres, les Alpes scandinaves dessinent le paysage. La voie semble un peu étroite pour nos carrosses mais sinon, ces Rolls sont globalement faciles à mener. Assis assez haut, on profite d’une belle vision sur le trafic. La direction est légère mais informative, et le freinage efficace. Malgré la neige, aucun problème d’adhérence: chaussées de pneus hiver non cloutés, nos voitures ont grimpé les cols sans patiner. Pour les Ghost et Cullinan, c’est normal: elles sont équipées d’une transmission intégrale. Mais “Sa Majesté” la Phantom, elle, n’est mue que par ses roues arrière. Heureusement, le poids élevé (plus de 2,5 tonnes) et bien réparti plaque les roues motrices au sol.

Les Rolls-Royce sont dotées d’un double vitrage qui isole totalement du monde extérieur.
Les Rolls-Royce sont dotées d’un double vitrage qui isole totalement du monde extérieur. © photos: pg

En glisse sur la banquise

Direction Gol, pour pousser ces mastodontes sur un lac gelé. Sur la banquise, on aperçoit quelques fissures et entend quelques craquements, mais pas de risque de naufrage: il y a plus de 40 centimètres de glace sous nos roues. Pour se lancer dans un slalom givré, la Phantom a chaussé des pneus à clous. Lorsque le train avant est bien engagé dans le virage, un coup de gaz et l’arrière décroche. Vu la longueur de l’auto, les dérives sont progressives et faciles à maîtriser. On peut débrancher le contrôle de traction (TCS) mais pas le contrôle de stabilité (ESC). Une fois l’angle de dérive trop marqué, l’électronique nous remet donc dans le droit chemin.

Pas de pneus à clous pour les Ghost et Cullinan qui, elles, peuvent totalement faire sauter leurs bretelles électroniques. Plus rien ne les retient, sauf nos deux mains. Ici aussi, le plus important est de bien rentrer leur nez dans le virage, sinon c’est le “tout droit” assuré, quasi impossible à corriger sur la glace vu le gabarit éléphantesque des engins. Mais si l’on rentre bien, il suffit d’un coup de gaz pour que le couple fasse dériver le postérieur de la bête, la transmission intégrale favorisant par défaut le train arrière. On contrôle alors la dérive du bout du pied. Et le V12 donne de la voix en prenant un petit accent métallique qu’on ne lui connaissait pas jusque-là. Grisant!

Tout électrique… en 2030

Malgré son rattachement au constructeur allemand depuis 1998, la noble enseigne britannique n’a pas perdu ses racines: les Rolls-Royce restent produites en Grande-Bretagne, à Goodwood, où la marque fait travailler 2.500 employés. Ceux-ci ne craignent pas pour leur avenir: les commandes de l’imminent coupé électrique Spectre dépassent les attentes et les premières livraisons auront lieu au dernier trimestre de cette année.

Le constructeur a aussi confirmé que fin 2030, toute sa gamme sera entièrement électrique. En attendant, les modèles testés en Norvège se gargarisent encore exclusivement à la Super 98. Leur bloc 6.75 litres V12 biturbo à essence (aux lointaines origines BMW) affiche 571 ch, voire 600 ch pour les versions Black Badge. Et il répand du CO2 sans compter: au minimum 350 g/km selon les normes officielles. Lors de ce test, nos Rolls-Royce ont ainsi consommé environ 13 l/100 km d’essence… à allure de sénateur. Lorsqu’il s’est agi de pousser les moteurs, leur appétit n’a pas tardé à doubler…

Bien sûr, dans les virages en épingle, une Rolls n’a rien d’une ballerine, mais elle ne tient pas non plus de la bête pataude. Elle enroule les courbes sans trop de mal grâce aux roues arrière directrices. Et les suspensions et barres antiroulis actives contiennent bien les mouvements de caisse. Reste qu’il faut se faire violence pour “attaquer” avec de tels carrosses.

Une petite voix bien-pensante nous chuchote qu’il est inconvenant de secouer une Rolls de toutes parts. Et, noyé dans la mousse de notre canapé, l’ambiance ne s’y prête pas. Mais cette expérience insolite a prouvé que les Rolls ne sont pas juste bonnes à parader sur les avenues chics. Elles ne craignent pas de tremper leur nez dans la poudreuse ni même de limer la banquise. Le tout sans se désunir et en conservant toute leur grâce. C’est ça, la vraie classe!

Lire plus de:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content