Les batteries “solides”, le nouveau pari technologique pour les véhicules électriques

Présentées comme plus performantes, moins polluantes et plus sûres que le lithium-ion, les batteries “solides” pour voitures électriques attirent des milliards d’euros d’investissements pour lancer une production industrielle avant la fin de la décennie, comme en France où une usine dédiée à cette technologie est en projet.

L’entreprise taïwanaise ProLogium compte investir 5,2 milliards d’euros d’ici à 2030 pour développer son usine de batteries à électrolyte solide à Dunkerque, un pari alors que la production de ces nouvelles batteries n’est pas totalement maîtrisée.

Aujourd’hui, on maîtrise la technologie “en laboratoire” mais pas à grande échelle, explique à l’AFP le professeur au Collège de France Jean-Marie Tarascon.

Pour ProLogium, la production est prévue fin 2026. Volkswagen a aussi investi dans cette technologie via l’entreprise Quantum Space pour produire les siennes en 2025 et Toyota vise le même calendrier.

“Le passage à l’échelle industrielle ne se fera pas avant la fin de la décennie, même plutôt d’ici 2035”, estime M. Tarascon. “Les principaux verrous technologiques sont la maîtrise de la pression lors de l’assemblage et de l’interface avec l’électrolyte solide”. 

En d’autres termes, il est difficile pour les constructeurs de faire passer le courant électrique via un matériau solide sans administrer une très grande pression lors de la construction. Pression qu’il est difficile de maîtriser au niveau industriel. 

Ces nouvelles batteries à électrolyte solides promettent de transporter le courant via un conducteur dur et non liquide pour transmettre l’électricité entre l’anode (borne plus) et la cathode (borne moins).

En théorie cela permettrait de gagner en sûreté pour diminuer les risques d’incendies, en volume pour réduire la taille des batteries, en rapidité de charge et en densité énergétique pour emmagasiner plus d’énergie dans un même volume que sur les batteries actuelles, à électrolyte liquide (lithium-ion).

Les batteries à électrolyte solide apporteraient aussi une réduction “de 24% à 39% de l’empreinte carbone” par rapport au lithium-ion, selon l’ONG Transport et environnement (T&E).

Un gain environnemental à condition “que de fortes lois encadrent les méthodes d’extraction des métaux”, précise à l’AFP la responsable des politiques en matière de batteries et de chaîne d’approvisionnement de T&E, Cecilia Mattea.

Un seul retour d’expérience

Ces nombreux avantages restent théoriques et sont seulement vérifiables avec Blue Solutions, une entreprise du groupe Bolloré, la seule à commercialiser des batteries solides dans le monde. 

En 25 ans, l’entreprise a réussi à équiper les “Bluecar” (anciennes AutoLib’) et “Bluebus”, ses autocars notamment exploités par la RATP.

Problème: en avril 2022, deux de ces bus ont pris feu à Paris, conduisant à sortir de la circulation 148 véhicules de la même série.

“La cause la plus probable n’est pas liée à un problème de conception mais un mauvais positionnement d’isolant qui peut créer dans certaines conditions précises un court-circuit. Depuis, nous avons énormément appris de ces événements et les capabilités critiques du processus ont été sécurisées”, explique à l’AFP le directeur général de Blue Solutions, Richard Bouveret.

En plus de ces incidents, les batteries Blue Solutions ne fonctionnaient que lorsqu’elles étaient préchauffées à 60 degrés, ce qui obligeait de toujours laisser le véhicule branché lorsqu’il n’était pas utilisé, sans quoi sa batterie se déchargeait, ce qui limitait l’usage pour un véhicule particulier.

“Grâce à une toute nouvelle formule du polymère constituant l’électrolyte solide, la quatrième génération fonctionne à température ambiante”, précise M. Bouveret.

Avec un investissement de 145 millions d’euros sur trois ans annoncé fin 2022, Blue Solution veut assurer une production industrielle de cette nouvelle formule d’ici à 2028. 

De son côté, ProLogium assure que ses batteries ne seront pas concernées par ce problème de “préchauffage” car elles utilisent du silicone.

Une solution “hybride située à mi-chemin entre le lithium-ion et le tout solide en termes d’avantages”, d’après M. Tarascon.

Pour l’heure, les batteries à électrolyte solide représentent une rupture technologique qui va cohabiter avec celle des batteries à lithium-ion, sans totalement les remplacer.

“On estime que 20% du marché des batteries sera solide en 2030”, dit M. Bouveret. 

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