Leurs vies sont des romans

Avant d’être auteur, Beaumarchais a d’abord suivi les traces de son père horloger. S’il commence à écrire, c’est pour dénoncer publiquement dans les tribunes des journaux de l’époque l’usurpation d’un idée par celui qu’il croyait être son ami… Et si l’on peut réciter sans problème La Cigale et la Fourmi, fort lettré celui qui connaît les contes grivois qu’affectionnait La Fontaine au début de sa carrière… Quant à Guy de Maupassant, connu pour ses nouvelles fantastiques, il s’est inspiré pour La Main d’écorché (1875) de la main (authentique) que lui offrit le poète anglais Swinburne, adepte du sadomasochisme, qu’il venait de sauver de la noyade… Et saviez-vous qu’Honoré de Balzac s’était lancé dans le commerce d’ananas alors que son sens peu aigu des affaires l’avait déjà poussé à la faillite ?

Les écrivains sont eux-mêmes des héros.

Que retenir de nos cours de littérature ? Les titres de certaines oeuvres, quelques vers, au mieux ? Loin l’idée de minimiser le dynamisme et la créativité de nos enseignants pour nous intéresser aux belles pages de la littérature française, force est de constater que l’on retient rarement les auteurs qui se cachent, par exemple, derrière ” Mignonne, allons voir si la rose… ” Ronsard, évidemment ! Mais saviez-vous que l’homme souffrait d’une surdité depuis l’adolescence et qu’il prit la tonsure avant de tomber éperdument amoureux ?

En lisant la compilation de mini-biographies racontées dans cette riche BD de Catherine Mory, on comprend vite que tous ces grands noms de la littérature sont avant tout des humains comme nous, avec leurs petites (et gros) problèmes : financiers, familiaux, sentimentaux… Professeure de français, Catherine Mory est une généreuse vulgarisatrice de la langue, ayant célébré dans plusieurs ouvrages la richesse du français. Dans cette Incroyable histoire de la littérature française, elle revient sur les vies de ces prestigieux auteurs avec la féroce et la tendre envie de les descendre d’un piédestal. ” J’ai voulu les désacraliser, en faire des créatures de chair et d’os, et non plus des monuments glacés, nous dit-elle. Ces vies sont malgré tout incroyables : Rimbaud trafiquant d’armes, Apollinaire accusé du vol de la Joconde… On finit par voir que les écrivains sont eux-mêmes des héros. ”

Bercovici au dessin

Utiliser la BD comme médium n’était pas une mince affaire. C’est un aguerri du crayon qui s’y colle en la personne de Philippe Bercovici. Le dessinateur des Femmes en blanc s’était déjà attelé avec succès à la BD encyclopédico-historique avec une Incroyable Histoire de la médecine. Ses atouts : une capacité à marier à son dessin vibrant et humoristique le grand nombre d’informations qui lui ont été données par Catherine Mory. Une attitude, un regard, un jeu de mots, un détournement de sens pêchés dans les indications scénaristiques apportent fraîcheur et humour à l’ensemble.

Ainsi, de Rabelais à Camus, on voyage à travers les mots (les grands passages des oeuvres ne sont pas oubliés) et des existences qui se lisent comme des romans. Le spectre est large encore essentiellement masculin (Colette et Georges Sand sont des exceptions) mais la sélection pourrait bien évidemment prochainement s’enrichir. Voici un livre qui donne envie d’en lire d’autres, ce n’est pas qu’un argument publicitaire.

Catherine Mory et Philippe Bercovici, ” L’incroyable histoire de la littérature histoire “, éditions Les Arènes, 284 pages, 22,90 euros

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