Les pionniers de la gestion durable: les fonds éthiques, une histoire entamée à quelques-uns…

Sur le marché belge, le lancement des premiers fonds éthiques remonte à pratiquement 30 ans. Mais au fil des décennies, de nombreux gestionnaires d’actifs ont cimenté leur profil durable.

Si l’investissement durable ou éthique remonte à plusieurs siècles et est d’abord lié aux pratiques de certaines communautés religieuses, la première utilisation des fonds de placement avec un objectif durable date des années 1970, lorsqu’aux Etats-Unis, plusieurs d’entre eux commencèrent à intégrer dans leur politique d’investissement des critères excluant certains secteurs ou entreprises, notamment celles participant à l’effort de guerre au Vietnam ou qui continuaient à entretenir des relations commerciales avec l’Afrique du Sud durant l’apartheid.

Pour le grand public, il faut toutefois attendre le début des années 1990 avant de voir des produits “éthiques” leur être proposés, à mesure que les inquiétudes relatives au réchauffement de la planète commencent à se faire jour, une évolution qui culminera avec la signature du protocole de Kyoto. A la fin du siècle dernier, le nombre de ces fonds reste toutefois encore assez restreint, avec seulement quelques dizaines de produits commercialisés sur le marché belge.

La tendance se renforce durant les années 2000, avec la mise en place des Principes pour l’investissement responsable des Nations unies (UN PRI) en 2006, qui établissent des bases universelles pour l’investissement durable. Enfin, les années 2010 permettent l’envol des fonds ISR (investissements socialement responsables), avec la signature des accords de Paris et l’apparition de nombreux labels de durabilité au niveau européen.

Longtemps parent pauvre

Tous les gestionnaires d’actifs sont aujourd’hui signataires de ces UN PRI et se doivent de disposer d’une stratégie en place pour proposer des fonds durables. Cette vague commence aujourd’hui à s’étendre aux Etats-Unis et en Asie, notamment parce que ces fonds dégagent depuis plusieurs années des performances au moins équivalentes à ceux qui n’appliquent pas de filtres ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans la sélection de leurs positions.

Quels sont vraiment les gestionnaires d’actifs qui peuvent aujourd’hui prétendre avoir été des pionniers dans le domaine ? Une première réponse peut se trouver dans la liste de signataires des UN PRI. En 2006, seule une petite trentaine de sociétés de gestion adhéraient à cette charte: plusieurs groupes français (BNP Paribas AM, Amundi), une belge (Dexia Asset Management/Candriam), une néerlandaise (Robeco) et une poignée de britanniques (Janus Henderson et Threadneedle).

Mais dès 2007, des noms comme Nordea, Pictet AM, JP Morgan AM, Allianz, RobecoSAM, Axa IM, Lombard Odier, Newton (BNY Mellon), Schroders, Prudential ou Aberdeen rejoignent les rangs des signataires; suivis en 2008 par DWS, La Financière de l’Echiquier, NN IP, Kempen Capital Management, Blackrock ou Jupiter AM.

Au fil des années, tous les autres gestionnaires d’actifs présents sur les marchés européens épousent ensuite les positions de ces pionniers. Parmi les plus notables, citons Triodos IM en 2009, Comgest en 2010, Rothschild & Co et Degroof Petercam AM en 2011, Carmignac et Fidelity International en 2012, M&G en 2013, KBC Asset Management en 2016, DNCA Finance et Ethenea en 2017 ou Flossbach von Storch et Econopolis en 2019.

La date d’adoption de ces principes ne doit toutefois pas masquer le fait que l’investissement durable a souvent fait figure de parent pauvre chez de nombreux gestionnaires d’actifs (en particulier anglo-saxons) et que seul un petit nombre d’entre eux peut se targuer d’avoir été réellement parmi les premiers à appliquer ces principes sur une partie importante de leur activité. BlackRock, pourtant signataire des principes dès 2008, sera par exemple longtemps très réfractaire à leur utilisation, avant d’opérer une totale volte-face en 2018, annonçant alors à la fois sa décision d’intégrer les critères ESG dans la gestion de toutes ses stratégies actives et un plan de sortie de ses investissements dans le charbon.

A l’inverse, l’arrivée tardive de certains acteurs peut être trompeuse. Un groupe comme DNCA Finance a ainsi effectué des efforts considérables pour se développer dans ce domaine durant les deux dernières années. Résultat, aujourd’hui, le gestionnaire parisien possède davantage de fonds labellisés ISR sur le marché belge que la plupart des grands gestionnaires anglo-saxons.

Les Suisses en tête

Reste qu’au rang des vrais premiers pionniers, on trouve sans conteste le groupe suisse Sustainable Asset Management (SAM), un gestionnaire reconnu pour avoir développé la série d’indices Dow Jones Sustainability et qui fait partie du groupe Robeco depuis 2006. Pas moins de 12 fonds RobecoSAM se sont vu octroyer le label Towards Sustainability de la Fédération belge du secteur financier (Febelfin), soit l’ensemble de la gamme de fonds commercialisée sur le marché national, la plupart de ces produits affichant des notations Morningstar de quatre ou cinq étoiles.

Toujours en provenance du marché suisse, Pictet Asset Management s’est également positionné très tôt sur des thématiques durables fortes via, notamment, ses fonds investis dans les secteurs de l’eau (Pictet Water en 2000), de la transition énergétique (Pictet Clean Energy en 2007) ou du changement climatique (Pictet Environmental Opportunities en 2014). Ici aussi, une grande partie de la gamme thématique du groupe s’est vu délivrer le label Febelfin durant les derniers mois.

Nordea Asset Management est également un gestionnaire disposant d’une gamme thématique forte depuis plus de 30 ans, le lancement des premiers fonds éthiques du groupe remontant à la fin des années 1980. Si le groupe scandinave est moins fortement positionné sur les fonds thématiques, l’intégration des critères ESG à l’ensemble du processus de gestion a permis au groupe de décrocher huit labels Febelfin.

BNP Paribas Asset Management peut à son tour être considéré comme un pionnier dans le domaine. Outre le fait qu’il fut un des premiers à signer les UN PRI, le gestionnaire a également développé une véritable offre durable au fil des années, avec notamment le rachat du spécialiste de l’investissement durable Impax, une boutique britannique spécialisée depuis 1998 dans ce type de placements. En outre, Impax a racheté Pax World Management en 2017, et donc le célèbre Pax Sustainable Allocation Fund, soit le plus ancien fond durable américain, dont l’historique de performance remonte à 1971.

A épingler aussi, au Royaume-Uni, Jupiter Asset Management, qui fut le premier gestionnaire à proposer un fonds environnemental en 1987 avec le Jupiter Ecology Fund. Sa version luxembourgeoise (Jupiter Global Ecology Diversified) est disponible pour les investisseurs belges, avec une notation cinq étoiles chez Morningstar. µ

Et les Belges?

En Belgique, les premiers fonds éthiques sont apparus en 1992, notamment sous l’impulsion de la Bacob (qui deviendra ensuite Cordius Asset Management avant d’être avalé par Dexia Asset Management) qui en avait fait la base de sa stratégie commerciale dans le domaine des fonds de placement. En 2004, Dexia Asset Management proposait ainsi 14 fonds SRI sur les 40 disponibles à l’époque sur le marché belge, mais le leadership sera par la suite confisqué par KBC Asset Management qui propose aujourd’hui encore une gamme de produits assez large combinant différentes approches. Enfin, difficile de parler d’investissement éthique en Belgique sans évoquer les fonds proposés par la Banque Triodos depuis 2007, et notamment Triodos Pioneer Impact Fund que le Réseau Financité considère comme l’un des meilleurs produits durables disponibles sur le marché belge.

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