Les holdings, le meilleur choix pour vos enfants et petits-enfants

LVMH Les revenus du géant du luxe paraissent quasiment à l'abri de la récession. Ils n'ont baissé que cinq fois depuis les années 1980. © Getty Images
Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Nous avons demandé à des analystes belges quelles actions ils achèteraient pour leurs enfants ou petits-enfants. Les holdings comme Ackermans, Sofina et GBL et des sociétés établies de longue date comme Solvay trustent les premières places des meilleures valeurs sur la durée.

Quelles sont les actions qui, selon vous, résisteront à l’épreuve du temps? En d’autres termes, quels titres recommanderiez- vous à vos enfants et petits- enfants comme investissement? Une interrogation que nous avons soumise à 10 équipes d’analystes. Ceux de la banque privée anversoise Dierickx Leys misent résolument sur les holdings, ou sociétés de portefeuille, qui investissent dans des entreprises opérationnelles. “Avec un holding, nous pouvons raisonnablement affirmer qu’on ne doit pas réévaluer son avis chaque année ou même chaque mois. L’avantage de ces sociétés est qu’elles ajustent elles-mêmes leurs portefeuilles, ce qui vous évite de devoir le faire de votre côté.”

“Avec des titres comme Microsoft, nous sommes un peu plus réservés, poursuit Dierickx Leys. Excellents placements aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il dans cinq ou dix ans? Si on prend les grands acteurs des décennies 1960, 1970, 1980 et 1990, on est bien obligé de constater que la plupart ne tiennent pas 10 ans.” Les holdings sont aussi très présents parmi les favoris des autres équipes d’analystes, aux côtés de sociétés technologiques et de sociétés plus classiques et de tradition solide. Précision: nous avons sollicité à chaque fois une liste de cinq favoris comprenant au moins deux actions nationales.

Ackermans & van Haaren

Cinq équipes d’analystes ont proposé la société d’investissement anversoise comme investissement pour les générations à venir. “AvH est un must dans un portefeuille destiné à vos enfants ou petits-enfants, assure Nagelmackers. Le groupe se concentre sur un certain nombre de tendances clés telles que le changement climatique, les énergies renouvelables et l’agriculture durable. A plus long terme, des initiatives en plein essor telles que l’exploitation des minéraux marins ou la production d’hydrogène vert offrent des perspectives intéressantes.”

La filiale Deme est “un beau pari” sur la transition énergétique des prochaines décennies, estime BNP Paribas Fortis Private Banking. Séparée de l’entreprise de construction CFE le 30 juin dernier, Deme a depuis une cotation boursière distincte. Ackermans détient 62% des actions, la société d’infrastructure française Vinci en possède 12% et le reste se retrouve chez divers investisseurs. Mais Ackermans, c’est aussi bien plus que Deme. “Ce groupe familial a des participations dans une trentaine d’entreprises, où il exerce très souvent un contrôle effectif”, souligne Leo Stevens. Cela signifie qu’il détient plus de la moitié des actions et qu’il peut influencer les orientations générales de l’entreprise. “La moitié environ sont cotées en Bourse et Ackermans donne aux investisseurs la possibilité d’investir indirectement dans celles qui ne le sont pas.”

Les banques privées Delen et Bank van Breda, par exemple, ne sont pas cotées et ne sont pas encore pleinement valorisées par le marché, relève BNP Paribas Fortis Private Banking. Nagelmackers estime que les banques privées, ainsi que Deme, sont actuellement les “grands générateurs de profit”. ABN Amro Private Banking ajoute que la société immobilière Nextensa et le constructeur CFE font également partie des secteurs clés. Dierickx Leys estime qu’au cours actuel d’Ackermans, les investisseurs achètent les actifs sous-jacents avec une décote d’environ 15%.

“Ce holding est une véritable forteresse belge, conclut Leo Stevens. Ses antécédents solides rassurent en période de turbulences boursières. Le holding a un trésor de guerre de plus de 500 millions d’euros lui permettant de saisir les opportunités, et il verse un beau dividende.” Pour BNP Paribas Fortis Private Banking, les administrateurs continueront à créer de la valeur pour les actionnaires dans les décennies à venir, comme ils l’ont fait au cours des décennies passées. Et avec le groupe agro-industriel Sipef, le holding compte un acteur du secteur des matières premières, ce qui apporte souvent une protection contre l’inflation.

Sofina

Avec quatre mentions, Sofina est presque aussi populaire qu’Ackermans auprès des analystes. Econopolis rattrape le holding de la famille Boël “sévèrement puni” par des investisseurs qui n’ont pas pardonné les “ratés” du portefeuille, comme THG (e-commerce de cosmétiques), Zilingo (plateforme de mode numérique) et Missfresh (vente en ligne de produits frais en Chine). Sans oublier, ajoute Econopolis, les “aléas concernant la plateforme de formation indienne Byju’s”. Cette dernière a grandi spectaculairement des années durant en enchaînant les acquisitions. Le réviseur d’entreprise a refusé de certifier les derniers comptes annuels de Byju’s et les investisseurs craignent une fraude. C’était depuis 2019 la plus importante participation de Sofina et, précise Dierickx Leys, “elle représentait à un certain moment 10% du portefeuille”. Pour les analystes de la banque privée anversoise, Sofina et GBL sont écartées de justesse de leur sélection, au profit d’Ackermans et de Brederode.

La participation dans Byju’s a vu sa valeur dégringoler au cours de l’année écoulée et, depuis le second semestre, le loueur de véhicules frigorifiques Petit Forestier lui a succédé en première place. “A cause de toute l’attention centrée sur quelques cas problématiques, les investisseurs oublient les nombreux joyaux tels que l’entreprise familiale Petit Forestier”, note Econopolis.

Selon BNP Paribas Fortis Private Banking, “malgré le cocktail négatif” de l’année passée, Sofina reste un “excellent créateur de valeur pour l’actionnaire dans les années et décennies à venir, comme Ackermans”. Van Lanschot ne pense pas non plus que le management ait perdu son mojo: “Nous considérons Sofina capable de répondre aux développements disruptifs qui se présenteront, avec une bonne répartition et un solide contenu en marchés émergents. Les bons contacts que le holding entretient avec des acteurs mondiaux du capital-investissement restent un atout majeur”.

Sans occulter la mauvaise année 2022, Leo Stevens fait observer que Sofina est gérée par la famille Boël depuis plus de 200 ans et avec beaucoup de succès: “Il y a tout juste un an, elle était encore très appréciée et cotée avec une forte prime de près de 30% parce que les investisseurs peuvent participer à des entreprises en croissance, directement et indirectement via des fonds comme Sequoia Capital. Moins de 10% de l’actif total de Sofina est constitué d’actions cotées”.

LVMH

“De loin le plus grand producteur de produits de luxe en Europe” mais “comparé à d’autres marques du segment, LVMH a une exposition relativement faible au marché européen”, explique Leleux Associated Brokers. Seuls 23% de ses revenus proviennent d’Europe. “Les revenus de LVMH paraissent quasiment à l’abri de la récession. Ils n’ont baissé que cinq fois depuis les années 1980. En outre, les marques de luxe européennes ont une exposition négligeable à la hausse des prix de l’énergie.”

Trois autres sélections reprennent le titre LVMH. Dierickx Leys rappelle que l’entreprise compte cinq divisions: 1) mode et maroquinerie avec des marques comme Louis Vuitton et Christian Dior, 2) parfums et cosmétiques dont Fenty Beauty by Rihanna, 3) vins et spiritueux tels que Veuve Cliquot, 4) joaillerie et horlogerie de TAGHeuer, Bvlgari et Zenith et 5) enseignes de magasins avec notamment Duty Free Shoppers (DFS), Sephora et Le Bon Marché. C’est cette dernière division qui a le plus souffert des confinements et des interdictions de voyager.

LVMH est parfois considérée comme un holding, mais qui n’investit que dans des sociétés actives dans le secteur du luxe. Leo Stevens dénombre pas moins de 75 marques prestigieuses, vendues dans plus de 5.500 magasins à travers le monde. Selon BNP Paribas Fortis Private Banking, LVMH est “le groupe du luxe le plus important et le plus diversifié au monde”. Là aussi, les analystes soulignent “la bonne résistance de la très rentable division mode et maroquinerie haut de gamme”. Atouts supplémentaires: “l’excellent pouvoir de fixation des prix, bilan et flux de trésorerie solides, et belles perspectives de croissance”.

Selon Leo Stevens, le groupe doit son pouvoir de fixation des prix à des marques célèbres comme Louis Vuitton, Moët & Chandon et Dior. “La croissance organique sur les neuf premiers mois de 2022 s’élève à 20%, grâce principalement à la forte croissance de la division mode et maroquinerie, aux augmentations de prix et au lancement de nouveaux produits.” La classe moyenne, en constante progression dans le monde, n’y est pas étrangère, pointe Leo Stevens, qui ajoute: “L’importante exposition aux consommateurs asiatiques, qui représentent 41% des ventes, offre des opportunités, même si la politique zéro covid de la Chine a infléchi la croissance cette année. Une levée complète des restrictions pourrait donner un coup de fouet à cette région”.

ASML

Le fabricant néerlandais de machines de fabrication de puces électroniques reçoit trois votes préférentiels, tout comme Solvay. “L’industrie mondiale des puces est presque totalement dépendante d’ASML. L’entreprise a une part de marché estimée à 95%. Elle fournit tous les grands fabricants de puces comme Intel, TSMC et Samsung, remarque 1Vermogensbeheer. Et l’utilisation intensive de puces électroniques figure parmi les principales tendances sur le long terme.”

“Indispensable pour à peu près tous les secteurs industriels, affirme Leo Stevens. Avec l’accélération du numérique, la demande de puces a augmenté de manière exponentielle. La technologie d’ASML est cruciale pour la poursuite du développement. Ce sont notamment les systèmes de photolithographie d’ASML qui déterminent la miniaturisation des circuits électroniques. Avec ses machines de lithographie (EUV ou extreme ultraviolet et deep ultraviolet ou DUV, Ndlr), ASML est pratiquement sans concurrence au top de la technologie.”

“Grâce à sa position de quasi- monopole, ASML bénéficie d’un pouvoir de fixation des prix à toute épreuve, ajoute BNP Paribas Fortis Private Banking, avec des marges bénéficiaires durablement élevées et une trajectoire de croissance à deux chiffres inégalée dans les années à venir.”

Les machines EUV actuelles d’ASML coûtent 200 millions d’euros chacune “et grâce à d’énormes investissements en R&D, leur successeur est déjà prêt, signale 1Vermogensbeheer. Les machines d’ASML permettent d’appliquer des motifs de circuits couche après couche sur les wafers ou galettes de silicium. Plus les lignes sont étroites, plus les puces sont compactes.” BNP Paribas Fortis Private Banking conclut qu’ASML est “une valeur technologique incontournable” pour les années et les décennies à venir.

Solvay

Le groupe chimique a été sélectionné trois fois. “C’est l’une des plus anciennes entreprises de Belgique, fait valoir 1Vermogensbeheer. Elle a été fondée par Ernest Solvay en 1863 à la suite d’une invention majeure: la production de carbonate de sodium à l’aide d’ammoniac. Comme toutes les entreprises en activité depuis plus d’un siècle, Solvay a dû souvent se réinventer.”

Sous l’égide de son actuelle PDG, Ilham Kadri, qui s’est décrite dans une interview comme the cashflow lady, un vent nouveau souffle sur l’entreprise. “Il a d’abord fallu nettoyer: réductions de valeur sur acquisitions surévaluées, restructurations, cession de maillons faibles et règlement des problèmes d’environnement et de retraite. Depuis plusieurs trimestres maintenant, Solvay excède les prévisions et s’affirme comme une véritable machine à cash”, constate Econopolis.

Pour Van Lanschot, Solvay est “une entreprise innovante dont les matériaux avancés sont utilisés dans les secteurs de l’automobile et de l’aérospatiale, entre autres”. Et, facteur crucial dans un contexte inflationniste: “L’entreprise parvient très bien à répercuter la hausse des coûts sur ses clients”.

Selon Econopolis, la scission en deux entités, prévue pour le second semestre 2023, fera surtout ressortir la valeur de Specialty, l’entité groupant notamment les matériaux composites légers et ceux destinés aux batteries des voitures électriques. “Pour sa part, l’entité Essential, qui se concentre sur les anciens produits rentables comme le carbonate de soude, restera un solide distributeur de dividendes, ajoute 1Vermogensbeheer. Solvay n’a jamais diminué et plutôt augmenté le dividende depuis 1983. Specialty se profile comme une entreprise en croissance, elle versera moins de dividendes mais devrait obtenir une valorisation plus élevée.”

1Vermogensbeheer suggère par ailleurs une idée pour éviter que les enfants ou petits-enfants vendent les actions sur un coup de tête lors d’une prochaine crise: “On peut aussi investir en actions via le monoholding Solvac au nom des enfants ou des petits-enfants. Elles sont également cotées en Bourse, mais il faut plus de documents pour les négocier”. Les actifs de Solvac consistent en actions Solvay.

GBL

Le holding des familles Frère et Desmarais obtient deux mentions, chez KBC Securities et Leleux Associated Brokers. Elle est aussi classée “pas tout à fait” sur la liste de Dierickx Leys. Parmi les sociétés n’ayant obtenu qu’une seule mention figurent le holding d’infrastructures Tinc, qui construit notamment des parcs solaires et éoliens, et Prosus, qui dépend principalement de sa participation dans le géant technologique chinois Tencent.

“GBL était réputée pour sa participation active dans les grandes valeurs de premier ordre européennes, indique KBC Securities. La communauté des investisseurs s’est toujours interrogée sur la valeur ajoutée que peut apporter l’équipe investissement de GBL pour obtenir des positions importantes dans des blue chips où ils peuvent aussi investir directement. Lors de son Capital Markets Day en novembre 2021, GBL a annoncé son intention d’atteindre 40% d’actifs privés/alternatifs. Le holding prévoir en outre de lancer une activité de gestion des investissements sur sa plateforme Sienna.”

“GBL est beaucoup plus transparente que certains autres holdings belges comme Sofina ou Brederode, souligne Leleux en faisant l’inventaire de ses atouts. Ses trois principales participations sont le groupe de vins et spiritueux Pernod Ricard (19% du portefeuille), la société de certification et d’inspection SGS (16%) et la société d’externalisation de la relation client Webhelp (9%). La différence entre la valeur intrinsèque et le cours de l’action, la décote, a beaucoup augmenté à cause du climat actuelle du marché.” Selon KBC Securities, la décote est aujourd’hui supérieure à 35%, alors qu’un écart de 20% se justifierait. Les analystes estiment que le marché n’apprécie pas pleinement les efforts consentis pour faire du holding un placement à long terme attrayant, tels que “rachats d’actions réguliers, simplification de la structure actionnariale et nouvelle approche de la création de valeur orientée sur des actifs privés/alternatifs de qualité”.

Microsoft

Selon 1Vermogensbeheer, Microsoft est “une entreprise dominante depuis des décennies” et “il n’y a guère de raisons de s’attendre à ce que cela change dans les décennies à venir”. “Rares sont les entreprises qui n’ont pas l’un ou l’autre contrat d’abonnement avec Microsoft.” Leo Stevens évoque l’image d’une powerhouse du secteur technologique, une sorte de centrale électrique dont les produits logiciels sont “à ce point imbriqués dans notre vie quotidienne que Microsoft semble parfois incontournable”. “Le titre a été sanctionné, en raison de perspectives moroses sur l’activité cloud dont la croissance ralentit et de la hausse des coûts énergétiques des datacenters”. La banque privée considère le recul du cours comme “un bon moment pour acheter”.

Conclusion

Les entreprises qui existent depuis longtemps et qui ont dû

se réinventer plusieurs fois ou les holdings qui font des choix d’investissement en fonction de ce qui se passe dans la société offrent, selon les analystes, les meilleures opportunités d’investissement pour vos enfants et petits-enfants. Notez cependant que certaines actions comme LVMH sont proches de leur prix record. Pour un investissement à long terme, il peut être intéressant d’utiliser des ordres d’achat avec un prix limite et d’attendre qu’une baisse pousse les cours sous cette limite. Passez en revue les listes de favoris dressées par les équipes d’analystes, reproduites en page 22. Chez Van Lanschot, par exemple, nous trouvons l’entreprise NextEra, au nom approprié puisqu’en pointe dans la transition énergétique, qui n’a été retenue par aucune autre équipe d’analystes. “C’est le plus grand opérateur de projets éoliens et solaires au monde et un leader mondial du stockage sur batterie.”

Enfin, et surtout, étudiez et identifiez les actions qui cadrent avec vos convictions et à votre vision de l’avenir. Bon succès!

ILSE DE WITTE

Ackermans & van Haaren est une véritable forteresse belge.” LEO STEVENS

Les bons contacts que Sofina entretient avec des acteurs mondiaux du capital-investissement restent un atout majeur.” VAN LANSCHOT

L’industrie mondiale des puces est presque totalement dépendante d’ASML.” 1VERMOGENSBEHEER

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