Les cryptomonnaies, une filière de paiement comme les autres

La technologie est un incroyable moteur de changement, mais la réglementation l’est tout autant. Combinées, ces deux forces ont eu un impact profond sur nos vies en général et sur le paysage financier en particulier selon Rigo Van den Broeck dans le rapport ’30 voices on 2030′ de KPMG.

En 2030, le concept de ” vérité vérifiable ” devrait être au centre des activités bancaires. Les banques sont soumises à bien davantage de contrôles composés, car les sources de données sont plus nombreuses et les technologies actuelles permettent de les analyser. Pour une entreprise, publier un rapport sur sa politique de cybersécurité ou faire étalage de ses engagements en matière de durabilité dans son rapport annuel est désormais insuffisant. L’investisseur ne peut se contenter d’analyser uniquement l’entreprise ciblée. Il doit aussi examiner sa chaîne d’approvisionnement pour s’assurer de ne pas y découvrir un fournisseur particulièrement polluant ou ne respectant pas certains droits de l’Homme. Tout ce que vous faites et prétendez doit être vrai et vérifiable, sinon vous serez dénoncé. Si ce n’est pas par la presse, alors ce sera par vos clients, l’opinion publique ou vos concurrents.

Cet environnement exerce une forte pression sur les banques. C’est d’ailleurs l’une des raisons expliquant que les géants du numérique ont décidé de ne pas créer leur propre banque. Fondamentalement, l’activité bancaire implique d’énormes quantités de réglementations et de paperasseries, et nécessite d’atteindre un volume important. Pour survivre, une banque a besoin d’une large base de clients et d’une présence locale. Cela n’est ni facile ni bon marché. Je ne dis pas que les entreprises technologiques ou les fintechs n’ont pas leur place dans le paysage bancaire. Elles en ont certainement une, mais probablement davantage en tant que facilitateurs et fournisseurs de services, de plateformes et de technologies, qu’en tant que banques.

Rigo Van Den Broeck - EVP Cyber Security Innovation
Rigo Van Den Broeck – EVP Cyber Security Innovation
Les fintechs ont leur place dans le secteur bancaire, mais davantage en tant que facilitateurs et fournisseurs de services, de plateformes et de technologies, qu’en tant que banques

Rigo Van Den Broeck – EVP Cyber Security Innovation

Courtier en confiance

La confiance est également une donnée cruciale. Mastercard est avant tout une société technologique. Nous sommes un ” courtier en confiance ” pour les entreprises. Nous sécurisons leurs opérations, ce qui leur permet de se concentrer sur leurs activités et d’évoluer. Mais nous ne sommes pas une banque.

Prenons le cas des cryptomonnaies. Notre mission consiste à les rendre dignes de confiance et sûres sur les plans technologique et environnemental pour ceux qui veulent les utiliser. Les cryptomonnaies sont une filière de paiement comme d’autres. Mais elles n’ont pas supplanté d’autres moyens de paiement. Globalement, les cryptomonnaies et les monnaies numériques de banques centrales ne représentent pas plus 10 % du marché des paiements. Elles ont toutefois un impact global sur le secteur en servant de moteur d’innovation. Par exemple, la blockchain nous aide à développer de nouvelles solutions technologiques.

Modèle bancaire chinois

Au niveau géographique, l’Europe n’a pas connu la même évolution que le modèle bancaire chinois bas sur des super apps proposant tous les services en un seul endroit. La raison en est simple : le traitement des données privées et le niveau de sécurité sont incompatibles avec nos normes de confidentialité. Il est très intrusif. Nous avons évolué vers un modèle où tout un chacun redevient propriétaire de sa propre identité (numérique).

Le consommateur décide de ce qu’il partage avec qui, quand et pendant combien de temps. C’est important pour les banques, car l’identité est le point d’entrée de tout dans le secteur. Les pouvoirs publics ont également un rôle déterminant à cet égard. Ils sont les seuls à détenir la vérité absolue sur l’identité de quelqu’un. Le secteur privé doit pour sa part veiller à obtenir et exploiter ces données de manière sécurisée. Ce qui est évidemment plus naturel pour une institution financière ou une entreprise technologique que pour d’autres industries.

J’ai déjà souligné que la réglementation est plus poussée de nos jours, ce qui n’est pas toujours une mauvaise chose. La réglementation ne se contente pas de réguler les activités, elle fixe aussi des normes qui facilitent la coopération et s’assurent que les entreprises font ce qui est correct et attirent les investissements. Une bonne régulation évolue également avec le temps, tient compte des progrès technologiques et s’adapte.

Tout est matriciel

Michael Waegemans, Partner, Head of Sustainability (KPMG)
Michael Waegemans, Partner, Head of Sustainability (KPMG)

Enfin, l’évolution de la société a aussi un impact sur le secteur financier. Les préjugés sexistes n’ont pas été éradiqués. La plupart des produits et services sont encore conçus du point de vue de l’homme. Les conseils d’administration, y compris des banques, sont encore largement composées d’hommes. Cela peut entraîner une aversion au risque et des opportunités perdues. Si tous les intervenants pensent de la même manière, il y a plus de chances que l’on passe à côté d’opportunités qu’une personne avec une formation et un état d’esprit différents aurait pu repérer.

Toutefois, la situation évolue. Le secteur fait désormais un meilleur usage des ressources et s’appuie sur des méthodes de production alternatives. Nous sommes aussi tous davantage conscient des enjeux environnementaux. Les énergies renouvelables jouissent d’une large adhésion, mais dans le même temps, nous ne pouvons pas nous passer du Wi-Fi.

La difficulté est que tous les enjeux sont devenus matriciels. Chaque sujet doit être appréhendé de manière multidimensionnelle. L’époque où l’on pouvait évaluer un problème d’une seule façon et proposer une seule solution est révolue. La complexité du monde nous oblige à penser en tenant compte de différentes perspectives, qu’elles soient générationnelles, culturelles ou autres. Un véritable défi !

Vu que les attentes des parties prenantes évoluent, votre organisation n’aura probablement pas d’autre choix que d’adopter l’ESG. Chaque groupe de parties prenantes l’exigera probablement – et les régulateurs et les décideurs politiques pourraient de plus en plus l’exiger. Cependant, ne pensez pas trop étroitement en définissant vos objectifs ESG dans le langage des normes minimales requises pour la conformité environnementale, sociale et de gouvernance. Mettez plutôt la mission et les objectifs au centre de votre institution financière afin de gagner le coeur et l’esprit des clients, des employeurs et des autres parties prenantes clés.

Les cryptomonnaies, une filière de paiement comme les autres

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