Le pin, les moineaux, Katherine Mansfield et nous

” Les temps sont durs mais nous sommes confiants “, annonçaient il y a quelques jours Les éditions du Chemin de fer spécialisées dans les formes courtes, les nouvelles. ” Si les libraires s’en sortent, nous nous en sortirons avec eux “, affirme cette maison d’édition française qui a pris soin de travailler en direct avec les librairies depuis le début de ses aventures en 2005. Il n’en reste pas moins que les trois nouveautés prévues pour avril sont reportées à l’automne, ce qui ne doit certainement pas vous empêcher de faire honneur à une de leurs dernières publications datant de début février : un recueil de nouvelles inédites de la grande écrivaine néo-zélandaise Katherine Mansfield, à savoir Le pin, les moineaux, et toi et moi, traduit par Marie-Odile Probst et magnifiquement réalisé, tant en ce qui concerne la couverture que la mise en page intérieure enrichie d’illustrations – principalement des photos représentant l’écrivaine.

Tout semblait avoir fleuri pendant la nuit.

Ecrivaine majeure

La vie de cette nouvelliste majeure fut courte et tumultueuse, comme le raconte dans la postface de l’ouvrage Anne Besnault, professeure spécialiste de l’oeuvre de Katherine Mansfield. Née à Wellington en Nouvelle-Zélande en 1888, celle-ci part étudier en Angleterre à l’âge de 15 ans. Elle en a 20 quand son père lui alloue une pension pour lui permettre de poursuivre ses travaux d’écrivaine (un geste, à n’en pas douter, très progressiste pour l’époque). Il faudra 10 ans de plus à la jeune Katherine pour que sa première nouvelle soit publiée par la maison d’édition de Virginia Woolf. Cette dernière disait d’ailleurs à son propos : ” J’étais jalouse de son écriture – la seule écriture dont j’ai jamais été jalouse. Elle avait la vibration. ” Elle la considérait à la fois comme sa rivale et son égale, nous apprend Anne Besnault. La ” vibration “, le mot est juste. On pourrait aussi parler de rythme et de légèreté. Katherine Mansfield avait préféré au grand roman victorien le genre de la nouvelle, qui lui permit de s’émanciper des exigences formelles et des canons de la fiction longue pour produire une écriture souvent qualifiée de sensible, impressionniste ou encore profonde. Malgré cela, elle resta longtemps à la marge.

L’urgence de vivre

Il fallut attendre les années 1980, soit près de 100 ans après sa naissance, pour que des travaux et rééditions mettent en avant toute la richesse et la profondeur de ses mots, que l’on pourrait résumer, avec l’aide d’Anne Besnault, comme une ” poétique du détail, de l’attention aux modalités de l’infime et de l’invisible qui suggère l’universel derrière la miniature, dans les silences du texte l’urgence de vivre “. Urgence de vivre : diagnostiquée comme tuberculeuse à l’âge de 29 ans, Katherine Mansfield en meurt cinq ans plus tard. En offrant pour la première fois ces 32 nouvelles aux lecteurs francophones, les éditions du Chemin de fer voulaient ainsi donner à voir ” le génie de Katherine Mansfield lorsqu’elle donne la parole aux enfants : cet incroyable façonnage de la langue, de son rythme, de son lexique, de ses torsions enfantines magiques “. Mais ils (re)découvriront aussi la puissance satirique de l’écrivaine contre le prêt-à-penser, l’assujet- tissement aux codes culturels et amoureux. A ce propos, si vous voulez vous faire votre propre idée, la maison d’édition a mis en ligne une de ces nouvelles, celle intitulée Corsets à lacets. Elle a été publiée en novembre 1915 à Londres, nous explique l’éditeur : ” On prenait alors les transports en commun pour aller dans les grands magasins, tandis que des soldats mouraient sur le front “.

Katherine Mansfield, ” Le pin, les moineaux, et toi et moi “, Les éditions du Chemin de fer, 288 pages, 23 euros.

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