“L’autofinancement des mesures fiscales, je m’en méfie”

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A l’heure des discussions sur la future réforme fiscale, il faut rester humble avec les effets retour, estime l’économiste.

1. Le MR suggère une baisse de la fiscalité de 8 milliards d’euros qui serait financée par les effets retour sur l’emploi. Est-ce raisonnable de miser à ce point sur ces effets retour?

Fondamentalement, toute analyse économique doit considérer les effets retour. J’ai d’ailleurs souvent pesté contre des propositions mises en avant de manière comptable, en s’attardant uniquement sur ce que cela va coûter ou rapporter sans chercher à intégrer les conséquences de cette mesure sur l’économie. Le propre de l’analyse économique est de regarder combien une mesure coûte et quels en sont tous les effets induits. Il faut une approche dynamique et non statique.

Ceci étant, il faut rester humble avec ces effets induits. Je ne me prononce pas sur le cas précis de cette proposition, que je n’ai pas étudiée en détail, mais très souvent, les multiplicateurs sont largement surestimés. Diminuer la charge fiscale de 8 milliards d’euros sans aucune recette compensatoire, c’est quand même beaucoup. L’auto-financement des mesures, je m’en méfie. Si c’était si facile, pourquoi personne n’y a jamais pensé?

2. Tabler un peu trop sur ces effets retour, est-ce un tort récurrent de la politique belge?

C’était déjà le cas avec le tax shift de la précédente législature. La Banque nationale a bien montré que ces effets retour avaient été surestimés et qu’en prenant tous les effets induits de ce tax shift, il manquait toujours quelque chose dans l’équation.

Le raisonnement vaut aussi dans l’autre sens, avec les investissements publics. Quand on nous affirme qu’un milliard d’investissement de l’Etat va faire augmenter le PIB de 5 milliards, c’est exactement la même surévaluation. En suivant ce raisonnement, on atteindrait un PIB infini si on dépensait suffisamment…

3. La moitié des 8 milliards de la réforme fiscale libérale vient du relèvement de la quotité exemptée d’impôts jusqu’au niveau du revenu d’intégration sociale. N’est-ce pas logique d’exonérer totalement ce qui est considéré comme le strict minimum vital?

Très clairement. Et nous avons besoin d’une série de mesures qui fassent sens. Le problème est toujours: comment finance-t-on cela? Il y aura des effets retour, c’est évident car on touche là à tous les travailleurs, mais de là à financer l’intégralité de la mesure, j’ai plus de doutes.

En fonction des publics visés, les impacts peuvent être très différents. Dans les revenus élevés, la propension marginale à consommer ne sera pas énorme et les effets induits non plus dès lors. Mais dans les tranches les plus basses, on paie déjà peu d’impôts sur le revenu. Et entre les deux, que choisiront les gens: consommer plus ou passer en 4/5e, avec le même revenu net? Selon les modalités et les hypothèses, les effets retour varient énormément.

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