La start-up Macron, simple parenthèse avant Marine Le Pen ?

Amid Faljaoui

Emmanuel Macron confirme qu’il a bien ” signé un contrat en CDI avec la providence “, comme l’écrivait joliment le journaliste Nicolas Domenach. Mais attention, s’il faut se réjouir de cette victoire face à Marine Le Pen, il ne faudrait pas que le nouveau président pense qu’il dispose d’un blanc-seing pour oublier que le pays qu’il va diriger rejette avec violence les deux piliers qui ont fait sa prospérité depuis 1945.

En auscultant leurs votes au premier tour, on constate en effet que les Français rejettent à la fois la démocratie représentative et le libéralisme. La démocratie représentative ? Elle a été littéralement ” ubérisée ” par la start-up Macron. Il a démontré qu’on pouvait prendre le pouvoir suprême sans passer par les cases supposées obligatoires du ” prendre d’abord la présidence d’un parti ” ou ” être d’abord élu “. Le libéralisme ? Il n’y a pas que les partisans de Marine Le Pen qui le rejettent. Le fait qu’au moins deux électeurs de Jean-Luc Mélenchon sur trois déclaraient s’abstenir au second tour sur le principe d’un ” ni Le Pen ni Macron ” ou d’un ” ni patrie ni patron ” en dit long sur l’intensité du rejet du libéralisme en France !

Comme le rappelle le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, Emmanuel Macron aurait tout faux s’il s’imaginait que le mécontentement à l’égard de l’économie mondiale va diminuer. Il ne faut pas se leurrer, la mondialisation a laissé des personnes sur le bord de la route et l’arrivée des nouvelles technologies numériques et de l’intelligence artificielle va saper une bonne partie des jobs de la classe moyenne. Emmanuel Macron est trop intelligent pour ne pas savoir qu’il est considéré par une partie de ses compatriotes comme le représentant des insiders (inclus) de la mondialisation. Bref, il est le héros des bourgeois urbains à l’aise dans l’univers de la mondialisation, alors que les outsiders (exclus), ceux qui ont voté à l’extrême gauche et à l’extrême droite, ne se reconnaissent pas en lui.

D’ailleurs, la carte électorale le démontre, on a aujourd’hui deux France : la première intégrée dans l’Europe et la mondialisation, c’est celle des métropoles et des côtes atlantiques. Et puis, la seconde, celle des exclus, qui rassemble les banlieues, le monde rural et les régions désindustrialisées. C’est ce qui permet de dire que cette présidentielle est la première élection où le rapport à la mondialisation est devenu un clivage majeur, une nouvelle forme de lutte des classes.

L’enjeu pour Emmanuel Macron est de se rendre compte que si le libre-échange et le libéralisme ont en effet sorti de la pauvreté des centaines de millions de Chinois ou d’Indiens, ils ont aussi eu pour effet de paupériser les classes populaires et moyennes de nos pays occidentaux. Emmanuel Macron doit donc changer de registre et ne plus tenir le discours de la droite libérale et de la gauche gouvernementale qui consiste à dire : ” Vous avez perdu votre emploi en Europe, mais soyez rassurés, le monde va beaucoup mieux dans sa globalité. Voyez, les Chinois ont pu créer une classe moyenne grâce au libéralisme. Et puis, à long terme, tout va rentrer dans l’ordre car de nouveaux jobs seront créés comme l’a démontré l’économiste Joseph Schumpeter avec sa théorie de la destruction créatrice. Il faut seulement être patient “. Pareil discours n’est pas porteur électoralement, et si les gagnants de la mondialisation ne sont pas plus imaginatifs et ne trouvent pas des moyens pour contenter les perdants de la mondialisation, alors Marine Le Pen sera au pouvoir en 2022. Et Emmanuel Macron n’aura été qu’une parenthèse.

Amid Faljaoui

” Cette présidentielle est la première élection où le rapport à la mondialisation est devenu un clivage majeur, une nouvelle forme de lutte des classes. ”

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