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La pyramide de la dette européenne

La semaine dernière, la Banque centrale européenne (BCE) a augmenté son capital, elle l’a même doublé. Mais même avec un capital d’environ 11 milliards d’euros, le danger n’est pas écarté.

La semaine dernière, la Banque centrale européenne (BCE) a augmenté son capital, elle l’a même doublé. Mais même avec un capital d’environ 11 milliards d’euros, le danger n’est pas écarté. La BCE se coltine ainsi 2.100 milliards d’euros d’obligations et a donc un effet de levier de 178. A titre de comparaison, l’autre fonds à effet de levier qui se nomme aussi banque centrale, la Federal Reserve américaine, a un capital de 57 milliards de dollars et de 2.385 milliards de dollars d’actifs. Le terme “actifs” donne l’impression qu’il s’agit de valeurs de qualité. Or il n’en est rien ; il est plus correct de parler de “papiers toxiques et sans valeur”.

L’effet de levier de la Fed est donc d’environ 42. Lorsque le fonds à effet de levier LTCM a sombré en 1998, on a attribué ce naufrage à un levier excessif, qui s’élevait à 30. Comparé à la Fed, le LTCM fait figure de gentil galopin. Avec un ratio de 178, la BCE va encore plus loin, même si jusqu’à présent, elle a acheté moins d’actifs toxiques. Depuis l’opération de sauvetage de l’euro en mai dernier, les choses sont cependant en train de changer rapidement (voir graphique). La BCE achète à un rythme accéléré des obligations de Grèce, d’Irlande et d’autres pays à problèmes.

On jette un seau d’essence sur le feu

Toute l’opération de sauvetage de l’euro commence à ressembler à l’opération réalisée par quelqu’un qui jette sur le feu un seau d’essence en croyant que c’est un seau d’eau. L’incendie de l’euro n’en devient que plus violent. Le fonds de sauvetage a été créé au cours du week-end du 9 mai 2010 pour “arrêter la spéculation contre l’euro”. Pour vous rassurer : sur le site web de l’ESFS (www.efsf.europa.eu), il est indiqué que le fonds a un statut AAA. Ce n’est pas la première fois que de la camelote présentée dans un bel emballage reçoit cette sorte de statut.

Les politiciens européens pensaient effaroucher les spéculateurs en brandissant ce montant gigantesque. Ils croyaient en leur propre doctrine shock and awe : en affectant rapidement 750 milliards au fonds, la confiance serait instantanément restaurée et il ne faudrait pas dépenser le moindre eurocent. Les marchés se sont empressés de tordre le cou à ce mythe et ont pris le fonds pour ce qu’il était : un emplâtre sur une jambe de bois temporaire concocté à la hâte, pas une solution structurelle. Dès le premier jour, le papier PIGS s’est vendu massivement. En Allemagne, les banques ont convenu de ne pas le faire mais les banques françaises, par exemple, n’ont pas respecté cette règle. L’EFSF et la BCE reçoivent donc à présent une masse de mauvaises obligations publiques. On devrait au moins tirer des leçons de cette évolution. L’effet dissuasif a été nul, l’effet aspirant du papier de mauvaise qualité a par contre été énorme. Il s’agit donc d’une gigantesque deuxième opération de sauvetage des banques sans que cela soit clairement admis au niveau politique.

Les principes s’effondrent, les dettes s’accumulent

Cette évolution fait froid dans le dos. Toute l’opération de sauvetage est une grande improvisation. Les 750 premiers milliards sont presque épuisés. Tout à fait conformément à la définition standard de la folie (“doing the same thing, but expecting different results“/ faire la même chose, mais en s’attendant à des résultats différents), de plus en plus voix s’élèvent à présent pour qu’on double le fonds. Encore plus d’essence. Ce n’est pas seulement improviser avec des milliards, c’est aussi jouer avec le bien-être de la prochaine génération et le patrimoine de la génération actuelle.

Réactions : trends@econopolis.be

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