La “Géométrie sacrée” de l’artiste belge Sophie Cauvin

© Ph. Cornet

Les toiles de la Belge Sophie Cauvin explorent une galaxie personnelle faite de terre, de sable, de cendre et de sacré. Elle expose au Musée d’Ixelles, étape importante en termes de carrière.

“La matière est brute, je la travaille de manière assez naturelle, je l’érode, je la rends parfois plus agressive ou plus lisse, cela dépend de chaque tableau. Mes sables par exemple, viennent du monde entier, glanés au gré d’années de voyages. Nous sommes issus de cette terre et les gens s’y reconnaissent : dans ce monde extrêmement virtuel, les matières les renvoient à eux-mêmes, là d’où ils viennent.” Dans le calme souverain du Musée d’Ixelles, Sophie Cauvin occupe deux salles avec une douzaine de tableaux et une paire de sculptures. La matière dont il est question anime les grands formats dans des couleurs qui balancent entre gris étoilé et sensation de lave. Baptisée “Géométrie sacrée”, l’exposition est dédiée à l’astral, au céleste et au terrestre. On s’arrête devant un tableau ovoïde d’où semble sortir un dragon écarlate. “C’est un peu le feu, le serpent, les fusions de la naissance et de la vie qui démarrent. J’ai travaillé avec une terre qui a cette couleur naturelle, en épaisseur, en dilution, cela lui donne une dynamique. Je pars d’une toile de lin. Je mets un fond, ici de l’encre de Chine, je fais mon premier geste avec de la matière et, c’est cela qui est fantastique, l’interaction sur la toile amène quelque chose d’aléatoire. Je laisse sécher un jour ou deux, et je vois quelque chose apparaître. Ce n’est pas moi qui donne forcément la direction première, même si je reprends le dessus.”

Sophie Vauvin
Sophie Vauvin© Ph. Cornet

Magma souterrain

Sophie Cauvin, 47 ans, possède un vaste atelier dans une maison moderne au sud de Bruxelles. Et un lieu en Corse. Deux environnements soumis à deux types de lumières et d’ensoleillement. En Méditerranée, le “premier jet” sèche considérablement plus vite que dans l’humidité belge et la haute température guide alors le résultat pictural dans des craquèlements surprises. “J’ai oublié ce que j’avais appris lors de mes études à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, l’idée de page blanche freinait la spontanéité.”

Sophie Cauvin est fascinée par la “transformation de la matière” et pense que la “pierre philosophale est un peu le coeur de l’homme”. D’ailleurs, l’expo d’Ixelles, faite de cosmos, vortex et autres nuages, emmène le visiteur en voyage. Tout comme l’environnement sonore fabriqué par l'”acousmaticien” Brice Deloose : avec Sophie, ils ont imaginé une “symphonie de sons” qui complète la scénographie. “Des sons de la nature, mais complètement retravaillés. Je voulais créer des profondeurs abyssales, des tremblements de terre, évoquer le magma souterrain, le feu, l’air, l’eau, explique Sophie Cauvin. Pour éviter le premier degré, on a mélangé les sources, on les a inversées, remodelées, comme ce crépitement de feu à l’envers.” Pas vraiment un hasard si la préface du catalogue a été confiée à l’un des frères Bogdanov (“des amis”, explique l’artiste). Grichka y écrit : “C’est ce monde-là, cette vie éternelle avant la naissance de la matière, que Sophie Cauvin, dans son art en lévitation au-dessus des langages terrestres, nous invite à contempler”.

Mathématique de la nature

Pour tutoyer l’infini, cette “bélier, signe de Terre” commence par collectionner les sables, les terres, glaises ou pas, et même le bois et le charbon. Calés contre un mur de son atelier, des dizaines de récipients évoquent la devanture géante d’un glacier, alors que d’autres containers, plus larges, déclinent diverses substances colorées. On remarque le bronze d’un visage mature. Celui d’André Cauvin, le grand-père initiateur, réalisateur de films documentaires sur la Belgique coloniale, ami de Dali et Delvaux. “Mon grand-père a été mon mentor, il m’a beaucoup transmis et il est mort, en 2004, à l’âge de 97 ans, le jour de mon anniversaire, à l’heure de ma naissance… Petite, j’allais visiter l’atelier de Paul Delvaux à Boitsfort et j’étais impressionnée par l’odeur, les milliers de pinceaux, les squelettes. Il m’appelait sa collègue.”

Au sous-sol, un piano Schimmel campe. Sophie a fait 10 ans de clavier et voulait devenir concertiste comme son père, Pierre, premier violon à l’Orchestre national de Belgique. “La musique est pénétrante, vibratoire, elle transperce, envahit les tripes et le corps. Mais j’aurais été beaucoup plus coincée dans une interprétation de compositeur. C’est plus frontal d’être devant un tableau. Cette “Géométrie sacrée” — je n’ai pas inventé l’expression — c’est ma manière à moi de développer de manière instinctive, la mathématique de la nature. Au mot spiritualité, je préfère celui de sacré, ce qui est une des définitions de l’art (sourire).”

La révélation viendra durant ses années de secondaire, lorsqu’un professeur lui demande de transposer un photomaton d’elle-même en peinture grand format. “Jusque-là, je voulais être restauratrice de tableaux, j’aimais la précision, la miniature. Cette expérience m’a ouvert des voies, je ne suis jamais retournée au petit. Je travaille toutes les dimensions (jusqu’au vaste mur rouge de 300 m2 du hall de la clinique Sainte-Elisabeth à Uccle), toujours avec une sensation physique.”

Pour tutoyer l’infini, cette “bélier, signe de Terre” commence par collectionner les sables, les terres, glaises ou pas, et même le bois et le charbon. Calés contre un mur de son atelier, des dizaines de récipients évoquent la devanture géante d’un glacier, alors que d’autres containers, plus larges, déclinent diverses substances colorées. On remarque le bronze d’un visage mature. Celui d’André Cauvin, le grand-père initiateur, réalisateur de films documentaires sur la Belgique coloniale, ami de Dali et Delvaux. “Mon grand-père a été mon mentor, il m’a beaucoup transmis et il est mort, en 2004, à l’âge de 97 ans, le jour de mon anniversaire, à l’heure de ma naissance… Petite, j’allais visiter l’atelier de Paul Delvaux à Boitsfort et j’étais impressionnée par l’odeur, les milliers de pinceaux, les squelettes. Il m’appelait sa collègue.”

Au sous-sol, un piano Schimmel campe. Sophie a fait 10 ans de clavier et voulait devenir concertiste comme son père, Pierre, premier violon à l’Orchestre national de Belgique. “La musique est pénétrante, vibratoire, elle transperce, envahit les tripes et le corps. Mais j’aurais été beaucoup plus coincée dans une interprétation de compositeur. C’est plus frontal d’être devant un tableau. Cette “Géométrie sacrée” — je n’ai pas inventé l’expression — c’est ma manière à moi de développer de manière instinctive, la mathématique de la nature. Au mot spiritualité, je préfère celui de sacré, ce qui est une des définitions de l’art (sourire).”

La révélation viendra durant ses années de secondaire, lorsqu’un professeur lui demande de transposer un photomaton d’elle-même en peinture grand format. “Jusque-là, je voulais être restauratrice de tableaux, j’aimais la précision, la miniature. Cette expérience m’a ouvert des voies, je ne suis jamais retournée au petit. Je travaille toutes les dimensions (jusqu’au vaste mur rouge de 300 m2 du hall de la clinique Sainte-Elisabeth à Uccle), toujours avec une sensation physique.”

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