La chimie, les matières plastiques et les sciences de la vie peuvent-elles sauver le monde ?

© Getty Images/iStockphoto

Le secteur de la chimie, des matières plastiques et des sciences de la vie fait de nombreux efforts pour garantir une production durable. Mais quel rôle joue-t-il dans l’évolution vers une société durable ? Autrement dit : la chimie, les produits synthétiques et les sciences de la vie peuvent-ils sauver le monde ?

Ce serait enfoncer une porte ouverte que de dire que notre société est en pleine mutation. Après la relance économique que nous avons connue depuis la Deuxième Guerre mondiale, le temps est venu de se poser des questions : disposons-nous de suffisamment de matières premières pour continuer à produire comme nous le faisons aujourd’hui ? Qu’en est-il des émissions de gaz à effet de serre ? Et comment allons-nous combattre les maladies liées à l’allongement de l’espérance de vie ?

Il n’est pas rare que la réponse à ces questions nous vienne du secteur de la chimie, des matières plastiques et des sciences de la vie, à savoir la pharma et les biotechnologies. Et ce n’est pas un hasard. ” La chimie intervient dans de nombreux aspects de la vie quotidienne et nous pouvons difficilement sous-estimer son impact “, constate Chris Stevens, directeur du département Sustainable Organic Chemistry and Technology à la faculté des sciences de Bio-Ingénierie de l’Université de Gand. Karl Vrancken, Research Manager Sustainable Materials au VITO, l’institut flamand pour la recherche technologique, l’explique quant à lui très concrètement : ” La chimie se trouve au coeur des enjeux les plus importants de notre société tels que l’énergie, l’alimentation, la communication, la construction… et bien d’autres. “

Le CO2 comme matière première

Mais dans quelle mesure le secteur participe-t-il réellement à l’évolution vers une société durable ? Cette question comporte encore de nombreux défis. On pense généralement tout d’abord à la question du climat et à l’importance de développer des habitats économes en énergie, mais la santé, la croissance démographique et la mobilité constituent également des enjeux de taille.

En sa qualité de producteur de matières premières, le secteur chimique est à la base de nombreuses innovations qui sont appliquées dans le développement de matières plastiques. ” La chimie devra apporter les solutions. “, souligne Chris Stevens. ” Evidemment, une telle gageure ne se résout pas du jour au lendemain mais nous constatons une évolution dans la bonne direction. ” A cet égard, le Professeur Stevens cite l’exemple du CO2. On l’utilise de plus en plus souvent comme matière première, par exemple dans la création de matelas. ” Ainsi, nous faisons d’une pierre deux coups “, déclare Chris. ” On réduit les émissions néfastes de CO2 et on a une matière première qui permet de créer de nouveaux produits. “

La chimie devra apporter les solutions, Par exemple en utilisant le CO2 comme matière première. – Chris Stevens, professeur à l’Université de Gand

Une étape vers les matières premières bio-basées

Les efforts que fait la chimie en matière de durabilité ont débouché sur l’avènement d’une nouvelle génération de matériaux d’avant-garde dans le domaine des matières plastiques. On voit ainsi naître des matériaux plus légers grâce auxquels les voitures et les avions consomment moins de carburant, mais aussi, par exemple, des profilés de châssis en PVC qui garantissent une fermeture plus hermétique, des matériaux d’isolation qui optimisent le niveau énergétique des bâtiments ou encore des pales d’éoliennes plus efficaces qui en améliorent le rendement, etc.

Le défi est double, résume Karl Vrancken : ” D’une part, nous devons continuer à dématérialiser, à utiliser toujours moins de matériaux pour faire un produit. D’autre part, nous devons, dans la mesure du possible, effectuer une transition vers des matières premières et des matières plastiques bio-basées. La lignine, le composant de base du bois, est à cet égard une matière première prometteuse. “

Il reste tout de même beaucoup de pain sur la planche, considère Karl : ” Nous avons déjà franchi d’importantes étapes, mais nous devons pousser encore plus loin le niveau de recyclage des matières plastiques. Plus nous pourrons réutiliser de matériaux, moins nous serons dépendants des matières premières naturelles.

A cet égard, la numérisation de l’industrie, l’Industrie 4.0, joue un rôle crucial. ” Les capteurs nous permettent de mieux séparer les matériaux, et les applications de gestion des données nous aident à mieux les identifier “, précise M. Vrancken. ” Ce sont des éléments qui vont devenir plus importants encore dans notre aspiration à une économie circulaire. ” Une économie qui transforme ses déchets en matières premières est évidemment le sommet de la durabilité.

Si la chimie et les sciences de la vie ne peuvent pas sauver le monde, qu’est-ce qui pourra le faire ? – Karl Vrancken, VITO

La durabilité au centre de la santé

Les sciences de la vie jouent un rôle important dans le volet santé lié au développement durable. La croissance démographique et le vieillissement de la population posent en effet des défis considérables. Il suffit par exemple de penser aux maladies d’Alzheimer ou de Parkinson.

” La question qui nous préoccupe est de savoir comment nous pouvons améliorer la qualité de vie des patients “, nous explique Tineke Van hooland, External Affairs Director chez AbbVie et présidente de la fédération des biotechnologies, bio.be/essenscia. A travers quelques exemples, Tineke rappelle à quel point les sciences de la vie contribuent à notre recherche de durabilité. ” Je pense au cancer “, dit-elle. ” Grâce à de nouvelles immunothérapies, les cancers ne seront plus des maladies mortelles mais des maladies chroniques qu’il sera possible de traiter ou même de guérir. ” Dans domaine de l’hépatite C, nous as-sistons à une révolution où, d’un traitement symptomatique à vie, on arrive aujourd’hui à une guérison dans les huit semaines dans la plupart des cas. En outre, nous avons pour la première fois développé un vaccin contre la malaria et le secteur pharmaceutique de notre pays a joué un rôle-clé dans la recherche fructueuse d’un vaccin contre Ebola. La numérisation est également essentielle pour assurer un meilleur suivi des patients. Les données permettent en effet de déceler rapidement les maladies. “

La chimie, les matières plastiques et les sciences de la vie peuvent-elles sauver le monde ?
© Getty Images/iStockphoto

Tineke Van hooland entrevoit deux grands défis pour le secteur : ” Nous devons arriver à encore mieux déchiffrer les codes du corps humain, notre ADN, et à évoluer vers une médecine personnalisée adaptée à chaque patient. Par ailleurs, la durabilité doit occuper une place centrale dans tout le secteur des soins de santé, qui doit miser davantage sur la prévention et le développement de médicaments et de thérapies innovants et accessibles à tous. ”

Grâce aux nouvelles immunothérapies, le cancer ne sera plus une affection mortelle mais pourra être guéri. – Tineke Van hooland, présidente de bio.be/essenscia

Chimie & agriculture

Tout cela nous amène à la question un peu philosophique que nous abordions dans le titre : la chimie, les matières plastiques et les sciences de la vie peuvent-elles sauver le monde ? Chris Stevens est catégorique : ” Absolument. La chimie, mais aussi l’agriculture durable, ont un rôle crucial à jouer pour s’attaquer à ce problème. L’une en ce qui concerne les matériaux, l’autre en matière d’alimentation. “

C’est Karl Vrancken qui nous livre le mot de la fin : ” Si la chimie et les sciences de la vie ne peuvent pas sauver le monde, qu’est-ce qui pourra le faire ? C’est la chimie qui fournit les leviers essentiels permettant aux autres branches de l’industrie de réaliser des produits durables. “

Partner Content