Le spectre de la récession s’éloigne

L’économie mondiale devrait croître cette année de 2,9%, alors que les précédentes prévisions du célèbre institut ne misaient que sur 2,7%. © getty images
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Mais où est donc passée la récession? Dans notre pays, comme dans le reste de l’Europe et aux Etats-Unis, l’orage économique tant redouté n’a pas eu lieu. Conséquence: des révisions de la croissance un peu partout dans le monde.

Une récession? Quelle récession? Les sombres prévisions de chute brutale de l’économie ne se sont pas réalisées. Allemagne, zone euro, Etats-Unis: exit la catastrophe, les ménages qui dépriment, le mur de faillites… Contrairement aux attentes, les économies occidentales ont résisté mieux que prévu aux chocs de la guerre en Ukraine et de la flambée des prix.

Selon les derniers chiffres de la Banque nationale, l’activité dans notre pays est restée en territoire positif, avec une croissance de 0,1% pendant les trois derniers mois de l’année. Au final, la croissance du PIB de la Belgique atteint 3,1% sur l’ensemble de l’année 2022. Même les résultats financiers de la Belgique SA sont meilleurs que prévu. Bien meilleurs même, puisque les dernières estimations de la secrétaire d’Etat au Budget Alexia Bertrand (Open Vld) font état d’une amélioration du déficit de… 7 milliards d’euros!

Mea culpa généralisé

Le retournement de tendance est général. Un peu partout dans le monde, les prévisions de croissance sont revues à la hausse. “Alors que tous les grands prévisionnistes institutionnels (Fonds monétaire international, Organisation de coopération et de développement économiques) avaient annoncé une légère récession pour début 2023, ils constatent que le dernier trimestre 2022 a été meilleur sur le plan macroéconomique que ce que l’on aurait pu craindre et commencent à changer d’avis”, observe Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management de Paris et Lille.

La dernière mise à jour des projections du FMI publiée fin janvier montre en effet une belle résilience des économies des pays développés. Après avoir enregistré une croissance de 3,4% l’an dernier, l’économie mondiale devrait croître cette année de 2,9%, alors que les précédentes prévisions du célèbre institut ne misaient que sur 2,7%.

“L’abandon de la politique zéro covid en Chine a relancé tous les espoirs.”

Ainsi, aux Etats-Unis, la croissance américaine, portée par la consommation des ménages et l’étonnante vigueur de l’emploi, devrait afficher une progression de 1,4% cette année, alors que les prévisions précédentes du FMI ne tablaient que sur 1%.

Pour la zone euro, le FMI a aussi revu légèrement à la hausse ses prévisions, avec une croissance de 0,7% en 2023 contre 0,5%, estimant que l’Europe s’est adaptée à la hausse des coûts de l’énergie plus rapidement que prévu. Même l’Allemagne, pourtant fort dépendante du gaz russe, devrait enregistrer une légère croissance de 0,1% cette année.

D’où vient cette résilience? “Aux Etats-Unis, le marché de l’emploi demeure plus robuste que prévu, ce qui soutient la consommation, qui a glissé des biens vers les services, constate Bernard Keppenne, économiste chez CBC. En Europe, le moral des consommateurs et des industriels est reparti légèrement à la hausse fin de l’année dernière grâce au très net recul du prix du gaz et aux mesures de soutien des gouvernements, deux éléments qui ont évité de voir le PIB passer en territoire négatif fin de l’année passée. Quant à la Chine, l’abandon de la politique zéro covid a relancé tous les espoirs de voir l’économie redémarrer après la période de Nouvel An.”

Les banques à la fête

Preuve évidente que les choses vont mieux que ce que les Cassandre de l’économie avaient prédit: les profits historiques dégagés en 2022 par les banques. Alors qu’elles avaient été parmi les premières à alerter sur le haut degré d’incertitude, les voilà aujourd’hui à la fête. Exemple? BNP Paribas, première banque de la zone euro. L’an dernier, la maison mère de BNP Paribas Fortis a dégagé plus de 10 milliards de bénéfices. Soit le meilleur résultat de son histoire.

Le scénario du pire a été évité grâce notamment à un hiver clément.

Comme l’expliquait son patron Jean-Laurent Bonnafé dans les colonnes du Figaro au lendemain de la publication des résultats du groupe bancaire français, les gouvernements ont tout mis en œuvre pour soutenir les économies, même si cela alourdira les dettes des Etats. “Ce sont entre 800 et 1.000 milliards qui auront été injectés en deux ans et demi. Cela représente 6% à 8% du PIB européen. A cela s’ajoute le plan d’investissement européen post-pandémie.”

Jean-Laurent Bonnafé ajoute que les entreprises ont su s’adapter en améliorant leur efficacité ou en misant sur la technologie. “Nombre d’entre elles continuent d’ailleurs à investir dans leur développement.”

Dans un autre registre, la météo a aussi aidé, avec des températures clémentes en fin d’année. “Il n’y a pas eu un manque de gaz pour traverser l’hiver comme on aurait pu le craindre, c’est en grande partie la raison pour laquelle la profonde récession économique qui était redoutée ne s’est pas matérialisée”, soulignait voici quelques jours le CEO de KBC Johan Thijs à l’occasion de la présentation des résultats du bancassureur belge.

Des résultats meilleurs que prévu boostés aussi par la remontée des taux d’intérêt. Après des années de taux négatifs, le secteur retrouve en effet un modèle d’affaires plus traditionnel: faire de la marge en collectant des dépôts pour octroyer des crédits.

Un modèle d’autant plus porteur aujourd’hui que les banques n’ont pas ménagé leurs efforts ces dernières années pour combattre les taux négatifs, rendant payants une série de services qui auparavant étaient gratuits (comptes, retraits de cash, accès à un conseiller, etc.). Autant d’astres n’ont été aussi bien alignés pour elles depuis longtemps. Or quand les banques vont bien, tout va bien…

Le pire, jamais certain

Toutefois, comme le souligne Bernard Keppenne, la prudence reste de mise pour les prochains mois. “L’année sera marquée par un net ralentissement par rapport à 2022 qui a été, il ne faut pas l’oublier, une excellente année en termes de croissance. De nouveau, il faut bien distinguer la situation en fonction des régions. Aux Etats-Unis, nous sommes partis pour un atterrissage en douceur de l’économie et le risque de récession est extrêmement faible compte tenu de la robustesse du marché de l’emploi. En Europe, l’Allemagne pourrait quand même connaître une petite récession mais, globalement, la zone euro devrait afficher une croissance de 0,4%, faible certes, mais pas de récession. En Chine, la demande intérieure devrait soutenir la croissance qui devrait tourner autour des 5%.”

A ceci près que tout dépendra sans doute de l’élément le plus crucial, à savoir l’évolution du prix du gaz et la question de l’approvisionnement pour reconstituer les réserves en Europe pour le prochain hiver. Mais en attendant, comme le montre une fois de plus cet article, force est de constater que le pire n’est jamais certain. Ne boudons donc pas l’éclaircie. Et restons positifs.

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