La Chine “attachée à la stabilité” pour protéger sa croissance économique

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Les relations entre la Chine et la Russie, deux puissances partageant une frontière longue de 4.195 km et de multiples intérêts économiques, font couler beaucoup d’encre depuis l’invasion russe en Ukraine, le 24 février 2022.

L’attitude de Pékin, officiellement neutre dans le conflit mais proche de Moscou, a ravivé des tensions latentes avec l’Occident sur toute une série de dossiers (droits humains, statut de Taïwan…). Toutefois, dépeindre la Chine comme une puissance hostile à l’Occident est à la fois contreproductif et incorrect selon Sven Biscop, expert de la Chine et directeur du programme “L’Europe dans le monde” à l’Institut Egmont.

L’invasion de l’Ukraine a fortement polarisé les relations internationales entre les États condamnant fermement l’attitude du régime russe, ceux la soutenant (très minoritaires) et ceux, majoritaires, s’abstenant de la condamner dans les cénacles internationaux. Certains abstentionnistes notables, comme la Chine, ont rapidement été pointés du doigt, voire décriés. Pékin a ainsi été dépeinte par des voix critiques comme un ami du régime russe.

Non-interventionnisme au niveau international

“La Chine applique depuis des années une politique de non-interventionnisme au niveau international”, nuance cependant Sven Biscop. “Quand on regarde les faits, la Chine ne fait rien de particulier pour soutenir Moscou dans l’effort de guerre. Et elle fait partie des nombreux pays à ne pas avoir suivi le régime de sanction des pays de l’Otan et du G7, tout comme l’Inde, par exemple.”

En outre, l’expert pointe l’attachement de Pékin à la stabilité mondiale, condition sine qua non de sa prospérité économique. “C’est cette stabilité mondiale qui garantit la survie du pouvoir.”

Cependant, le gouvernement central ne s’est jamais engagé dans une initiative de paix, comme l’ont fait d’autres pays comme la Turquie, malgré de nombreux appels du pied de la France ou encore de l’Italie. Ces dernières ont notamment profité du passage du chef la diplomatie chinoise Wang Yi par Paris et Rome, mi-février, pour réitérer leur demande. Présent le 18 février à la Conférence de Munich, rassemblant de nombreux chefs d’États, Wang Yi a finalement annoncé que Pékin présenterait sous peu une initiative de paix pour mettre un terme à la guerre en Ukraine. Il a également répété que les sanctions et pressions n’étaient pas une solution.

Sven Biscop, qui estimait jusqu’à alors peu probable que la Chine se lance dans un processus de paix public, reste néanmoins prudent. “L’échec d’une initiative de paix menée par Pékin ferait perdre la face au pouvoir de Xi Jinping. On peut par contre imaginer que la Chine s’active en coulisses pour amener les Russes et les Ukrainiens autour de la table, mais rien ne permet de l’établir avec certitude.”  De plus, ajoute l’expert, les mots employés par la diplomatie chinoise ne permettent pas de cerner l’ambition actuelle de Pékin dans un contexte particulièrement tendu, les États-Unis ayant déclaré qu’ils craignaient des livraisons d’armes chinoises à la Russie.

 Si la diplomatie du régime communiste est parfois qualifiée d’opportuniste et décriée par les pays occidentaux, le chercheur estime qu’il convient de dédramatiser et parle de “pragmatisme” du pouvoir chinois. “Les Chinois sont prêts à collaborer avec n’importe quel type d’État, car ils n’ont pas l’ambition des Occidentaux d’exporter leur modèle étatique à l’international”, rappelle Sven Biscop. “Leur but de gagner en importance et en influence sur la scène mondiale est tout à fait légitime, tant que les moyens employés le sont également”, estime-t-il.

Attitudes russe et chinoise vis-à-vis de l’Occident

À ce titre, l’expert différencie clairement les attitudes russe et chinoise vis-à-vis de l’Occident, distinguant “concurrence” et “rivalité”. “Tous les États, même au sein de l’Union européenne, se font concurrence, notamment en matière économique. La rivalité, elle, va beaucoup plus loin et consiste à essayer de nuire sciemment aux intérêts d’autres nations par des menaces hybrides (corruption, piratage, tentatives de déstabilisation, production de fausses nouvelles… NDLR). La Chine se place dans une logique de concurrence tandis que la Russie agit avec rivalité“, analyse M. Biscop.

Quant aux gains d’influence chinois en Afrique et dans le Pacifique (grâce notamment à la signature d’un pacte de sécurité avec les Îles Salomon, en avril 2022), le chercheur juge que ce serait une erreur de tourner le dos aux pays qui font affaire avec Pékin. “Personne ne force ces pays à traiter avec la Chine, ils ne sont pas naïfs. On doit maintenir une politique de porte ouverte en suggérant à ces États de diversifier leurs partenariats en leur proposant des offres économiques intéressantes.”

Enfin, pour Sven Biscop, les Occidentaux – et en particulier les États-Unis – ont tout intérêt à maintenir le dialogue avec la Chine, malgré les tensions entourant la question de Taïwan (État de facto indépendant mais que Pékin considère comme partie intégrante de son territoire) et les ballons présumés espions interceptés par Washington.

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