Croissance : la Chine va jouer la prudence

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La Chine va probablement fixer pour 2023 l’un des objectifs de croissance les plus faibles depuis des décennies, selon plusieurs experts interrogés par l’AFP, sous l’effet de la crise immobilière, du ralentissement mondial et des tensions géopolitiques.

L’objectif de croissance du PIB devrait être dévoilé dimanche dans un discours du Premier ministre sortant, Li Keqiang, à l’ouverture de la session parlementaire annuelle qui réunira à Pékin près de 3.000 députés de tout le pays.

L’un des objectifs les plus modestes depuis des décennies

La deuxième économie mondiale, durement affectée par les restrictions anti-Covid en vigueur pendant près de trois ans, a enregistré une croissance de seulement 3% en 2022. Il s’agissait alors d’un des rythmes les plus faibles en 40 ans. Pour 2023, la Chine devrait donc jouer la prudence: un consensus d’économistes interrogés par l’AFP table sur un objectif de 5,3%, l’un des plus modestes depuis des décennies.

L’an dernier, Pékin visait 5,5%. Car, même si les restrictions sanitaires ont été levées en décembre, la reprise économique chinoise devrait pâtir de la mauvaise santé de l’immobilier. Le secteur immobilier chinois, qui, avec la construction, représente plus d’un quart du PIB du pays, avait joué un rôle-clé dans la reprise post-pandémie en 2020. Mais il est depuis fragilisé.

“Containers vides”

Nombre de promoteurs luttent pour leur survie après un durcissement par Pékin des conditions d’accès au crédit, tandis que les ventes immobilières s’affichent en repli. De nombreux acheteurs ont refusé de rembourser leurs mensualités l’an dernier, excédés par les retards de livraison de leur logement. “Les ventes, les mises en chantier et les prix sont tous en baisse”, indique Harry Murphy Cruise, économiste chez Moody’s.

“Les défaillances des promoteurs immobiliers fin 2021 ont laissé plus d’un million de maisons pré-vendues inachevées, ce qui a effrayé les ménages et incité beaucoup d’entre eux à tourner le dos au marché”, ajoute-t-il. Le contexte international n’aide pas. De nombreux économistes redoutent un ralentissement mondial, dans un contexte de hausse des coûts et de relèvement des taux d’intérêt par les banques centrales pour contrer l’inflation.”On voit les containers vides s’empiler dans les ports chinois”, constate Gene Ma, directeur du département de recherche sur la Chine à l’Institut de finance internationale, interrogé par l’AFP.

“La demande en exportations diminue rapidement en raison de la faiblesse de la croissance mondiale et du déplacement des chaînes d’approvisionnement”, dit-il.

Reprise de la consommation

Les tensions géopolitiques pèsent aussi sur les perspectives de croissance de la Chine, selon les économistes qui s’inquiètent d’un engagement de Pékin pour soutenir la Russie dans le conflit en Ukraine. “Un grand risque, voire le plus important, serait que la Chine soutienne activement la Russie avec des armes et des munitions”, explique à l’AFP Teeuwe Mevissen, spécialiste de la Chine à Rabobank. “Cela mènerait certainement à des sanctions occidentales”.

Selon les experts, la consommation aura un rôle à jouer dans la reprise de l’économie chinoise.

Dans un récent rapport, Jing Liu, économiste en chef sur la Chine pour HSBC Global Research, note des “signes de reprise de la confiance des consommateurs” et “une activité économique plus forte soutenant le marché du travail”. Dans ce contexte, “nous pensons que la consommation de services est celle qui profitera le plus” de la reprise. Gene Ma partage son optimisme, soulignant que son Institut de finance internationale s’attend à un rebond de la consommation des ménages, de -0,2% l’an dernier à +9% cette année. “Sachant que la consommation des ménages représente environ 40% du PIB, la consommation des ménages peut à elle seule faire progresser le PIB de 3,5 points”, prédit-il.

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