Brevet unitaire européen : une révolution pour la propriété intellectuelle dans 17 pays

Bureau des brevets européens.
Bureau des brevets européens, à la Hague , aux pays-Bas. © Getty Images

Le brevet unitaire européen entre en vigueur et offre une nouvelle approche pour la validation et la défense de la propriété intellectuelle dans 17 pays européens simultanément.

Après des années d’attente, le brevet unitaire européen qui entre en vigueur jeudi, devrait permettre de valider et de défendre la propriété intellectuelle dans 17 pays européens d’un coup, en promettant de réduire les coûts, à condition que chercheurs et entreprises s’en emparent.

“Le nouveau système est une révolution pour les entreprises qui déposent des brevets, il va offrir une évolution significative de la couverture géographique de protection de la propriété intellectuelle, en simplifiant la gestion administrative, en réduisant les coûts, et surtout en centralisant les contentieux”, explique à l’AFP Marie-Claude Pellegrini, conseil en propriété industrielle au cabinet Withers & Rogers à Paris.

Pourtant, le brevet européen existait depuis 1977. Le dépôt des demandes et l’examen des dossiers sont centralisés par l’Office européen des brevets (OEB), basé à Munich en Allemagne.

Mais, outre que le processus est très long -trois ans en moyenne – il “faut ensuite une validation dans chacun des 39 pays de l’OEB” si l’on souhaite une protection complète, ou au moins dans certains pays cibles, souligne Russell Edson, également associé chez Whithers & Rogers. 

“Certains pays exigent des traductions, il y a des coûts et des démarches dans chaque pays”, ajoute-t-il. 

La Belgique dans les 17 premiers pays volontaires

Les contentieux -en contrefaçon par exemple- doivent être réglés devant des tribunaux nationaux européens selon les droits de chaque pays. Résultat: des procédures et des coûts alourdis, avec parfois des décisions contradictoires selon les Etats qui créent une insécurité juridique.

Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Slovénie et Suède sont les 17 premiers pays volontaires pour lancer le nouveau système unifié.

Il reste néanmoins une procédure au choix, s’ajoutant aux brevets nationaux et au brevet européen actuels. L’Espagne et la Pologne n’ont pas adhéré, ni la Grande-Bretagne dont les juristes ont pourtant été à l’initiative sur le sujet avant le Brexit.

“D’autres Etats membres de l’UE devraient y participer à l’avenir”, a indiqué l’OEB dans un communiqué jeudi, en estimant que l’entrée en vigueur du brevet unitaire constitue une “étape historique dans l’achèvement du marché intérieur de l’Union européenne”.

Les taxes de maintien en vigueur des brevets directement payées à l’OEB vont être divisées “à 5.000 euros sur dix ans contre près de 30.000 à l’heure actuelle”, a indiqué l’OEB, qui publiera le premier lot des nouveaux brevets unitaires le 7 juin.

“Juridiction unifiée du brevet”

Innovation essentielle du système, une “juridiction unifiée du brevet” (JUB) est créée pour régler les litiges et contentieux, sorte de cour européenne des brevets.

Son principe avait été acté en 2012 et 2013 par les pays de l’UE et le Parlement européen. Elle dispose d’un tribunal de première instance siégeant à Paris, avec une section à Munich et des divisions locales dans chaque pays, composées de juges de différentes nationalités.

“La défense sera plus aisée, si vous avez un litige en Italie, il pourra faire jurisprudence dans un autre pays”, s’enthousiasme Laurent Tonnelier, président de Movilead, société spécialisée dans l’authentification et le marquage de produits de grande consommation, qui a obtenu un douzaine de brevets.

“Ce système clairement m’encourage, on aura une meilleure visibilité, des coûts réduits, et les petites sociétés auront plus de moyens pour se défendre contre la contrefaçon”, dit-il à l’AFP.

Il attend surtout beaucoup de la création annoncée de “médiateurs” qui “vont regarder chaque dossier, y compris ceux des PME”. Le centre de médiation et d’arbitrage sera basé à Ljubljana et Lisbonne.

“Quand vous êtes une petite société et que vous estimez qu’on vous copie, c’est très dur de se défendre face à une grosse entreprise qui fait appel à des cabinets prestigieux et des équipes d’avocats dédiées”, explique-t-il.

Bémol cependant, si le système pourrait faciliter la vie de PME, d’inventeurs individuels et de centres de recherche, de grands acteurs -pharmaceutiques notamment- préfèreront rester dans le système européen classique, surtout lorsque leur activité s’appuie sur un seul brevet-clé, admet M. Edson.

“Même si c’est plus cher, certaines entreprises ne veulent pas entrer dans le système pour éviter le risque de voir un brevet annulé dans 17 pays d’un coup lorsqu’un concurrent les attaque devant la JUB” dit-il.

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