Inspiration néerlandaise

Christophe De Caevel Journaliste

Deux cents ans plus tard, nous pourrions réparer l’erreur et rattacher la Flandre aux Pays-Bas. Telle est la thèse, iconoclaste, développée dans les colonnes du Tijd par Peter De Keyzer, ancien chief economist de BNP Paribas Fortis, et Olivier Van Horenbeeck, son associé au sein de la société de consultance Growth Inc. On comprend parfaitement l’attrait que peut dégager un pays qui supplante la Belgique et la Flandre dans la plupart des rankings internationaux.  » Infrastructures, mobilité, stratégie à long terme, politique internationale, nous pouvons beaucoup apprendre des Néerlandais « , écrivent-ils.

On peut sûrement s’inspirer de l’exemple néerlandais sans pour autant être aspiré par lui.

Et pourquoi pas ? Après tout, la large déconfessionnalisation de nos sociétés a rendu caduc le principal différend avancé à l’époque, à savoir l’antagonisme entre les calvinistes et les catholiques. Mais de là à dire que, de part et d’autre, on a envie d’une réunion, il y a de la marge. Flamands et Néerlandais se rejoignent peut-être sur l’utilisation du vélo pour les déplacements quotidiens mais les modes de vie demeurent sensiblement différents, ne serait-ce que sur le plan de l’alimentation. Les Flamands n’aiment peut-être pas toujours Bruxelles mais il n’est pas acquis qu’ils lui préfèreraient La Haye comme capitale. Cela dit, ne nous braquons pas trop sur ces réticences sociologiques ou psychologiques : une campagne bien menée, insistant notamment sur l’intérêt financier des individus à un tel rapprochement, peut faire tomber bien des écueils.

Le plaidoyer de Peter De Keyzer et Olivier Van Horenbeeck ne repose pas sur des proximités historiques ou linguistiques mais sur le fameux adage No taxation without representation. Et plus précisément sur l’hypothèse de la constitution d’un gouvernement fédéral belge qui ne serait pas majoritaire en Flandre et qui lèverait de nouveaux impôts. Quatre-vingts pour cent de ceux-ci seraient payés par des citoyens flamands, alors que leur Région ne serait guère responsable des choix politiques, écrivent-ils. On peut évidemment considérer qu’une coalition fédérale devrait toujours être majoritaire dans chaque communauté même si, jusqu’à présent, personne n’a estimé nécessaire de l’inscrire dans la Constitution. Mais étayer cette thèse en allant jusqu’à prendre en considération la capacité fiscale des électeurs, c’est carrément vouloir revenir au suffrage censitaire. Ceux qui paient plus d’impôts devraient-ils vraiment peser plus que les autres dans la balance électorale ? On croyait que cette question n’avait plus cours en Europe depuis plus d’un siècle…

Cette prise de position illustre l’une des clés du mal belge : chaque communauté se sent dominée par l’autre. Si la Flandre a parfois le sentiment d’être corsetée politiquement (ce n’était pas le cas, loin de là, sous le gouvernement Michel), les francophones estiment, eux, que de trop nombreux postes clés dans l’administration comme dans les grandes entreprises reviennent à leurs compatriotes du Nord. Et pas seulement parce que ces postes exigent à juste titre un bilinguisme toujours trop rare au Sud. Que le modèle belge soit à bout de souffle, que l’absence de partis fédéraux rende le pays de plus en plus difficilement gouvernable, que l’enchevêtrement des compétences entre entités complique la fixation de stratégies à long terme, tout cela est sans doute vrai. Pour infléchir le cours des choses, on peut sûrement s’inspirer de l’exemple néerlandais sans pour autant être aspiré par lui.

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