Prolonger Doel 4 et Tihange 3 sans les arrêter, une énième piste dans la saga du nucléaire ?

Tinne Van der Straeten et Alexander De Croo. © Belga

L’Agence fédérale de Contrôle nucléaire (AFCN), aurait avancé l’idée de prolonger Doel 4 et Tihange 3 sans les arrêter pendant les travaux, afin de garantir la sécurité d’approvisionnement lors des hivers de 2025 à 2027

Comment allons-nous nous chauffer pendant l’hiver 2025 ? Une question qui occupe le débat politique depuis un an et qui a connu un nouveau rebondissement ce week-end. L’Agence fédérale de Contrôle nucléaire (AFCN), aurait en effet relancé la piste de prolonger Doel 4 et Tihange 3 sans les arrêter pendant les travaux. L’idée est survenue au cours d’une réunion organisée le 13 février dernier entre l’AFCN, Engie Electrabel et des membres des cabinets du Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld). Le plan est que les travaux nécessitant la mise à l’arrêt des réacteurs seraient effectués lors des périodes de maintenance et les autres tâches seraient étalées dans le temps, selon un nouveau planning.

Cette option – qui avait au départ la préférence de la ministre de l’Énergie, mais qu’on avait dite abandonnée pour des raisons de sécurité – permettrait d’éviter la (courte) prolongation des trois plus anciens réacteurs que sont Doel 1, Doel 2 et Tihange 1, tout en garantissant l’approvisionnement pour les hivers 2025-2026 et 2026-2027.

Prolonger les vieux réacteurs, un sujet sensible politiquement

Prolonger les plus vieux réacteurs est une option politiquement très sensible chez Ecolo, mais vertement défendue par le MR. La semaine dernière, le président du MR, Georges-Louis Bouchez, a menacé que “le gouvernement ne pourra plus se mettre d’accord sur rien” si les trois centrales les plus anciennes n’étaient pas prolongées.

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Cette nouvelle option, en éloignant la prolongation des plus vieilles centrales, épargnerait donc au gouvernement une nouvelle passe d’armes entre écologistes et libéraux.

Deux partis qui n’ont d’ailleurs pas manqué de réagir dans la foulée. Ainsi les partis écologistes Écolo et Groen ont salué dès samedi ce “signal” de l’AFCN. “Garantir tant l’approvisionnement que la sécurité est central pour nous”, a réagi le co-président d’Écolo Jean-Marc Nollet. “Aucune concession ne peut être faite quant à la sécurité et la sûreté nucléaire. Chaque piste doit répondre à ces deux éléments et chaque piste doit être examinée sur ces deux aspects, et pour nous c’est évident qu’on le fait maintenant aussi pour cette piste.” Une opinion que partage également le co-président de Groen Jeremie Vaneeckhout.

Le MR s’est montré lui nettement plus circonspect dans Le Soir. «On veut des certitudes techniques, car dans tous les échanges qu’on a eus avec l’AFCN, ils nous ont dit que les opérations à mener impliquaient l’arrêt des réacteurs. La gestion de ce dossier devient n’importe quoi. On parle de pistes de travail, mais plus on attend, plus cela devient compliqué de les mettre en œuvre » (…) « Le dossier ne sera pas clos tant qu’on n’aura pas les garanties techniques sur la sécurité d’approvisionnement. »

Un énième rebondissement

Cette nouvelle passe d’armes n’est que la dernière d’une longue série. Cela fait plusieurs mois que le dossier empoisonne la Vivaldi.

L’été dernier, le gouvernement De Croo avait pourtant déjà conclu un accord de principe avec Engie pour maintenir ouvertes pendant dix ans de plus les centrales nucléaires de Doel 4 et Tihange 3. Mais celles-ci ne pourront être prolongées que si elles sont modernisées. Elles devraient donc être fermées à l’été 2025 et leur redémarrage interviendra peut-être un peu trop tard pour l’hiver 2026. Ce qui a fait dire à Elia que les hivers 2025-2026 et 2026-2027 pourraient connaître un problème d’approvisionnement. Une crainte qui n’a rien de la science-fiction lorsqu’on sait que nos centrales sont au bord de la retraite et que les centrales françaises qui assurent notre matelas énergétique en cas de souci connaissent des pannes à répétition.

Depuis, pour éviter tout risque, une alternative est cherchée en toute urgence.

Une première piste est sortie du chapeau début février, lorsque le gouvernement a décidé d’étudier une prolongation de la durée de vie de Doel 1, Doel 2 et Tihange 2, les trois plus anciennes centrales nucléaires du pays. Celles-ci ne répondant plus aux normes de sécurité actuelles devraient fermer en 2025. Sauf que certains, Ecolo en tête, avaient dès lors proposé d'”étirer” la durée de vie des centrales plus jeunes, Doel 4 et Tihange 3, en les faisant fonctionner un peu moins en été. Une proposition qui est, comme celle annoncée ce week-end, encore à l’étude. On s’attend à ce que le gouvernement tranche dans le courant du mois de mars.

Un détail qui a son importance : il faut encore convaincre Engie

On l’oublie parfois un peu vite, mais au-delà des bisbilles politiques, il y a surtout la question de la faisabilité qui se pose. La balle va de toute façon finir dans le camp d’Engie qui devrait lister les études et travaux nécessaires pour mener à bien cette prolongation et présenter un rapport à l’AFCN.

Pour l’instant, Engie et le gouvernement De Croo sont encore en pleines négociations sur une prolongation de la durée de vie de Doel 4 et Tihange 3. Or cette prolongation n’a déjà rien d’une évidence. A cela il faut aussi ajouter la maintenance des autres centrales en fonctionnement permanent. Cette nouvelle piste n’enthousiasme donc guère Engie. Elle a même de gros doutes si l’on croit son porte-parole, Olivier Desclée. “Pour l’instant, nous n’avons pas encore reçu de demande officielle du gouvernement pour explorer cette voie. Mais nous pouvons d’ores et déjà dire que cette voie ne nous semble pas possible dans le cadre actuel”.

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