Alexander De Croo : « Je suis un optimiste du climat »

Alexander De Croo © belga
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le Premier ministre s’est défendu face à une volée de questions à la Chambre, après avoir demandé une « pause ». Il insiste sur la croissance pour réaliser l’ambition climatique et demande un débat serein sur la protection de la nature, impliquant les entités fédérées.

Après ses déclarations au sujet d’une « pause » pour les normes environnementales concernant la protection de la nature, le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), est sous le feu des critiques. Y compris, et surtout, au sein de son gouvernement, de la part des écologistes et des socialistes. Il répondait aux questions de la Chambre, ce jeudi après-midi, dans un climat fiévreux.

Alexander De Croo a insisté dans sa réponse sur le fait qu’il était un « optimiste du climat », que les objectifs seraient rencontrés avec l’innovation et les investissements, que les législations en cours de discussions – dont celle sur la protection de la nature – méritaient que l’on prenne le temps du débat. Mais, a-t-il, précisé, il sera le « garant » de l’ambition fédérale. Pas forcément convaincus, les écologistes se sont toutefois félicités que cette sortie du Premier ministre « a remis le climat au centre des débats ».

« Y’a-t-il encore un Premier ? »

 « Y’a-t-il encore un Premier ministre De Croo ?, interroge Peter De Roover, chef de groupe N-VA, en guise de préambule. Un an, c’est encore long. Soit vous êtes candidat et il vaut mieux tirer la prise. Soit vous êtes Premier ministre, mais un Premier ministre doit faire preuve d’autorité et vous n’en avez plus. »

« Bien sûr, il y a le fait que vous déclarations soient attaquées par des partis de la majorité, prolonge François De Smet (DéFI). Mais c’est le modus vivendi de la Vivaldi. Je me concentrerai sur le fond. » La défense de l’environnement ne concerne pas que la diminution des émissions de CO2, mais tout est lié, insiste-t-il. « Que nous le voulions ou non, nous sortons du dogme de la croissance infinie. Le job principal de notre génération politique, c’est de voir comment encaisser le choc. Sur cette séquence, c’est vous qui avez tort : on ne peut pas faire pause. »

Gilles Vanden Burre (Ecolo) réaffirme l’incompréhension des verts : « Feux de forêt, inondations, variations extrêmes de température… : les conséquences directes du changement climatique se multiplient en direct. 785 000 hectares ravagés en 2022. Un million d’espèces menacées d’extinction. Il en va de l’avenir même de l’espèce humaine. Et vous, monsieur De Croo, vous nous dites qu’il faut faire une pause ? Franchement, c’est incompréhensible. Pour nous, écologistes, c’est irresponsable. Je peux comprendre que ce soit une déclaration du militant libéral. Mais qu’en pense le Premier ministre ? »

Maxime Prévot (Engagés), regrette que l’ambition climatique initiale de la Vivaldi soit rangée au placard. « En une phrase, vous avez tout ruiné. Entendre le Premier ministre dire que l’on peut tirer le frein à main, cela a de l’impact. » Le Premier ministre a-t-il relayé la position de son gouvernement ou seulement la sienne ? »

« Que vous soyez de droite ou de gauche, le dérèglement climatique nous touche tous de la même manière, appuie Mélissa Hanus (PS). Tous les signaux sont au rouge. Tous les scientifiques crient l’urgence de plus en plus fort. M. De Croo, vous avez tenu des propos incompréhensibles à Berlin. Ce gouvernement a une ambition climatique et c’est celle que vous devez défendre. Il faut redoubler d’effort. Nous avons besoin d’une accélération. Ce n’est pas une position politique, mais une réalité scientifique. Entendez-vous revenir sur vos déclarations ? »

Cela tangue dans la majorité.

Le CD&V au secours du Premier

Finalement, seuls l’Open VLD, le CD&V et… l’indépendant Jean-Marie Dedecker volent réellement à son secours.  « Vous avez vu la lumière et vous êtes pendu en place publique, dit Jean-Marie Dedecker. Ici, vous avez raison. »

Leen Dierick (CD&V) défend fortement le Premier ministre en mettant en avant l’impact énorme de ces législations sur la Flandre et en se félicitant… qu’il rejoigne le point de vue de son parti, qui a été en pointe dans la crise de l’azote au sein du gouvernemement flamand « Cette loi européenne va toucher tout le monde et engendrer des pertes de bien-être. Ce n’est pas ce que nous voulons. Nous sommes le premier parti à s’être opposé à cette législation. Enfin, cela percole dans d’autres partis flamands. Cette loi doit être renvoyée à la table de négociation.”

Jasper Pillen (Open VLD) enchaîne : « Pour nous libéraux, il faut exécuter les législations déjà ambitieuses : réduire le CO2 ; investir dans le renouvelable, transformer notre industrie. Pour nous, il ne faut pas la décroissance, ce Graal encensé ici et là. Il ne faut pas non plus charger la barque. Sans la croissance, on ne sauvera pas le climat, pire, on risque de perdre notre bien-être. »

Marie-Christine Marghem (MR) est dans le même registre : « Vous êtes pour des déclarations qui ont du sens et qui prennent corps dans la réalité, c’est une bonne chose. Mais il serait important d’expliquer ce que vous avez entendu par le mot ‘pause’. »

C’est Wouter De Vriendt (Groen) qui clôture les questions en rajoutant une couche irritée: « Qu’est-ce qui vous a pris ? Pourquoi faire une pause ? Nous avons besoin d’un leader. Climat et nature ont besoin de davantage de soutien politique, et pas moins. Où est passée votre ambition ? »

De Croo: “Garant de l’ambition”

« C’est un débat important, qui dépasse les compétences fédérales, rétorque Alexander De Croo. Le sujet est important. Nous avons ici un débat existentiel : comment survivre et comment préparer notre société ? Nous avons une mission : arrive à la neutralité carbone en 2050.”

Je dois confesser que je suis un optimiste du point de vue climat, souligne le Premier ministre. Je pense qu’on peut le faire avec plus d’innovation, plus d’investissements. On le fera ensemble avec notre économie, avec les grandes industriels. Si on perd le momentum, on n’y arrivera jamais. Que voit-on aujourd’hui ? La plupart des citoyens sont disposés à faire ces efforts en sachant que ce ne sera pas aisé. Comment organiser cela ? Telle est ma mission, en effet. »

Bien des législations se préparent. Et le Premier ministre demande un débat serein. « Quand on sait ce qui se pépare, il faut veiller à ce que cela ne se téléscope pas. La loi de la protection de la nature suscite des questions. Pourra-t-on encore construire ? Installer des éoliennes ? Les gouvernements des entités fédérées se posent des questions. Nous sommes d’accord sur le principe, mais nous devons connaître l’impact de certaines mesures. Ce débat-là, il faudra l’avoir. Je constate que ces questions se posent en France ou dans les pays scandinaves. Ce ne sont pas des climato-sceptiques. »

Et Alexander De Croo de poursuivre: « Je vais poursuivre comme je l’ai fait ces derniers mois en écoutant, en interpellant mes collègues européens pour voir comment organiser cela. En ayant les contacts avec l’industrie, aussi. Pour gagner ce combat climatique, ce pays sera un précurseur. Il ne restera pas les bras ballants. Ce sera un leader, mais aussi grâce à nos industries, nos PME et nos citoyens qui seront convaincus de le faire. Telle est l’ambition fédérale et je m’en porte garant.»

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