Des économies à reconstruire

EN ARGENTINE, manifestation " pour la liberté, la justice et la Constitution "', le 9 novembre 2020. © GETTY IMAGES

Exposés à une triple crise, sanitaire, économique et politique, de nombreux pays d’Amérique latine pourraient voir arriver au pouvoir des partis populistes.

Pour les dirigeants d’Amérique latine, l’année 2021 consistera à piloter la reprise économique tout en évitant une crise de la dette et en essayant de convaincre leurs citoyens que la démocratie vaut encore le coup. Quelles sont les perspectives de la région?

Le Covid-19 ayant fait des ravages dans la population malgré de longues périodes de confinement, de nombreux pays pourraient bénéficier d’un certain degré d’immunité collective. Mais les conséquences socioéconomiques de la pandémie vont persister: après une contraction des économies d’environ 8% en 2020, l’Amérique latine devrait compter quelque 40 millions de ” nouveaux pauvres ” en 2021, soit au moins une personne sur trois qui vivra dans la pauvreté.

L’exaspération des populations se manifestera dans la rue (en particulier en Argentine et en Colombie) et dans les urnes, avec un risque de victoire électorale pour les candidats populistes. L’armée pourrait être amenée à jouer un rôle plus important pour maintenir l’ordre et soutenir les gouvernements, même si beaucoup y seront réticents. Malgré cela, la démocratie, prédominante dans la région depuis les années 1980, pourrait disparaître dans certains pays. A ce titre, il faut se méfier du président autoritaire du Salvador, Nayib Bukele.

Dégâts importants au Mexique

En 2021, la plupart des pays auront du mal à récupérer plus de la moitié de leur production perdue. La reprise économique sera tirée vers le haut par le Brésil et d’autres pays d’Amérique du Sud. Les dégâts seront plus importants au Mexique, où les investisseurs se méfient du président, Andrés Manuel López Obrador. Avec une dette publique qui devrait dépasser les 80% du PIB en début d’année, l’Amérique latine fera pression sur le Fonds monétaire international pour obtenir un geste de sa part. Sans cela, la région sera confrontée à une austérité budgétaire écrasante ou à une crise de la dette, ou les deux.

Les élections présidentielles en Equateur (en février), au Pérou (en avril) et au Chili (en novembre) pourraient voir la victoire des populistes, mais les conservateurs ont aussi leurs chances. En Equateur, Rafael Correa, un populiste de gauche au pouvoir de 2007 à 2017, ne peut se représenter parce qu’il a été condamné par contumace pour corruption. Il place ses espoirs de retour dans son candidat par procuration, Andrés Arauz, un jeune économiste. Mais ce dernier devra se méfier de Guillermo Lasso, un banquier conservateur, et de Yaku Pérez, un leader indigène. Tout peut arriver au Pérou, où le scrutin pourrait se solder par le triomphe d’un nouvel arrivant en politique.

L’Amérique latine devrait compter quelque 40 millions de “nouveaux pauvres” en 2021, soit au moins une personne sur trois qui vivra dans la pauvreté.

Au Chili, qui était un bastion de stabilité capitaliste avant d’être ébranlé par des manifestations en 2019, l’élection se déroulera parallèlement à la rédaction d’une nouvelle Constitution, qui devrait donner un rôle plus important à l’Etat dans les domaines de la santé, de l’éducation et des retraites. La gauche va se battre bec et ongles pour la présidence, mais elle pourrait perdre contre Joaquín Lavín, un conservateur à tendance populiste.

La fin des dernières dictature de gauche?

Les élections législatives de mi-mandat en Argentine (en octobre) et au Mexique (en juin) auront valeur de test pour la présidence d’Alberto Fernández, un péroniste modéré, et celle de López Obrador.

Les dernières dictatures de gauche en Amérique latine vont-elles enfin disparaître? A Cuba, la dynastie des Castro prendra officiellement fin après plus de 60 ans. Lors d’un congrès du Parti communiste en avril, Raúl Castro (89 ans) quittera son poste de premier secrétaire, après avoir cédé la présidence du pays en 2019 à Miguel Díaz-Canel, un jeune bureaucrate du parti. Reste à voir si Díaz-Canel prendra aussi la tête du parti ou s’il en partagera la direction et si l’aile stalinienne ou réformiste du parti sera majoritaire dans le nouveau Politburo. Mais les Castro n’ont pas dit leur dernier mot, puisque le fils de Raúl, Alejandro, dirige les services de renseignements du pays.

Le dictateur du Nicaragua, Daniel Ortega, profitera d’une élection en novembre pour inaugurer sa dynastie et cherchera à faire de son excentrique épouse, Rosario Murillo, son successeur à la présidence. Fraude électorale garantie, tout comme une nouvelle vague de protestations.

Le conflit politique au Venezuela entrera dans une nouvelle phase en 2021. Le mandat de Juan Guaidó, le président de l’opposition de l’Assemblée nationale reconnu comme président par intérim par près de 60 pays, se termine en janvier. Nicolás Maduro, le dictateur du pays, a divisé l’opposition. Mais il n’a plus d’argent, en partie à cause des sanctions américaines. N’ayant pas réussi à évincer Maduro, les Etats-Unis pourraient négocier avec lui un retour à la démocratie. Les Etats-Unis doivent accueillir le neuvième sommet des Amériques, auquel participeront tous les pays de l’hémisphère, en 2021. Le Venezuela sera la priorité de ce sommet.

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