De belles promesses d’investissements

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Donald Trump a ramené les investissements dans les infrastructures à l’avant-plan. En Europe et en Belgique aussi, une prise de conscience s’opère quant à la nécessité d’investir afin d’éviter de voir nos tunnels s’effondrer et nos ponts interdits d’accès.

Pendant la campagne présidentielle, Donald Trump a promis d’investir 1.000 milliards de dollars dans les infrastructures une fois élu. “Il va d’abord falloir attendre de voir si le projet passe au Congrès, déclare Philippe Gijsels, responsable stratégie chez BNP Paribas Fortis. Barack Obama s’était retrouvé pieds et poings liés par les représentants républicains qui surveillent scrupuleusement le plafond de la dette américaine.” Philippe Gijsels s’interroge : “si c’est tellement évident”, pourquoi les Etats-Unis n’ont-ils pas investi plus tôt dans les infrastructures ? Les travaux à réaliser sont connus depuis longtemps. Songez aux canalisations d’eau en bois à New York, qui fuitent de tous côtés.

C’est la première fois depuis 1982 que les républicains ont la mainmise à la fois sur la Maison-Blanche, la Chambre des représentants et le Sénat. Mais toute la question est de savoir dans quelle mesure Donald Trump pourra mettre à exécution ses plans d’investissement.

Prochaine étape

Pour Philippe Gijsels, ces dépenses publiques apparaissent comme “une suite logique”. “Cela fait un petit temps que les banques centrales clament leur impuissance et demandent aux politiques de prendre leurs responsabilités”, fait remarquer le stratégiste. La politique d’argent facile des banques centrales a en effet permis aux autorités de gagner du temps pour redresser leurs finances et mener les réformes économiques nécessaires, bien que les effets de ces dernières semblent encore parfois se faire attendre.

Le plan Juncker destiné à stimuler les investissements en Europe est certes un peu plus modeste que le plan envisagé par Donald Trump, mais il n’est pas moins impressionnant pour autant. L’Union européenne compte en effet investir 500 milliards d’euros à l’horizon 2020. “Jean-Claude Juncker a été élu au poste de président de la Commission européenne il y a deux ans en raison de son plan d’investissement. On commence à en voir les fruits. La Commission a d’ailleurs expliqué dans une récente présentation où étaient partis, par pays, les 138 milliards d’euros qui ont déjà été investis”, souligne Vincent Juvyns, stratège chez JP Morgan Asset Management. Cet argent a principalement été investi dans des infrastructures durables, innovantes.

Il semblerait aussi que de plus en plus d’Etats membres mettront la main à la poche. La chancelière allemande Angela Merkel a ainsi récemment déclaré que l’Allemagne s’engageait à investir davantage dans les routes, le réseau ferroviaire, la large bande et l’enseignement en 2017, et ce sans contracter de nouvelles dettes. La revue The Economist et d’autres faiseurs d’opinion suppliaient Angela Merkel déjà il y a deux ans d’investir afin de sortir l’économie européenne de l’ornière.

Esprits politiques

“Investir dans les infrastructures, c’est investir dans la croissance potentielle à long terme, estime Luc Aben, économiste en chef chez Van Lanschot Bankiers. Ces investissements renforcent l’efficience et la productivité. Une politique budgétaire plus axée sur la croissance et moins sur les économies aurait pour effet de doper les investissements. Et les politiques européennes semblent progressivement emprunter cette direction. Il faut dire que le Brexit a servi de signal d’alarme, mettant en évidence la nécessité d’une riposte politique en Europe face aux courants populistes.” Toujours selon Luc Aben, la croissance spectaculaire de la démographie mondiale et l’urbanisation exigent des investissements massifs dans les infrastructures un peu partout dans le monde.

Patrick Moonen, de NN Investment Partners, voit quant à lui l’intérêt des investisseurs basculer des entreprises défensives offrant un dividende relativement prévisible vers des entreprises cycliques. Selon lui, cette tendance devrait se poursuivre sous l’impulsion de données macro-économiques plus positives, de l’augmentation des taux, de la hausse des prix des matières premières et du retour à un meilleur équilibre entre politiques monétaire et budgétaire, ce qui ne peut que créer un environnement propice à investir dans les infrastructures.

PISTES D’INVESTISSEMENT

Les petits investisseurs auront difficilement l’occasion d’exploiter le thème des infrastructures par le biais de fonds de placement, étant donné que la plupart de ces fonds spécialisés exigent des tickets d’entrée conséquents, ce qui en fait l’apanage des grands investisseurs. Cependant, TINC offre une alternative sur la Bourse de Bruxelles. Il s’agit du seul fonds d’infrastructures coté en Bourse en Europe continentale.

Ce fonds investit principalement en Belgique et dans les pays limitrophes. Ces dernières semaines, il a levé presque autant de capital que lors de son introduction en Bourse. Cet argent servira notamment à racheter la moitié des participations dans l’écluse Prinses Beatrix à TDP (auparavant DG Infra), une co-entreprise de Gimv et Belfius. Cette écluse, qui constitue un maillon essentiel d’une importante route de navigation aux Pays-Bas, est en réalité un projet de partenariat public-privé (PPP).

Dans un PPP, des partenaires privés concluent un accord avec les autorités, au terme duquel les partenaires privés construisent, financent et entretiennent l’infrastructure concernée en lieu et place desdites autorités. En échange, ces dernières s’engagent à rétribuer les partenaires privés tout au long de la durée de vie de l’infrastructure pour pouvoir l’utiliser. “Les autorités belges n’ont plus pris de nouvelles initiatives en matière de PPP depuis un an et demi en raison de l’impact incertain qu’un tel partenariat aurait sur le budget ou la dette, et donc sur le respect des normes européennes”, explique Bruno Laforce, membre du comité de direction du fonds d’infrastructures TINC.

“Les raisons qui poussent à favoriser un PPP sont multiples, poursuit-il. Si on avait par exemple construit les tunnels bruxellois dans le cadre d’un PPP, les partenaires privés auraient eu l’obligation de les entretenir et ils ne menaceraient pas aujourd’hui de s’écrouler. Les PPP sont très fréquents chez nos voisins, et souvent pour d’autres motifs que des raisons budgétaires. Des voix s’élèvent pour permettre de déroger aux normes européennes pour des travaux d’infrastructures. Ce serait une bonne chose et l’économie ne pourrait que s’en porter mieux.”

FABRICANTS DE MACHINES-OUTILS ET ENTREPRISES DE CONSTRUCTION

La construction de l’écluse Prinses Beatrix a impliqué plusieurs entreprises : les belges Besix et Jan De Nul, non cotées en Bourse, ainsi que la néerlandaise Heijmans cotée en Bourse. Ce partenariat illustre dans quels secteurs évoluent principalement ces entreprises qui profitent d’investissements d’infrastructures supplémentaires : la construction et le dragage. Par le biais de CFE, et dans une moindre mesure de la société d’investissement AvH, vous pouvez par exemple investir dans DEME, le grand concurrent de Jan De Nul. Les deux groupes de construction français Eiffage et Vinci sont eux aussi très présents dans les grands projets d’infrastructures européens. Luc Aben cite d’autres noms encore comme Schneider (gestion de l’énergie), Atlantia (autoroutes italiennes) ou Aena (aéroports espagnols).

Toutefois, investir dans des constructeurs d’ouvrages d’infrastructures n’est pas sans risque. La société de construction néerlandaise Heijmans, par exemple, doit faire face depuis un moment déjà à une situation difficile en raison de problèmes liés à sa division infrastructures.

Les entreprises européennes ont elles aussi le droit de construire des ouvrages d’infrastructures aux Etats-Unis. “Il n’y a pas si longtemps, on a pu lire dans la presse que la société française Alstom avait obtenu le droit de construire les TGV qui assureront la liaison Washington-Boston”, se rappelle Vincent Juvyns. La vraie question consiste à savoir à quel point le repli protectionniste auquel on assiste aujourd’hui aux Etats-Unis mettra des bâtons dans les roues des entreprises européennes pour la construction de ponts par exemple.

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