Ces avions qui volent à la graisse de cochon

cochon volant avion
© Getty

Pour améliorer leur empreinte carbone, certaines compagnies aériennes misent sur le carburant durable. Soit un carburant fabriqué, dans certains cas, en partie à basse de graisse de cochon. Avec pour effet corolaire l’explosion de la demande de graisse animale et un effet pervers pour l’environnement.

Les graisses animales servent de plus en plus comme biocarburant. Ces SAF (sustainable aviation fuels, carburant durable), sont des carburants dont le bilan CO2 est plus favorable que le kérosène. Ils sont fabriqués à base de déchets animaux, d’huile de cuisson, de végétaux. Actuellement les carburants SAF, utilisés en dilution dans le kérosène, coûtent au moins 3 fois plus cher que le kérosène et représentent moins d’1% du total des carburants consommés. Ce qui n’empêche pas qu’ils aient le vent en poupe.

L’utilisation en hausse de carburant SAF est poussée par des obligations européennes, qui imposent un taux minimum, et la volonté des compagnies de montrer leur souci de réduire leurs émissions. Ryanair, par exemple, ravitaille depuis le 1er avril tous ses avions à l’aéroport de Schiphol avec un mélange composé à 60 % de carburant fossile et 40 % de bio kérosène. Et d’ici sept ans, un vol de Ryanair sur huit utiliserait du biocarburant.

Un impact sur la demande de graisse animale

Si les SAF peuvent également être fabriqués à partir d’huile de friture usagée, de déchets de poisson et de déchets issus de la production d’huile végétale, ces déchets ne suffisent pas à répondre aux besoins. Une solution pourrait être le maïs, autre ingrédient possible pour les SAF. Sauf que l’Europe n’est pas favorable à ce qu’il serve comme carburant alors qu’il est comestible. On évoque aussi des biocarburants de deuxième génération, soit à base de résidus agricoles comme la paille, et même de troisième génération comme les microalgues. Sauf que ceux-ci sont encore à leur prémices et loin de pouvoir être utilisé à grande échelle.

Reste donc la piste de la graisse animale qui s’est peu à peu muée en matière première de plus en plus convoitée pour la fabrication de ces SAF. Au point que, même si l’utilisation de ces carburants est encore loin d’être généralisée, ils ont déjà un impact sur la demande de cette matière animale.

8.800 porcs pour un vol Paris New York

Ainsi, selon les calculs de l’ONG Transport & Environment, pour assurer un vol Paris- New York, il faudrait la graisse de 8 800 porcs. L’ONG estime aussi que la quantité de graisse animale devra tripler d’ici à 2030 pour répondre aux ambitions climatiques de l’aviation. La demande de graisse de haute qualité a déjà augmenté de 88 % entre 2018 et 2020, toujours selon l’ONG.

Une graisse qui était jusque-là utilisée principalement pour le secteur cosmétique et les aliments pour animaux (surtout les chiens). Ce qui fait craindre à ces secteurs une pénurie. Des secteurs qui risquent donc de se tourner vers les graisses végétales moins durables comme l’huile de palme. Ce qui a son tour va augmenter la surface des terres agricoles, voire entraîner une déforestation. Avec pour conséquence que, dans le pire des cas, ces SAF n’auraient plus rien de durable. “Dans un scénario extrême, où l’huile de palme vierge remplacerait les graisses animales dans l’industrie oléochimique (savons, cosmétiques), les émissions de CO2 des biocarburants à base de graisses animales pourraient être presque deux fois plus néfastes pour le climat que le diesel conventionnel” précise encore l’ONG.

Pour éviter l’effet boule de neige, Transport & Environment milite pour que l’on impose un plafond l’utilisation des graisses animales dans ces carburants durables. Une préoccupation que partagerait l’industrie aéronautique. Ainsi Laurent Donceel, directeur d’Airlines For Europe, précise dans De Standaard que « les SAF doivent être véritablement durables, et nous ne voulons pas faire de compromis sur ce point”. 

D’autres pistes

On notera qu’il existe également d’autres pistes pour rendre les avions plus écoresponsables. Par exemple les carburants dits synthétiques (e-fuels) fabriqués à base d’hydrogène vert. Cette technologie de l’hydrogène vert, si elle est encore loin d’être parfaite pourrait être compétitive pour les vols moyens courriers pour peu que l’on taxe le kérosène selon une autre étude de Transport & Environment. L’engouement pour l’hydrogène vert a gagné en vigueur ces derniers mois. Au point que dans son scénario “net zéro”, l’Agence internationale de l’énergie prévoit que la demande sera multipliée par six d’ici à 2050.

Mais cette nouvelle technologie a encore de nombreux désavantages. Ainsi elle va nécessiter le développement de nouveaux appareils et de nouvelles structures de stockage. Un tel déploiement s’élèverait pour l’aviation intraeuropéenne à un investissement de 299 milliards d’euros d’ici 2050. L’hydrogène vert affiche également une perte énergétique énorme lors de sa transformation(+-75%) et coûte six à huit fois plus cher que le kérosène. Ensuite, si ces avions polluent moins, ils émettent d’autres polluants comme les oxydes d’azote. Autant de bémols qui tempèrent les enthousiasmes.

D’autant plus qu’on ne doit pas oublier qu’il existe une manière très simple et gratuite de réduire les émissions des avions rapidement. Il suffit simplement de moins voler.

Bientôt un quota de voyage en avion par habitant ?

Certains songent à une limitation du nombre de vols par personne. Ainsi Jean-Marc Jancovici, un ingénieur français, plaide pour un maximum de 4 vols par personne dans une vie. En Belgique, l’Écolo et ministre wallon du Climat, Philippe Henry a suggéré sur LN24 ce mercredi que l’idée d’une limitation n’était pas complètement incongrue puisqu’il « est clair que l’on doit diminuer notre consommation de voyages en avion ». Prudent, il précise tout de même que la question est «complexe» et que «le débat n’est pas mûr pour des propositions aussi radicales”. Et d’ajouter dans la foulée que “si on fait en sorte que prendre le train soit moins cher que l’avion et qu’il y a une offre suffisante, on va déjà diminuer la quantité de gens qui prennent l’avion”. Certes. Mais on est encore loin du compte.

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