Taux négatifs: les épargnants allemands se préparent à passer à la caisse

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Face à une politique monétaire qui rogne leurs marges, quelques petites banques allemandes ont décidé de taxer les dépôts de leurs clients, une pratique controversée qui ne devrait pas se généraliser mais préfigure sans doute une hausse des frais bancaires.

Une petite banque coopérative bavaroise, la Raiffeisen Gmund, a fait parler d’elle en annonçant la semaine dernière l’instauration de taux d’intérêt négatifs sur les dépôts de plus de 100.000 euros de ses clients privés.

Comme d’autres avant lui, pas seulement en Allemagne d’ailleurs, l’établissement bancaire a ainsi choisi de répercuter les coûts de la politique de taux bas qui a cours dans toute l’Europe. Mais jusqu’à maintenant, que ce soit chez Commerzbank, dans certaines caisses d’épargne allemandes ou encore chez la banque danoise Danske Bank, la pratique était réservée aux comptes des clients professionnels, investisseurs ou entreprises. Et concernait les très très gros dépôts.

Pour la plupart des banques, les clients privés restent tabous. C’est le cas chez Danske Bank par exemple.

Et en Allemagne, Christian Sewing, membre du directoire de Deutsche Bank, l’a martelé mercredi dans un entretien avec le tabloïd allemand Bild : la première banque du pays ne taxera pas les dépôts de ses clients privés.

“Concurrence trop importante”

Hans-Walter Peters, président de la fédération BdB des banques privées allemandes, ne croit pas en une répercussion généralisée des taux négatifs sur les dépôts des épargnants allemands.

“La concurrence entre les banques et les caisses d’épargne est bien trop importante en Allemagne”, a-t-il expliqué en début de semaine au Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ).

Parmi les moyens alternatifs à la disposition des banques pour maintenir leurs finances à flot se profile en revanche de plus en plus nettement une hausse des frais bancaires – frais de tenue de compte et facturation de différents services.

“Un compte bancaire est un service, qui a un coût”, fait remarquer M. Sewing.

En Allemagne, et c’est une spécificité de ce pays, “60% des bénéfices (des banques) proviennent des produits des intérêts”, rappelle M. Peters, de la fédération. Leur repli, sous l’effet des taux négatifs de la BCE, contribuera à “peser massivement sur les banques dans les prochaines années”, les forçant à chercher d’autres sources de financement.

Pour doper l’octroi de crédits, et par ricochet l’activité et les prix dans la zone euro, la BCE pratique un taux négatif de 0,40% sur les dépôts bancaires. Elle fait ainsi payer les établissements qui lui confient de l’argent au jour le jour: pour 100 euros placés électroniquement dans ses coffres, l’institut de Francfort impose ainsi une taxe de 40 centimes. La BCE espère que les banques seront ainsi incitées à faire circuler l’argent dans le circuit économique, plutôt que de le stocker.

Coffres-forts

Elle avait rendu négatif ce “taux de dépôt marginal”en juin 2014 pour la première fois de son histoire et l’a ensuite abaissé à plusieurs reprises, jusqu’à le fixer en mars au niveau actuel.

Dans plusieurs pays en dehors de la zone euro, dont le Danemark et la Suisse, les taux négatifs sont aussi de rigueur.

Pour échapper à cette taxe sur les dépôts, certaines banques et assureurs européens sont même tentés de stocker leurs liquidités, sous forme de billets de banque. Le réassureur allemand Munich Re avait reconnu en mars dernier “tester” le stockage d’argent liquide et d’or et les caisses d’épargne allemande mènent aussi des réflexions en ce sens.

Cela pourrait valoir le coup pour les intéressés si le coût de ce stockage, notamment les frais d’assurance, était moins élevé que la pénalité infligée par la BCE.

Mais, “à la longue, nous ne pouvons pas garder l’argent dans notre coffre-fort”, reconnaissait en mai dernier le président des caisses d’épargne bavaroises, Ulrich Netzer, dans le Spiegel.

Tous les jours, ce sont plusieurs centaines de milliards d’euros qui sont déposés par les banques de la zone euro dans les coffres de la BCE, 353 milliards entre mardi et mercredi, par exemple.

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