Taux du livret : la BNB déconseille de légiférer pour fixer un taux minimum

© belga
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

La BNB indique qu’il faut faire attention à la fois à préserver la rentabilité des banques, mais aussi à ne pas pousser les épargnants à vider leur livret pour aller ailleurs.

La semaine dernière, le gouvernement a décidé de demander à la Banque nationale de Belgique (BNB) son avis sur l’opportunité de légiférer pour obliger les banques à remonter le taux du livret.

La Banque a remis son avis au gouvernement et il est négatif : elle déconseille de promulguer une loi visant à augmenter les taux d’intérêt des comptes d’épargne. Pour la BNB, une hausse brutale du taux du livret entraînerait de lourdes pertes pour certaines banques. La proposition de Vooruit, visant par exemple à imposer un taux minimum (taux de base et prime de fidélité) de 1,55%, coûterait, sur une masse de dépôts réglementés de 300 milliards,  4,5 milliards d’euros aux banques, soit 60% des bénéfices qu’elles ont engrangé en 2022 (lesquels s’élevaient à 7,6 milliards).

La Banque nationale privilégie une augmentation progressive. Cette progressivité conseillée par la BNB s’explique par le fait qu’augmenter les taux sur le livret  a un impact immédiat sur l’ensemble de l’encours des dépôts dans cet instruments, tandis que du côté des revenus, un taux d’intérêt plus élevé n’est appliqué qu’aux nouveaux crédits. Mais parallèlement, les banques doivent veiller à ce que les épargnants ne les fuyent pas.

Ce mercredi, en marge de la présentation du rapport sur la stabilité financière, le vice-gouverneur de la BNB, Steven Vanackere, avait d’ailleurs expliqué pourquoi il convenait d’être prudent.

Date de péremption

« Un certain nombre d’arguments ont été lancés pour dire de faire attention à la rentabilité du secteur », rappelle-t-il.  Les banques ont en effet souligné qu’elles avaient un large portefeuille d’anciens crédits, octroyés quand les taux étaient peu élevés, et qui leur rapportent donc moins que les nouveaux crédits.

« Si cette rentabilité est menacée, cela peut mettre en péril la stabilité financière. Et c’est un argument qui mérite d’être pris en considération », poursuit le vice-gouverneur de la BNB qui rappelle aussi que par le passé, les banques ont mieux rémunéré le livret que ce à quoi les conditions de marché les incitaient. «  Pendant toute une période de taux d’intérêt négatifs, le secteur bancaire a dû travailler avec un taux minimum garanti aux clients, dit-il. Mais en même temps, un des grands atouts du secteur bancaire belge est la stabilité du financement : les Belges sont assez fidèles à leur banque. Et cette stabilité pourrait être mise en péril le jour où ces citoyens auraient l’impression que ce n’est pas la meilleure idée de mettre leur épargne sur un compte réglementé parce que sa rémunération ne serait pas suffisante ».  Ces dépôts pourraient donc aller se réfugier dans des banques étrangères ou d’autres instruments d’épargne.

Steven Vanackere souligne que cette opinion n’est pas nouvelle : « Je ne fais que répéter ce que le gouverneur Pierre Wunsch a dit il y a deux mois: nous comprenons que la hausse des taux de la BCE mette un certain temps à percoler, puisqu’il y a une série d’anciens actifs qui continuent à procurer des rémunérations moins élevées. Mais si cela prend trop de temps, il faudra en analyser les causes ».  Cet argument des banques pour ne pas bouger les taux du livret a « une date de péremption », ajoute-t-il.

Une banque n’est pas l’autre

Quant à la nécessité de légiférer, Steven Vanackere ne se prononce pas explicitement. Il rappelle toutefois que « le secteur est hétérogène. La carte d’identité des banques est très différente.  Traiter le secteur comme une seule entité est donc erroné. »

Il a aussi commenté la position de certains économistes, tel Paul De Grauwe, qui estiment que les banques ont les moyens de rémunérer davantage les dépôts parce qu’elles bénéficient aujourd’hui d’un « cadeau » de la BCE. La BCE a en effet remonté ses taux et elle paie désormais un taux de 3,25% aux banques qui mettent en dépôt chez elle leurs liquidités excédentaires. Les banques belges ont ainsi déposé un peu moins de  260 milliards d’euros auprès de cette facilité de dépôt. Si rien ne bouge, cet argent, rémunéré aujourd’hui à 3,25%, pourrait donc procurer aux banques 8,4 milliards d’euros sur un an.

 Steven Vanackere répond que ce n’est pas si simple, car si les banques ont pu se fournir en liquidités jusqu’à l’an dernier à un taux quasiment nul, ce n’est plus le cas. En outre, la situation est très différente d’une banque à l’autre.  « Certaines banques n’ont pratiquement aucun dépôt à la BCE, et les nouveaux  TLTRO (les crédits à long terme octroyés par la BCE, NDLR) sont désormais effectués à un taux de  3,25%, rappelle-t-il. Les banques paient donc aujourd’hui à la BCE des liquidités à 3,25% pour les parquer à 3,25%. Le résultat est donc nul »  

Taxer les banques ?

Steven Vanackere ajoute que « la BCE n’est pas nécessairement contente de rémunérer ces liquidités, car elle est bien  consciente de la critique qui peut se présenter. Mais si ces liquidités déposées auprès d’elle étaient rémunérées à un niveau moins élevé, il n’y aurait plus de transmission de la politique monétaire et nous n’arriverions plus à lutter contre l’inflation », observe-t-il.  La politique monétaire de la BCE consiste en effet à canaliser les taux d’intérêt entre le taux directeur (celui auquel la banque centrale prête de l’argent aux banques) et son taux de dépôt (celui auquel elle rémunère l’argent déposé chez elle). « La seule chose que nous puissions faire, c’est d’obliger les banques à placer de l’argent non rémunéré. Mais cela, c’est décider de taxer les banques », ajoute Steven Vanackere.

Partner Content