Pourquoi les Bourses mondiales vacillent

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Depuis une semaine, les Bourses mondiales tremblent. Quelle est l’ampleur de la crise ? Quels scénarios doit-on attendre ? Les explications de Julien Manceau, économiste chez ING Belgium.

Les Bourses ont déjà abandonné une dizaine de pourcents, soit l’équivalent des gains qu’elles avaient engrangés depuis le début d’année. Et le mouvement ne semble pas prêt de s’arrêter.

Le relèvement des taux d’intérêt sur le marché obligataire américain a mis le feu aux poudres. Si les taux remontent, il devient plus intéressant d’investir en obligations et moins en actions…

Les explications de Julien Manceau, économiste chez ING Belgium.

Quel scénario doit-on attendre sur les marchés après les soubresauts de ces derniers jours ? A-t-on affaire à une correction ou au début d’un krach ?

C’est difficile à dire. Nous assistons aujourd’hui à une revalorisation du risque d’inflation aux États-Unis, sachant que ce risque a longtemps été sous-évalué par la Bourse américaine. Pourtant, la Réserve Fédérale donne depuis un an des signaux assez clairs sur ce que sera sa politique monétaire et sur le nombre de hausses de taux qu’elle enclenchera au cours de ces deux prochaines années. Le marché a pris beaucoup de temps à intégrer ces données dans les taux obligataires. À mesure que les taux se sont ajustés à la hausse, il devait nécessairement y avoir un ajustement également dans les cours des actions. À cela s’ajoute une autre question : celle de la fin du cycle économique haussier aux États-Unis.

Oui, les États-Unis connaissent depuis 2009 une période de croissance économique.

C’est un cycle déjà extrêmement long et qui vient encore d’être relancé par la politique fiscale expansionniste mise en place par la Maison-Blanche. Les États-Unis en outre bénéficient actuellement d’un dollar faible. La question est donc de savoir ce qui se passera en 2019. Le retournement du cycle du crédit (la hausse des taux, NDLR) est généralement annonciateur dans les 18 mois qui suivent d’un ralentissement économique.

Il est également normal d’avoir un peu plus de volatilité, surtout après deux années particulièrement calmes sur les marchés. Il est donc difficile de savoir si nous assistons à une correction technique ou à quelque chose de plus profond. Mais il est sans doute trop tôt pour dire aujourd’hui que l’on assiste à un retour généralisé du pessimisme. La croissance des résultats des entreprises reste positive. Ce n’est donc pas encore très alarmant.

On s’attend donc à une moindre croissance de l’économie américaine d’ici un à deux ans ?

Personne n’est dupe que sur le fait que si la Réserve fédérale augmente rapidement ses taux d’intérêt directeurs aujourd’hui, c’est pour avoir demain un peu de lest lorsque la conjoncture se retournera. La situation va donc devenir un peu risquée, avec, aux États-Unis, un marché au plein-emploi, des taux un peu plus élevés et une réforme fiscale qui va bénéficier aux petites et moyennes entreprises américaines actives domestiquement, mais qui va aussi toucher les résultats des grandes entreprises qui vont être amenées à devoir payer cette année davantage d’impôts (pour pouvoir rapatrier leurs bénéfices aux États-Unis, NDLR).

La situation est différente en Europe. On devrait donc assister à un découplage des marchés européens et américains ?

Ce serait rationnel. Le cycle en Europe ne va probablement pas atteindre son sommet avant 2019. Nous devrions donc encore avoir quelques trimestres de croissance qui devraient se marquer dans les résultats des entreprises. Le problème en Europe pourrait venir de l’euro. Une devise un peu trop forte pourrait handicaper les résultats des grandes entreprises européennes et notamment allemandes et françaises. Ceci dit, nous devrions quand même assister à un découplage entre les marchés américains et européens.

On a encore pointé du doigt certains produits financiers complexes, liés notamment à l’indice VIX, un baromètre qui mesure la volatilité des marchés (l’ampleur des hausses et des baisses). La déconfiture de ces produits aurait accentué la chute de ces derniers jours.

Le problème est que pendant très longtemps la volatilité des marchés a été très basse. Et que parallèlement il existait des masses de liquidités disponibles de très grande ampleur. Les investisseurs qui ont fait des paris sur la volatilité ont donc été de plus en plus nombreux. Ce ne sont pas nécessairement les produits en eux-mêmes qu’il faut remettre en question, mais la masse d’argent qui est venu s’y investir, ainsi que le fait que la volatilité a été anormalement faible pendant très longtemps. On avait fini par oublier ce qu’était une volatilité normale. Et l’on avait aussi oublié ce qu’était une prise de risque.

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