Pour le juge d’instruction Michel Claise, “la transaction pénale, c’est un moindre mal”

En 2018, l’Etat belge a encaissé un montant record de 114 millions d’euros grâce aux transactions pénales, selon nos confrères de “L’Echo”. Quant à l’affaire HSBC, plus grosse transaction jamais conclue chez nous, elle a fait l’an dernier à elle seule rentrer 295 millions dans les caisses publiques.
Que vous inspirent ces chiffres, vous qui êtes à la base du dossier de la banque HSBC qui a conduit à la plus importante transaction pénale jamais conclue en Belgique ? Certains parlent de ” justice de classe ” qui permet à ceux qui ont les moyens d’acheter leur procès.
Ils ont malheureusement raison. Ceux qui ont suffisamment d’argent peuvent se racheter une virginité financière à moindres frais. Le parquet négocie aujourd’hui souvent la récupération du produit de l’infraction dont les montants sont inférieurs aux bénéfices encaissés. C’est choquant. Mais cela serait nettement moins choquant si la justice en général, et la justice financière en particulier, était plus forte et plus efficace. La situation de nos structures judiciaires est aujourd’hui devenue ahurissante. Trop souvent, les dossiers n’arrivent pas devant les tribunaux à cause du manque de moyens aboutissant à des prescriptions. Quant aux amendes, elles ne sont pas suffisamment sévères. Il faudrait quasiment les décupler, histoire de mettre davantage de pression sur les suspects et de donner une plus grande marge de négociation au parquet.
A vous entendre, ce système de la transaction pénale est donc efficace vu l’état de notre justice. Il vaut mieux pour les caisses de l’Etat un bon arrangement qu’un mauvais procès, voire pas de procès du tout ? Surtout en Flandre où les transactions sont nombreuses…
Oui. La transaction pénale, c’est un moindre mal. Qu’il s’agisse de criminalité financière, de fraude fiscale, de blanchiment ou d’escroquerie : c’est le seul moyen dont nous disposons pour sauver les meubles. C’est terrible, mais c’est comme cela. Tant qu’on ne rendra pas la justice plus forte et plus efficace, les transactions pénales ne seront qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Pour le reste, je ne me prononcerai pas sur les différences régionales en matière de transactions pénales.
On parle beaucoup de l’échange international de renseignements financiers entre pays qui est devenu une réalité. Cela vous aide-t-il vraiment dans votre travail au quotidien ?
La coopération internationale en matière de lutte contre la criminalité financière fonctionne bien. Les collaborations sont excellentes grâce à Eurojust et Europol (institutions européennes de collaboration policière et judiciaire). Grâce à des conventions appelées ” équipes communes d’enquête “, signées entre les autorités judiciaires des pays européens, les policiers voyagent plus facilement. Les renseignements circulent. Nous disposons d’outils formidables. Que ce soit avec Paris ou Varsovie par exemple, il est possible de demander par mail une perquisition qui sera exécutée le jour même. Le problème, c’est qu’une fois le dossier bouclé, on retombe dans le circuit infernal et maléfique de la justice belge.
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