Pierre Mariani : l’échec de l’émission obligataire allemande est une bonne chose !

Invité ce vendredi à la tribune de « The Future of Finance », cycle de conférences organisé par Trends-Tendances, Pierre Mariani, administrateur délégué de Dexia, s’est montré fort préoccupé par la crise des dettes souveraines, devenue crise politique.
Pierre Mariani est de plus en plus pessimiste sur la possibilité d’une sortie de crise « par le haut », c’est-à-dire sans tourments graves, alors qu’on est entré dans un système souffrant d’instabilité permanente. Il juge toutefois assez positif un de ses derniers avatars, à savoir l’échec, hier, de l’émission d’obligations lancée par l’Allemagne. Berlin, qui proposait 6 milliards d’euros, n’a trouvé acquéreur que pour un petit peu moins de 4 milliards, et à un taux en hausse sensible. Le taux à 10 ans sur les Bunds est ainsi passé, en chiffres ronds, de 1,8 à 2,2 % en quelques jours à peine. C’est la banque centrale allemande, la Bundesbank, qui a dû acheter le papier en rade.
En quoi est-ce positif ? D’abord, cet échec démontre que cela peut arriver à tout le monde, a ironisé Pierre Mariani. Ce n’est, à ses yeux, pas insignifiants sur la scène européenne. Ensuite, la hausse générale des taux entraînée par cet incident est bonne pour Dexia, comme pour l’ensemble du secteur financier d’ailleurs. Enfin, l’achat par la Bundesbank des obligations qui n’avaient pas trouvé preneur est un précédent de nature à changer la donne. Berlin s’oppose en effet très fermement à la « monétarisation » de la dette des Etats européens, c’est-à-dire à l’achat d’obligations souveraines par la Banque centrale européenne. Le fait que la Bundesbank ait été obligée de le faire elle-même en faveur des obligations allemandes pourrait évidemment ouvrir la porte à un changement d’attitude outre-Rhin.
Parmi les nombreuses précisions apportées à la situation de Dexia, son CEO a tenu à tordre le coup à une affirmation mal comprise. Il a en effet déclaré que Dexia a été « obéissant à l’égard des autorités qui l’enjoignaient, l’an dernier, de ne pas se défaire de ses obligations pour ne pas aggraver la crise grecque », un aveu qui a suscité des commentaires très amers. « Je l’ai dit, c’est exact, mais c’était évidemment de l’humour, ce qui n’a malheureusement pas été compris. On ne m’y reprendra plus ! », conclut-il en souriant. Et en précisant que Dexia n’a jamais cessé d’élaguer son portefeuille, pour 150 millions d’euros par jour en moyenne au cours des trois dernières années.
Guy Legrand
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