Max Jadot, CEO de BNP Paribas Fortis: “On va continuer à soutenir les entreprises et les familles belges”

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Hier la crise sanitaire, aujourd’hui la guerre… “Vous pouvez compter sur nous, nous allons continuer à soutenir l’économie belge du mieux que nous pouvons.” Tel est le message adressé par Max Jadot, patron de BNP Paribas Fortis, aux familles et aux entreprises du pays lors de la présentation des résultats 2021 de la banque.

Une année record. Jamais depuis sa reprise par BNP Paribas, l’ex-Fortis n’avait réalisé un aussi gros bénéfice. L’an dernier, la filiale belge du groupe bancaire français a en effet dégagé un résultat net de 2,6 milliards d’euros (en hausse de 29% par rapport à 2020), soit le chiffre le plus élevé depuis que Max Jadot a pris ses fonctions de CEO en 2011. Mais comme il nous l’expliquait juste avant la présentation officielle des résultats, “un CEO doit toujours regarder devant lui”. C’est-à-dire, en l’occurrence, être prêt à aider les entreprises et les familles du pays à passer le cap des turbulences actuelles, comme ce fut le cas pendant la crise sanitaire.

L’impact du conflit en Ukraine devrait se traduire par une diminution d’environ 1% de la croissance en 2022.

TRENDS-TENDANCES. Vous présentez vos résultats dans un contexte très particulier. Comment, en tant que CEO de la première banque du pays, réagissez-vous à ce qui se passe en Ukraine?

MAX JADOT. C’est un drame humain qui ne laisse personne indifférent. C’est la guerre! Personne ne s’y attendait. Par ailleurs, c’est aussi un énorme choc géopolitique qui rebat les cartes après 30 ans de stabilité en Europe. C’est, enfin, un choc énergétique qui va peser sur les familles les plus faibles pendant les mois et peut-être les années à venir.

Avez-vous déjà une idée de l’impact que le conflit aura sur notre économie? Doit-on s’attendre à une récession?

Il est encore trop tôt pour formuler avec précision un scénario économique. Cela étant, nous pensons que l’impact devrait se traduire par une diminution d’environ 1% de la croissance en 2022. Celle-ci devrait tourner autour de 2,5%, au lieu des 3,5% attendus.

Les conséquences économiques devraient donc être moins graves que celles de la crise sanitaire. Pourquoi?

Les fondamentaux de départ sont bons. L’économie européenne s’est bien comportée en 2021. Les entreprises ont fait preuve de résilience. Elles ont beaucoup investi et beaucoup exporté. Quant aux opportunités d’emploi, elles se situent à un haut niveau en Europe mais aussi en Belgique. Bien sûr, il faut prendre en compte certains downside risks qui pourraient affecter la croissance.

Lesquels?

Il faudra voir notamment comment la chaîne d’approvisionnement va réagir, et certainement au niveau des matières premières. Des goulots d’étranglement peuvent s’installer dans certains secteurs, comme l’automobile en Allemagne, les équipements aéronautiques, etc. Il y a aussi l’impact financier des coûts énergétiques, pour les familles mais aussi pour beaucoup d’entreprises. C’est un risque important si le coût de l’énergie reste à son niveau actuel. Et puis, bien sûr, l’inconnue absolue, c’est la confiance du consommateur.

Certains éléments positifs pourraient-ils jouer?

Certainement. L’Europe va devoir se réinventer. Cela va se traduire par des investissements publics et privés majeurs: dans l’énergie, dans la santé, dans l’IT, dans les infrastructures, dans les transports, dans la défense. En outre, il faut reconnaître que l’Europe fait preuve de davantage d’unité. Certains pays qui étaient plutôt à l’extrême de l’échiquier politique se rapprochent d’une vision plus centrale. Cela rend possible des choses comme l’émission d’obligations européennes pour financer ces investissements importants.

Y a-t-il un parallèle à faire avec la crise sanitaire?

On a toujours tendance à vouloir comparer les crises. Mais le conflit en Ukraine est totalement différent de la crise du covid. Ce que nous vivons aujourd’hui est un choc d’incertitude. En 2020, lors du premier confinement, l’économie a été brutalement mise à l’arrêt. Toutes sortes de mesures d’urgence et de soutien ont alors été mises en place, comme les moratoires sur le remboursement des crédits, et celles-ci ont fait leurs preuves. Nous n’en sommes pas à ce stade pour le moment.

Comme pour la crise sanitaire, certaines entreprises vont toutefois souffrir…

Au niveau macroéconomique, nous nous attendons à ce que l’impact soit limité. Mais au niveau individuel, il y aura toujours des entreprises et des secteurs qui seront durement touchés. Pensez aux entreprises qui dépendent de matières premières provenant d’Ukraine ou de Russie. Il y aura des dégâts ici et là. Donc oui, de ce point de vue-là, vous pouvez faire un parallèle avec la crise du corona. Des secteurs spécifiques, tels que l’hôtellerie et la culture, ont été touchés plus durement et plus longtemps que d’autres.

Plus largement, comment voyez-vous BNP Paribas Fortis évoluer en 2022?

Cela fait 200 ans que la banque existe et qu’elle aide les familles et les entreprises à traverser les crises. Elle a montré, depuis très longtemps et encore ces deux dernières années, qu’elle était capable d’être au service de l’économie du pays. Nous allons continuer à le faire, à soutenir les familles et les entreprises belges, du mieux que nous pouvons. Comme nous l’avons toujours fait. Nous en avons les capacités. BNP Paribas Fortis est très fortement capitalisée et très liquide. Notre solvabilité s’élève à 18%, après distribution du dividende, ce qui veut dire que nous avons la solvabilité la plus élevée des grandes banques belges, lesquelles sont toutes largement capitalisées, au-delà des exigences réglementaires.

Max Jadot, CEO de BNP Paribas Fortis:
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Quelle est votre exposition en Ukraine et en Russie?

Si on enlève les garanties et les collatéraux, l’exposition nette du groupe, en ce compris donc pour BNP Paribas Fortis, se limite à 500 millions d’euros. C’est tout à fait gérable.

Comme en témoignent vos excellents résultats 2021, vous avez profité à plein de la reprise et d’un retour à la normale. Quid du dividende?

Comme nous avons beaucoup de réserves, cela ne sert à rien d’en accumuler encore. Compte tenu de cette très bonne solvabilité, la totalité du bénéfice va être distribuée à nos actionnaires.

Un bénéfice de plus de 2 milliards d’euros qui prend la direction de Paris: n’avez-vous pas peur des critiques?

Si je regarde les trois dernières années, notre pay-out ratio se monte à 50%. Il était nul en 2020, puis de 50% en 2021 et de 100% en 2022. Certaines banques distribuent encore plus. Et puis, pourquoi conserver du capital? Notre production de nouveaux prêts se monte à 38 milliards de dollars. Il y a cinq ans, le volume de nos crédits s’élevait à 100 milliards, nous sommes aujourd’hui à 134 milliards. Le marché est ce qu’il est, pas extensible à l’infini. A un moment donné, il faut se rendre à l’évidence et retourner le capital à son actionnaire, quel qu’il soit. Qui est opposé à la distribution d’un dividende? Posez la question à un entrepreneur et vous verrez ce qu’il vous répondra.

Il ne faut pas sous-estimer le besoin de services bancaires de base en Belgique.

Oui, mais dans le même temps, les tarifs augmentent, la fermeture des agences s’accélère…

Parce que nous investissons dans le digital et que nous avons moitié moins de visites dans nos agences par rapport à il y a deux ans.

Côté investissement justement, pourquoi avoir racheté bpost banque?

C’est un mouvement stratégique. Nous sommes la seule banque qui, en 2021, a procédé à deux grandes acquisitions en Belgique: une partie des activités de traitement des paiements par carte d’Ingenico en Belgique et de Worldline au Luxembourg ainsi que bpost banque. Jusqu’ici, bpost banque n’était pas intégrée dans BNP Paribas Fortis. C’était une joint-venture autonome. En rachetant les 50% restants de bpost banque, nous rajoutons 600.000 clients actifs, ce qui nous amènera à un total de 4 millions de clients, et nous augmentons notre taille de bilan de plus ou moins 10% puisque celui de bpost banque représentait 12 milliards d’euros.

Comment cette intégration va-t-elle se traduire sur le terrain?

L’élément le plus important est la fusion BNP Paribas Fortis et bpost banque le 1er janvier 2024. A partir de ce jour-là, les clients de BNP Paribas Fortis pourront se rendre aux guichets des bureaux de poste, où nous proposerons des services bancaires de base. Les 600.000 clients de bpost banque deviendront de leur côté automatiquement clients de BNP Paribas Fortis.

La marque bpost banque est-elle donc amenée à disparaître?

Les employés de bpost banque seront intégrés dans nos équipes et le logo va disparaître au profit de celui de BNP Paribas Fortis, en effet. Ce qui veut dire que, d’ici quatre ans, en 2025, au lieu d’avoir 220 agences BNP Paribas Fortis, nous aurons 880 agences disponibles dans tout le pays. Cela répond à notre objectif d’être une banque durable, en croissance et accessible.

Oui mais vous disposez encore pour l’instant de plus ou moins 380 agences. En clair, vous allez fermer presque la moitié de votre réseau d’ici 2025?

Nous continuons à réduire notre réseau d’agences. Le trend est connu. Cette réduction va s’étaler sur quatre ans. Mais à partir du 1er janvier 2024, nous rajoutons 660 points poste au niveau de notre capacité de distribution, de servicing et de vente.

A quoi vont ressembler ces 220 agences BNP Paribas Fortis qui resteront?

Ce seront principalement des agences ouvertes sur rendez-vous pour une clientèle qui veut du conseil et qui choisira donc éventuellement de se déplacer un peu plus loin pour bénéficier de ce conseil: le client qui veut placer son épargne dans un produit d’investissement, celui qui cherche un prêt hypothécaire ou un crédit un peu plus complexe, l’entrepreneur qui veut discuter de sa problématique de cash management…

Compte tenu de cette différenciation de l’offre et du fait que le service sera assuré dans ces nouveaux points de contact par des employés de bpost et non par du personnel de BNP Paribas Fortis, ne craignez-vous pas d’avoir deux types de clientèle pour une même marque: l’une avec des besoins bancaires de base et l’autre avec des besoins plus spécifiques?

Nous devons pouvoir répondre à tous les types de clientèle. Il ne faut pas sous-estimer le besoin de services bancaires de base en Belgique. Plus largement, les avions qui n’ont qu’un seul moteur sont plus fragiles que les avions qui en possèdent plusieurs. BNP Paribas Fortis est non seulement présente dans la banque retail mais aussi dans le corporate banking, le wealth management, le leasing, le factoring, etc. Quand vous n’avez qu’un seul business, vous êtes moins résilient que si vous en avez plusieurs, certainement en ces temps de taux bas et d’incertitude.

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