Les banques européennes dans le collimateur du FMI

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Le FMI s’inquiète de la fragilité des banques européennes qui ne seraient pas assez capitalisées. Motif ? Leurs engagements en dettes souveraines : ils ne seraient pas correctement évalués.

Le secteur bancaire européen est-il en manque de fonds propres ? Pour le Fonds monétaire international (FMI), cela ne fait aucun doute : la réponse est clairement oui. Lors de la traditionnelle conférence de Jackson Hole, du nom de cette petite ville de l’Ouest des Etats-Unis où se retrouvent chaque année fin du mois d’août banquiers centraux, grands argentiers et autres patrons de banque, la nouvelle patronne du FMI n’a en effet pas mâché ses mots à cet égard. Inquiète de la fragilité des banques européennes, Christine Lagarde a estimé qu’il était “urgent pour elles de se recapitaliser”. Et ce afin “d’éviter un effet contagion” de la crise de la dette, a-t-elle encore indiqué à l’occasion de cette grand-messe de la planète finance à laquelle assistait également son compatriote Jacques Attali, qui s’est lui aussi fendu d’un avertissement sur la solidité des banques françaises (BNP Paribas, Dexia etc.).

Vivement contestée de ce côté de l’Atlantique, l’analyse de Christine Lagarde se baserait sur une version préliminaire du prochain rapport du FMI sur la stabilité financière dans le monde, qui doit paraître fin septembre. Selon le Financial Times, celui-ci évoque une surévaluation des fonds propres des établissements du Vieux Continent de l’ordre de 10 à 12 %, soit environ 200 milliards d’euros. En cause : la manière dont sont comptabilisées les obligations gouvernementales de la zone euro par ces établissements européens. S’ils devaient inscrire dans leurs livres ces titres de dettes souveraines à leur valeur de marché, autrement dit au prix où ils pourraient les vendre actuellement (si tant est qu’ils puissent s’en séparer alors qu’il n’existe pour ainsi dire plus de marché pour certains de ces titres publics), leurs fonds propres fondraient automatiquement de 200 milliards. Le rapport du FMI pointerait aussi la faiblesse des banques grecques, irlandaises et portugaises. Mais aussi espagnoles, italiennes et… belges.

Une pierre dans le jardin des “stress tests”

Que penser des déclarations de l’ancienne ministre française de l’Economie, réitérées dans un entretien paru ce lundi dans Der Spiegel ? Pour Oscar Bernal, professeur de finance aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur et ancien économiste chez ING, il y a deux façons de voir les choses. “Les déclarations de Christine Lagarde sont un appel du pied pour aller plus loin dans la consolidation du secteur bancaire européen, estime-t-il. Compte tenu du risque actuel de récession et du flou qui plane toujours autour de la mise en £uvre du second plan d’aide à la Grèce, on peut concevoir que le secteur bancaire européen demeure fragile. D’un autre côté, c’est oublier un peu vite les efforts déjà faits en termes de renforcement des fonds propres suite aux diverses nationalisations et recapitalisations.”

C’est surtout ne pas donner beaucoup de crédit aux tests de résistance. Selon les résultats de ces fameux stress tests menés au printemps dernier, seules huit banques européennes sur 90 ne disposent pas des fonds propres nécessaires pour résister à un éventuel choc économique et financier majeur. Il leur manquerait à peine 2,5 milliards d’euros.

Alors, qui a tort, qui a raison ? Pourquoi le FMI tire-t-il ainsi la sonnette d’alarme ? C’est que “pendant tout l’été, poursuit Oscar Bernal, on a vu la crise reprendre du poil de la bête. Et puis, reconnaissons-le, les banques européennes sont exposées à la Grèce, alors les tests de résistance ne prennent pas en compte le défaut, même partiel, d’un pays de la zone euro. C’est sans doute cela que la FMI reproche aux Européens”. Même s’il ne le dit pas explicitement. Mais, conclut Oscar Bernal, “le secteur bancaire n’est pas plus fragile en Europe qu’ailleurs”. Reste à voir quelle sera la version officielle dudit rapport, fin septembre.

SÉBASTIEN BURON

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