L’emprunt record d’Apple fait polémique

© Reuters

Le groupe informatique américain a réalisé mardi un emprunt obligataire de 17 milliards de dollars, un record pour une entreprise, mais qui pose des questions sur l’avenir de la firme de Cupertino.

Avec ce montant, Apple dépasse le laboratoire pharmaceutique Roche, qui était jusqu’ici le groupe ayant réalisé le plus gros emprunt obligataire avec un montant de 16,5 milliards de dollars en 2009, selon des données du cabinet Dealogic citées dans la presse. Roche s’était lourdement endetté en 2009 pour payer l’acquisition du laboratoire américain Genentech.

Apple a placé mardi son emprunt en six tranches, avec des maturités allant de trois à trente ans. Quatre sont à taux fixes, avec des rendements allant de 0,511% à 3,883%, et deux à taux variables, détaille le document. Le groupe compte utiliser l’argent pour récompenser ses actionnaires et tenter d’inverser la chute de son cours de Bourse, qui même s’il a repris un peu de couleurs ces derniers jours (le titre a clôturé mardi en hausse de 2,94% à 442,78 dollars) reste inférieur de 37% à son record de 702,10 dollars enregistré il y a moins de huit mois.

Le groupe à la pomme a annoncé la semaine dernière qu’il portait de 45 à 100 milliards de dollars le montant total qu’il comptait consacrer d’ici fin 2015 au paiement de dividendes ou à des rachats d’actions. Apple n’avait pas vraiment besoin de lever de l’argent sur les marchés. Le groupe n’avait jusqu’ici aucune dette et affichait 145 milliards de dollars de liquidités dans ses comptes à fin mars. Mais une grosse partie des fonds se trouve dans des comptes à l’étranger et il a jugé plus avantageux d’emprunter que de les rapatrier.

Favoriser l’aspect financier au détriment de la stratégie industrielle?

“La dette est très bon marché en ce moment aux Etats-Unis et l’argent d’Apple à l’étranger rapporte probablement plus en intérêt que ce que l’emprunt va lui coûter. En plus, ramener l’argent aux Etats-Unis occasionnerait des taxes élevées, rendant l’opération encore moins attractive financièrement”, explique à l’AFP Robert Enderle, un analyste spécialisé dans le secteur technologique.

“Cela a du sens sur le plan financier”, reconnaît-il, s’interrogeant en revanche sur l’intérêt stratégique. “Cela va énormément affaiblir l’entreprise sur le long terme”, prévient-il, rappelant que les liquidités en réserve d’Apple étaient censées lui servir dans les années de vaches maigres, et que les réduire massivement crée “un risque plus élevé de défaillance d’ici dix ans”.

Un autre analyste, Trip Chowdhry de Global Equities Research, se montre lui aussi sceptique. “La seule chose qui fera remonter l’action, c’est de l’innovation sur les produits”, juge-t-il. Outre des mises à jour de ses deux produits vedettes, l’iPhone et la tablette iPad, la rumeur prête à Apple des ambitions dans de multiples domaines, allant d’une montre à la radio ou la télévision. Mais le groupe a laissé entendre que ce ne serait pas pour tout de suite en évoquant la semaine dernière des nouveautés pour seulement “l’automne”, voire l’an prochain.

Trip Chowdhry critique aussi l’image que renvoie un groupe américain aussi important en préférant s’endetter plutôt que payer des impôts dans son pays. “Si c’était une petite entreprise, ça irait, mais pour Apple cela envoie le mauvais message”, juge l’analyste. “Ils feraient mieux d’utiliser l’argent qui est à l’étranger” et de payer des impôts dessus, contribuant ainsi à “créer des emplois, et même plus d’activité pour Apple” aux Etats-Unis.

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